Le numérique dans l’accès aux soins de santé au Sénégal : un pas vers la CSU ?, Revue Réflexions Economiques, 2022

Auteurs : Maïmouna Diop Lya, Linguère Mously Mbaye

Site de publication : Revue Réflexions Economiques

Type de publication : Article

Date de publication :  Octobre 2023

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La pandémie de la Covid 19 rappelle la faiblesse des systèmes de santé et les besoins importants auxquels l’Afrique fait face. Qu’il s’agisse du manque d’infrastructures, de personnels de santé qualifiés ou du manque d’accès à des soins de santé de qualité, les dysfonctionnements du système de santé restent nombreux sur le continent. Les besoins en matière de santé sont considérables alors que les budgets consacrés à la santé restent encore limités.

En outre, plus de la moitié de la population africaine n’a pas accès à des services de santé essentiels. Le manque de moyens financiers en est souvent la raison faisant de la couverture santé universelle (CSU) un enjeu majeur pour beaucoup de pays. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la CSU est un élément clé de la réalisation des objectifs de développement durable. Elle permet de garantir à tous les individus l’accès à des services de santé de qualité qui n’entraînent pas de difficultés financières pour les malades et leurs familles.

Dans ce contexte, l’offre de soins doit être multidimensionnelle et concerne les infrastructures, les ressources humaines, et l’utilisation du numérique et plus précisément les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Ces dernières regroupent différents outils destinés à favoriser la communication, transmettre l’information et partager le savoir par des moyens électroniques. Ainsi, divers moyens de communication tels que la radio, le téléphone mobile, l’informatique, l’internet, les systèmes de liaison satellites et les applications informatiques sont concernés.

Même si en Afrique nous ne sommes qu’aux prémices de l’utilisation du numérique dans le domaine de la santé, il existe déjà plusieurs initiatives sur le continent. L’enjeu est de pouvoir utiliser le numérique afin de faciliter un meilleur accès aux soins de santé et à une CSU ; et de ramener les initiatives pilotes réussies à une échelle plus importante sur le continent. Il existe cependant plusieurs freins à l’utilisation de la technologie numérique qui peuvent être liés à l’éducation, aux inégalités de revenus, aux disparités régionales et intra-pays, à l’absence d’infrastructures adéquates, au déficit d’électricité ou aux défis que représentent la protection du secret médical et des données.

En outre, plus de la moitié de la population africaine n’a pas accès à des services de santé essentiels. Le manque de moyens financiers en est souvent la raison faisant de la couverture santé universelle (CSU) un enjeu majeur pour beaucoup de pays. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la CSU est un élément clé de la réalisation des objectifs de développement durable. Elle permet de garantir à tous les individus l’accès à des services de santé de qualité qui n’entraînent pas de difficultés financières pour les malades et leurs familles

Les apports du numérique dans le domaine de la santé en Afrique : l’exemple du téléphone mobile

Le numérique offre des opportunités de contourner les obstacles liés à l’éducation, aux inégalités de revenus ou aux disparités régionales et nationales afin de permettre l’accès aux soins de santé au plus grand nombre. Cela s’est fait dans d’autres domaines tels que l’éducation ou l’agriculture où l’accès à des services financiers grâce au téléphone mobile (mobile money). L’utilisation des téléphones mobiles a d’ailleurs apporté beaucoup de changements au niveau économique, politique et social en Afrique mais également au niveau de la santé en réduisant les coûts de la communication et en permettant l’accès à l’information et à des services à un plus grand nombre.

La CSU et l’évolution de la couverture en technologies numériques en Afrique

L’indice de couverture santé universelle est un indice de prestation des services offerts par la CSU. Il permet de suivre l’indicateur 3.81 des objectifs de développement durable concernant la couverture des services de santé essentiels et mesure sur une échelle de 0 à 100 les progrès accomplis vers la CSU. Selon les données de l’OMS, en 2017, la moyenne de l’indice CSU du continent est évalué à 48.07, alors que la moyenne mondiale se situait à 66, faisant de l’Afrique la région avec le plus faible indice. Cependant, ce chiffre ne reflète pas forcément la réalité à l’intérieur du continent où il y a beaucoup d’hétérogénéité.

L’autre réalité derrière ce chiffre est que les personnes qui n’ont pas les moyens de se soigner se privent de soins. L’assurance santé joue alors un rôle primordial dans l’accès aux soins et permet aux ménages, surtout les plus pauvres et ceux vivant en milieu rural, d’éviter des dépenses de santé catastrophiques.

Bien que l’Afrique soit moins bien desservie que les autres régions du monde, la part de la population africaine couverte par au moins un réseau 3G a vite augmenté ces dernières années.

