Auteure : Véronique Petit
Site de publication : ScienceDirect
Type de publication : Article
Date de publication : septembre 2023
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Alors que dans les pays du Nord, les questions démographiques se focalisent sur l’allongement de l’espérance de vie et une fécondité sous le seuil de remplacement des générations, qui induisent le vieillissement de la population et ont des conséquences socio-économiques (question des retraites, immigration), les niveaux significatifs de la fécondité en Afrique subsaharienne demeurent un enjeu social et politique sensible (statut de la femme, droits et accès à la contraception), dans un contexte où la variable démographique constitue un des facteurs du développement. À partir de l’exemple du Sénégal, nous observerons les tendances récentes de la fécondité tout en sachant que celles-ci ne sont pas généralisables à l’ensemble du continent.
L’évolution en matière de fécondité analysée par les démographes
La dynamique des populations est analysée par les démographes à travers la théorie de la transition démographique proposée par Frank W. Notestein. Ce modèle décrit le passage d’un régime démographique caractérisé par des taux de mortalité et de natalité élevés à un régime démographique défini par des taux de mortalité et de natalité faibles.
Du côté des pays du Sud, l’attention se focalise sur une croissance démographique jugée trop rapide et une fécondité trop forte. Considérée comme problématique dans une perspective néomalthusienne, la fécondité élevée constitue un frein au développement. Les projections démographiques alimentent les craintes d’une explosion de la population mondiale et d’une surpopulation des pays les moins développés. Ces derniers adoptent progressivement des politiques de population et mettent en place des programmes de planification familiale afin de réduire leur fécondité dans le cadre d’une santé sexuelle et reproductive.
Au Sénégal, une population en transition démographique
Une tendance à la baisse de la fécondité
Dominique Tabutin et Bruno Schoumaker classent le Sénégal dans la catégorie des pays qui ont connu une baisse régulière de la fécondité depuis les années 1960, avec une diminution de 1,5 enfant par femme depuis le début des années 1990.
La fécondité des adolescentes (15-19 ans) fait l’objet d’une attention spécifique en raison des risques de mortalité associés aux grossesses précoces, tant chez les mères que chez les nouveau-nés. En 2019, à 19 ans, 32,8 % des jeunes femmes ont commencé leur vie procréative (26,4 % ont déjà eu une naissance vivante et 6,4 % sont enceintes d’un premier enfant).
Du côté des pays du Sud, l’attention se focalise sur une croissance démographique jugée trop rapide et une fécondité trop forte. Considérée comme problématique dans une perspective néomalthusienne, la fécondité élevée constitue un frein au développement. Les projections démographiques alimentent les craintes d’une explosion de la population mondiale et d’une surpopulation des pays les moins développés. Ces derniers adoptent progressivement des politiques de population et mettent en place des programmes de planification familiale afin de réduire leur fécondité dans le cadre d’une santé sexuelle et reproductive
Parallèlement à la baisse de la fécondité, les données indiquent un infléchissement significatif de la mortalité des enfants dans toutes ses composantes entre 2005 et 2019 : la mortalité infantile passe de 48 à 29 ‰.
Désir d’enfants et prévalence contraceptive
La proportion de femmes âgées de 15-49 ans en union ne désirant plus d’enfants n’a pas varié depuis 2014, elle oscille entre 19 et 20 %.
La prévalence contraceptive (méthodes modernes) est passée de 12 % en 2010-2011 à 26 % en 2019 : les implants (10 %), les injectables (8 %) et la pilule (4 %) sont les méthodes les plus utilisées. Des études conduites en milieu rural au début des années 2000 soulignent les difficultés auxquelles se heurtent les femmes pour accéder à des moyens contraceptifs (coût, disponibilité, acceptabilité, manque d’informations).
L’utilisation de la contraception moderne est peu répandue chez les jeunes femmes (8 % chez les 15-19 ans), elle atteint 31 % dans le groupe des 40-44 ans, puis diminue entre 45 et 49 ans (23 %). La prévalence contraceptive croît avec le nombre d’enfants pour s’établir à 32 % chez les mères en ayant trois ou plus.
Avortement, une législation répressive
Le Sénégal a l’une des lois sur l’avortement les plus restrictives au monde.
L’avortement n’est envisageable que si la vie de la mère est en danger selon l’article 35 du code d’éthique médicale du pays. Néanmoins, les procédures requises le rendent en réalité très difficile à obtenir. Des associations se battent pour légaliser l’avortement en cas de viol ou d’inceste, ce qui devrait déjà être autorisé puisque le Sénégal est signataire du protocole de Maputo.
L’absence de dépénalisation conduit des femmes, les plus démunies en particulier, à mettre leur santé et leur vie en péril en avortant clandestinement.
Santé de la reproduction
La santé mère-enfant fait partie des programmes prioritaires soutenus notamment par le Fonds des Nations unies pour les populations, le fonds français Muskoka en Afrique de l’Ouest et centrale, et des fondations comme la Bill and Melinda Gates Foundation.
La couverture en soins prénatals est désormais telle que 98 % des femmes ont reçu des soins par un personnel qualifié en 2019. Les mères accouchent désormais majoritairement dans une structure de santé (80 %), mais l’écart entre le milieu urbain et le milieu rural reste significatif (96 % contre 71 %), de même que celui induit par le niveau d’instruction (74 % au niveau primaire, 96 % au niveau secondaire- supérieur).
L’Afrique subsaharienne concentre les deux tiers des décès maternels enregistrés annuellement au niveau mondial. En 2017, au Sénégal, le taux de mortalité maternelle était encore de 315 décès pour 100 000 naissances – il était néanmoins inférieur au niveau régional de l’Afrique de l’Ouest (717 décès pour 100 000 naissances) –, alors qu’un des objectifs du développement durable est d’abaisser ce rapport à moins de 70 pour 100 000 en 2030.
Conclusion
Ce bref état des lieux de la fécondité au Sénégal souligne la spécificité de l’Afrique, qui est entrée dans la transition démographique avec un décalage par rapport aux autres régions du monde et à un rythme moins soutenu. Néanmoins, des progrès significatifs ont été enregistrés dans la réduction de la mortalité à tous les âges, la mortalité maternelle demeurant un point sombre dans ce tableau. Engagé dans la transition sanitaire, le Sénégal se heurte désormais à une double charge de morbidité cumulant maladies infectieuses et maladies non transmissibles. La santé mentale, en particulier celle des mères, est largement absente des préoccupations médicales.
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