« A Ndème Meïssa, les rares établissements scolaires qui ont accès à Internet le réservent à l’administration » Abdoulaye Konté, Conseiller départemental à Bambey

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Extraits

Depuis 2007, l’université de Bambey est entrée dans le cercle restreint des universités publiques au Sénégal. Comment la création de ce temple du savoir profite à la région de Diourbel ?

La création de l’université a apporté un plus à la région de Diourbel et au département de Bambey en particulier. Du point de vue de la carte scolaire du Sénégal, Bambey est très en avance. Ce qui manquait dans la chaîne, c’est le maillon universitaire.

S’y ajoute que la création de l’université permet à beaucoup d’étudiants de la localité de pouvoir être à l’aise dans leur terroir et y poursuivre leurs études. Beaucoup de gens de notre génération ont arrêté les études parce qu’à l’époque, il n’y avait que deux universités. Si vous êtes orienté à Dakar ou à Saint-Louis et que vous n’y avez pas de parents, vous n’avez pas d’autre alternative que de retourner chez vous essayer de gagner votre vie d’une manière qui n’est pas adaptée à votre profil d’universitaire.

Récemment, la filière de la santé communautaire et du développement durable a été supprimée dans cette université alors que le contexte actuel est marqué par la pandémie de la Covid-19. La suppression de cette filière a-t-elle un impact sur les capacités de résilience de la région ?

En vérité, je n’étais pas au courant. Mais priver l’université d’une filière aussi importante n’est pas une bonne décision. La filière santé communautaire a produit des éléments qui ont montré leur efficacité à travers le Sénégal. Faites le tour du Sénégal, vous y trouverez des étudiants provenant de la santé communautaire que ce soit dans le milieu de l’éducation, dans le milieu de la santé, etc. Une université qui est en pleine croissance n’a pas besoin d’être amputée d’une filière aussi importante surtout que la demande est encore plus élevée.

La Covid-19 nous a révélé les insuffisances de notre système sanitaire. Aujourd’hui, nous devrions mettre l’accent davantage sur une bonne couverture sanitaire et celle-ci passe évidemment par la formation d’un personnel de qualité.

La Covid-19 nous a révélé les insuffisances de notre système sanitaire. Aujourd’hui, nous devrions mettre l’accent davantage sur une bonne couverture sanitaire et celle-ci passe évidemment par la formation d’un personnel de qualité

Avec la Covid-19, la rentrée scolaire de cette année a été bouleversée. Il a été noté que plusieurs élèves n’ont pas rejoint les salles de classe. Selon vous, comment la pandémie va affecter l’année scolaire et universitaire à Bambey ?

Franchement, il n’y a pas de problème majeur du point de vue de l’effectif des élèves dans les salles de classe. Les élèves sont revenus; mais dans quel état sont-ils revenus? Ils sont revenus lessivés. Ils sont revenus afin d’entamer une année scolaire amputée d’un mois.

Il faut que les autorités assument véritablement cette décision qui consiste à diminuer les fêtes

En tant qu’enseignant, il faut réfléchir sur les voies et moyens de faire des remédiations, des rattrapages afin que ces délais puissent être remis dans les conditions qu’il faut avant la fin de l’année. Ceci passera certainement par la diminution des fêtes. Il faut que les autorités assument véritablement cette décision qui consiste à diminuer les fêtes.

Il faut aussi que les enseignants, comme ils ont l’habitude de le faire, restent des combattants forts. Je suis convaincu que cette détermination et cette abnégation permettront de sauver ce qui est possible de l’être. Mais la Covid-19 a tout de même laissé des impacts qui ne sont pas du tout bons du point de vue pédagogique.

L’enseignement à distance est souvent évoqué comme palliatif. Quels sont les défis liés à ce mode d’apprentissage dans votre département ? 

Quand j’entends parler de l’enseignement à distance, je me dis que ce système n’est pas pour nous. Je viens de Ndème Meïssa, un établissement qui a été créé en 2008 et jusqu’à présent, nous n’avons pas accès à Internet. Combien d’établissements ont accès à Internet dans le département? Les rares d’entre eux qui en ont accès le réservent à l’administration. Ces histoires d’enseignement à distance, on en parle pour les autres mais pas pour nous. Les conditions ne sont pas réunies. Il y a un minimum pour pouvoir parler d’enseignement à distance. Des choses nous sont montrées de temps en temps à la télé mais là aussi, c’est un problème. Vous allez à Ndème Meïssa et tout autour, il y a des foyers où il n’y a pas de télévision.

Quand j’entends parler de l’enseignement à distance, je me dis que ce système n’est pas pour nous. Je viens de Ndème Meïssa, un établissement qui a été créé en 2008 et jusqu’à présent, nous n’avons pas accès à Internet

Pouvez-vous nous parler du concept d’Ecolyco en cours de développement au lycée de Bambey? Comment faire pour vulgariser cela dans d’autres établissements?

« Ecolyco » signifie écologie dans lycées et collèges. Nos écoles ne sont pas belles. Elles ne sont pas accueillantes alors qu’aujourd’hui, nous savons que l’un des défis importants de notre planète, c’est le défi de l’environnement et de l’écologie. C’est ainsi que le proviseur du lycée de Bambey Sérère et moi-même, proviseur de Ndème Meïssa, avons pris l’initiative de lancer le concept d’écologie dans les lycées et collèges.

L’objectif est de travailler pour développer une conscience environnementale et que l’école joue son rôle dans la formation des acteurs de l’environnement

Il y a beaucoup d’écoles qui ont adhéré à ce concept au niveau de Bambey. L’année dernière, nous étions à Keur Samba Kane. L’objectif est de travailler pour développer une conscience environnementale et que l’école joue son rôle dans la formation des acteurs de l’environnement. Nous voulons que les écoles soient emblématiques de la transition écologique. C’est heureux qu’il y a une semaine, le président de la République ait beaucoup parlé, durant le Conseil des ministres, de la nécessité de mobiliser les acteurs pour que les écoles participent véritablement au PSE vert.

Ce que nous faisons aussi bien au niveau du lycée de Bambey qu’au niveau de Ndème Meïssa, c’est planter des arbres, végétaliser nos écoles, impliquer les élèves. Qu’ils en soient les acteurs. C’est aussi les initier au maraîchage. Les jeunes d’aujourd’hui pensent qu’au Baol, le sol est capable de produire seulement du mil, de l’arachide et du niébé alors que le Baol est capable de produire une bonne partie de sa nourriture. La succession des sécheresses a fait de sorte que, finalement, la nouvelle génération pense que le désert est là et on ne peut rien faire.

Nous voulons que dans nos écoles, en plus des activités d’enseignement entre quatre murs, il y ait des activités extra muros qui portent sur l’initiation au respect de l’environnement, à l’agro-écologie, au maraîchage pour que l’école puisse participer à reverdir le Sénégal de manière générale.

 

Crédit photo: Senenews

Abdoulaye Konté

Abdoulaye Konté est conseiller départemental à Bambey et proviseur de l’école Ndème Meïssa.

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