Dynamiques transfrontalières et gestion des ressources naturelles en Sénégambie, Union Géographique Internationale , Septembre 2019

Auteur :  Abdou Kadry MANE

Organisation affiliée : Laboratoire d’Etude sur le Genre, l’Environnement, la Religion et les Migrations (GERM), Union Géographique Internationale (UGI) et Université de Neuchâtel (UNINE)

Type de publication : Article

Date de publication : Septembre 2019

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Les effets des frontières en Sénégambie

Le tracé des frontières en Sénégambie pose d’énormes difficultés sur le terrain. L’une des conséquences majeures tirées de ces frontières est la naissance sur un territoire identique, qui jadis était unique, de plusieurs États politiquement et administrativement différents. En plus, l’une des conséquences majeures au regard de la carte géopolitique de la Sénégambie est l’enclavement d’un État (Gambie) dans un autre (Sénégal). L’un divise l’autre en deux et lui crée un véritable problème de désenclavement mais aussi de gouvernance de son territoire. Cette situation constitue davantage la véritable difficulté de gestion territoriale en Sénégambie.

En outre, la Sénégambie caractérisée par une homogénéité physique et une grande diversité ethnique, présente de part et d’autre de des frontières coloniales. C’est ce qui fait de cet espace une zone de continuités socioculturelles, et géographiques. Cette forte identité et solidarité de la population au travers des frontières ont donc pour corollaire d’importantes dynamiques transfrontalières dans cette région de l’Afrique de l’Ouest, donnant lieu à des difficultés de gouvernance autonome des différents États.

Exploitation transfrontalière des ressources naturelles en Sénégambie

En Sénégambie, la frontière n’a pas toujours été un handicap de l’exploitation des ressources naturelles. En effet, malgré d’importants dispositifs de contrôle du potentiel naturel mis en place pas des différents États (codes de la forêt, de l’environnement, de l’eau, de la pêche, des ressources minières, les services de sécurité…), les flux d’exploitation des ressources naturelles se développent grâce aux liens sociaux et à la forte solidarité transfrontaliers des populations, à la porosité des frontières, mais aussi à l’ancienneté des échanges au travers des limites étatiques. Il faut dire que dans cet espace, l’exploitation des ressources naturelles connaît donc une dimension transnationale.

Cette forte identité et solidarité de la population au travers des frontières ont donc pour corollaire d’importantes dynamiques transfrontalières dans cette région de l’Afrique de l’Ouest, donnant lieu à des difficultés de gouvernance autonome des différents États

En outre, il faut dire davantage que les ressources naturelles de la Sénégambie connaissent une exploitation abusive. Cet usage du potentiel végétal se manifeste au niveau de la commune de Kataba 1 (commune située dans le Nord-Ouest du département de Bignona frontalière avec la république de Gambie). Elle se caractérise par une déforestation très avancée.  

Système de gestion des ressources naturelles et les conséquences

Les ressources naturelles exploitées sont généralement le bois, les produits de la mer, des minerais et de la cueillette, les noix de palmistes. Cependant, les manœuvres de contrôle des flux de ce potentiel naturel par les États n’ont pas encore donné des résultats escomptés du fait d’intenses liens et de forte solidarité sociaux au travers des frontières mais également l’ancienneté des échanges transfrontaliers.

La gouvernance des ressources naturelles en Sénégambie renvoie à la question de savoir comment exploiter et protéger les richesses naturelles dans un espace à la fois de rupture et de discontinuité voire de continuité

Ainsi, la gestion des ressources naturelles dans cette zone, abordée sur le plan des dynamiques transfrontalières, peut être étudiée à partir de la gouvernance territoriale des mobilités transfrontalières de populations. En Sénégambie, se caractérisant par d’importants flux échappant généralement aux dispositions réglementaires et législatives de contrôle des frontières mises en place par les pouvoirs étatiques, se pose le débat de la gestion des richesses naturelles dans un contexte d’intérêt public.

La gouvernance des ressources naturelles en Sénégambie renvoie à la question de savoir comment exploiter et protéger les richesses naturelles dans un espace à la fois de rupture et de discontinuité voire de continuité. Il s’agit, en effet, de montrer la nécessité des autorités politiques et administratives de promouvoir des stratégies de gestion équitable et durable des ressources naturelles dans cette zone marquée par d’intenses dynamiques transfrontalières.

La gestion des flux des ressources naturelles dans des espaces situés de part et d’autre de la frontière représente un enjeu essentiel dans la problématique gouvernance transfrontalière en Sénégambie. La mise en place d’un cadre juridique rénové pour la bonne gestion des ressources naturelles doit être une des préoccupations majeures des pouvoirs publics en Sénégambie. Par ailleurs, l’évolution des politiques nationales de protection des ressources naturelles ainsi que les fortes dynamiques transfrontalières dans l’espace sénégambien rendent nécessaires aux différents États une refonte réelle et une intégration des codes de gestion de ces richesses.

En réalité, l’étude des dynamiques transfrontalières et la gestion des ressources naturelles en Afrique de l’Ouest, en général et de la Sénégambie révèle des difficultés spatiales dans le système d’exploitation et d’administration de cette richesse. En effet, d’un côté, pour les différents États, ces ressources sont un don de la nature. Et pendant longtemps, les autorités ont pensé que leur gestion est donc une responsabilité exclusive du pouvoir étatique séquestré par des frontières artificielles, issues des rivalités des puissances coloniales. D’un autre, une population s’enracine dans sa réalité identitaire profondément attachée à ses relations sociales, culturelles, économiques, géographiques et historiques.