Au Sénégal, quelle couverture de santé des personnes âgées souffrant de diabète et d’hypertension ?, The Conversation, 2022

Auteurs : Gabrielle Laborde-Balen, Bintou Rassoul Top, Bernard Taverne, Khoudia Sow

Site de publication : The Conversation

Type de publication : Article

Date de publication :  Janvier 2022

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En 2013, l’État sénégalais a mis en place un dispositif de couverture sanitaire nommé Couverture médicale universelle (CMU), visant à fournir une couverture – partielle ou totale – des frais de santé à l’ensemble de la population.

Une enquête récente montre que ce système ne remplit pas encore pleinement son rôle auprès des personnes âgées souffrant de maladies chroniques.

La CMU, vers un regroupement des dispositifs de couverture maladie

La CMU, qui est principalement basée sur l’affiliation volontaire à des mutuelles communautaires de santé, a également regroupé différents mécanismes de couverture préexistants, notamment plusieurs initiatives de gratuité – parmi lesquelles la gratuité des soins pour les personnes âgées de 60 ans et plus, appelée « Plan Sésame ».

Plusieurs régimes de couverture médicale existent au Sénégal pour les personnes âgées. Les anciens salariés du secteur privé sont couverts par l’institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES), les retraités de la fonction publique par le Fonds National Retraite (FNR). Ces dispositifs concernent entre 10 et 30 % des personnes âgées.

En pratique, la mise en œuvre du Plan s’est heurtée à plusieurs difficultés qui en ont très tôt limité la portée. En 2009, certaines prestations ont été exclues des remboursements pour limiter l’accroissement des dépenses. Plusieurs études réalisées entre 2010 et 2013 ont décrit les causes de divers dysfonctionnements et leurs conséquences.

Une application variable du Plan Sésame

Bien que le Plan Sésame soit défini dans le cadre d’une stratégie nationale, sa mise en œuvre est variable selon les structures sanitaires et les époques. La décision imposée aux structures de santé de fournir gratuitement un ensemble de prestations et les délais de compensation par l’État ont privé ces structures d’une part de leurs ressources et créé des déséquilibres budgétaires dans leur gestion.

Plusieurs régimes de couverture médicale existent au Sénégal pour les personnes âgées. Les anciens salariés du secteur privé sont couverts par l’institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES), les retraités de la fonction publique par le Fonds National Retraite (FNR). Ces dispositifs concernent entre 10 et 30 % des personnes âgées

La plupart ont réagi en restreignant l’offre de service ; par exemple, aucune structure de santé ne fournit gratuitement les médicaments.

73 % du coût médical est encore supporté par les patients eux-mêmes

Toutes les personnes enquêtées auraient dû bénéficier de la couverture liée au Plan Sésame mais son application variable et limitée selon les structures sanitaires, ainsi que l’absence d’utilisation des autres dispositifs d’aide existants, conduisent à ce que 73 % du coût médical soit supporté par les patients eux-mêmes.

Bien que le Plan Sésame soit appliqué de manière variable selon les structures, il permet une réduction sensible du montant du reste à charge. Ainsi, le montant couvert par le Plan est de 10 000 francs CFA pour l’HTA, 16 000 francs CFA pour le diabète et de 25 000 francs CFA pour l’association des deux maladies ; le reste à charge moyen est quasi identique pour l’HTA et le diabète (22 000 francs CFA) ; il est de 26 000 francs CFA pour l’association des deux maladies.

Bien que le Plan Sésame soit défini dans le cadre d’une stratégie nationale, sa mise en œuvre est variable selon les structures sanitaires et les époques. La décision imposée aux structures de santé de fournir gratuitement un ensemble de prestations et les délais de compensation par l’État ont privé ces structures d’une part de leurs ressources et créé des déséquilibres budgétaires dans leur gestion

Soigner les aînés, une lourde charge pour les familles sénégalaises

Les études statistiques publiées en 2021 rapportent qu’au Sénégal, la dépense quotidienne moyenne est de 1 390 francs CFA/personne/jour ; et que près de 38 % de la population vit avec 913 francs CFA/personne/jour, somme qui représente le seuil de pauvreté calculé en 2019.

Ainsi, le reste à charge moyen d’une consultation de suivi de l’hypertension, du diabète ou de l’association des deux maladies représente de 15 à 30 jours de dépense quotidienne. Alors que la grande majorité des personnes âgées ne disposent pas de pension de retraite au Sénégal, les dépenses de santé incombent donc à leurs proches.

Toutes les personnes enquêtées auraient dû bénéficier de la couverture liée au Plan Sésame mais son application variable et limitée selon les structures sanitaires, ainsi que l’absence d’utilisation des autres dispositifs d’aide existants, conduisent à ce que 73 % du coût médical soit supporté par les patients eux-mêmes

Notre enquête montre que 58 % des personnes ont eu tout ou partie de leur dépense médicale couverte par un parent. Cet indispensable soutien familial place les personnes âgées en situation de totale dépendance et de vulnérabilité médicale et sociale.

Si, en 2021, le Plan Sésame ne permet pas encore une totale gratuité des soins pour les personnes âgées, son application, même partielle, se traduit par une réelle baisse des dépenses de santé des personnes âgées. Mais son utilisation demeure limitée du fait d’une application inconstante par la plupart des structures sanitaires.

 

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