Numérique et accès aux soins de santé : le cas du Sénégal

Le Sénégal s’est engagé par le biais du Plan Sénégal Emergent (PSE) à réaliser une transformation structurelle, une croissance économique et un développement durable. Un des axes prioritaires du PSE est l’amélioration à l’accès aux services de santé à travers le Programme national de Couverture Maladie Universelle (CMU) tout en s’assurant de l’équité et de la prise en compte des plus vulnérables. Plusieurs interventions dans le domaine de la technologie pour la santé notamment la santé mobile ont été menées ou sont en cours.

Ce plan stratégique a pour but : (1) de permettre une offre de services pour une plus grande équité sur tout le territoire du pays et pour toutes les structures sanitaires et sociales ; (2) de promouvoir la santé ; (3) d’aider les patients et le personnel de santé à mieux prévenir et gérer les maladies ; (4) de réduire les coûts et développer des modèles de financements innovants ; (5) d’améliorer substantiellement les indicateurs de performance du secteur ; (6) de faciliter la collecte de données sanitaires et sociales en temps réel pour des prises de décisions éclairées ; et (7) d’élargir la couverture assurance santé.

L’autre réalité derrière ce chiffre est que les personnes qui n’ont pas les moyens de se soigner se privent de soins. L’assurance santé joue alors un rôle primordial dans l’accès aux soins et permet aux ménages, surtout les plus pauvres et ceux vivant en milieu rural, d’éviter des dépenses de santé catastrophiques

Comme stipulé dans le document de stratégie de santé digitale, les dépenses de santé représentaient près de 10 % des dépenses publiques en 2015, et les projections montrent qu’elles croîtront plus rapidement que les revenus de l’État. Investir dans la santé digitale apparaît donc comme un moyen de rationaliser les coûts liés aux dépenses de santé et d’améliorer l’offre de services ainsi que leur accès.

Au Sénégal, c’est le Ministère de la santé et de l’action sociale (MSAS) et plus précisément, l’Unité de la Carte sanitaire et sociale, de la santé numérique et de l’observatoire de la santé (CSSDOS) qui est en charge de la mise en œuvre du plan stratégique de santé digitale. Une coordination multisectorielle est mise en place avec les partenaires en charge des réseaux téléphoniques notamment à travers un partenariat public-privé. Par ailleurs, l’appui informatique des initiatives Esanté est apporté par la Cellule informatique du ministère de la santé et de l’action sociale. La Division du système d’information sanitaire et sociale au sein du MSAS coordonne depuis 2014 la plateforme de remontée et d’analyse des données sanitaires et sociales.

Des efforts sont faits pour exploiter les avantages du numérique dans la santé. Par exemple, une plateforme numérique « SUNUCMU.com » a été mise en place en 2019 afin de rendre plus efficient et plus pérenne le système de paiement de la CMU ; et d’augmenter la couverture des adhérents. Il est estimé que la numérisation des paiements de l’Agence de couverture maladie universelle devrait impacter trois millions de bénéficiaires en particulier des femmes et des enfants.

La mise en place de programmes utilisant les solutions digitales comme la télémédecine apparaît de plus en plus comme une solution pour pallier le manque de ressources humaines et le de personnel médical. Ceci démontre que l’utilisation du numérique peut amener à plus d’équité dans le continuum des soins de santé notamment pour les femmes du milieu rural ou dans les zones les plus reculées.

Comme stipulé dans le document de stratégie de santé digitale, les dépenses de santé représentaient près de 10 % des dépenses publiques en 2015, et les projections montrent qu’elles croîtront plus rapidement que les revenus de l’État. Investir dans la santé digitale apparaît donc comme un moyen de rationaliser les coûts liés aux dépenses de santé et d’améliorer l’offre de services ainsi que leur accès

Cependant, malgré ces projets prometteurs, il existe des défis importants. Il y a un manque de coordination entre les différentes entités qui conduit à la construction de plateformes non interopérables et sans consensus dans les normes de données. De plus, l’aspect financier est un frein non négligeable. Le coût des services numériques, tels que le coût des SMS ou des appels vocaux, dans le cas de certains projets reste prohibitif. Dans un contexte macroéconomique où l’impact économique et social de la pandémie présente des défis importants en matière de budget, la question du financement des infrastructures numériques et de la mise en place de la santé numérique est loin d’être réglée. Même si les effets à long terme peuvent largement dépasser les coûts, il faut dégager des ressources à la fois pour des infrastructures ou pour la formation du personnel, par exemple. Il s’agit en effet de mettre en place de façon pérenne les technologies numériques en général et celles qui sont spécifiques au domaine de la santé. L’aspect financier est une barrière non négligeable sur un plan microéconomique également.

Au-delà de l’aspect monétaire, l’accès et l’utilisation d’internet peuvent être limités à cause des problèmes de connexion, d’accès à l’électricité notamment dans les zones enclavées, ce qui constitue un autre défi.

Par ailleurs, l’analphabétisme est aussi un obstacle à l’utilisation de certains services informatiques. Il manque également des compétences en informatique nécessaires pour mener à bien les initiatives énumérées ci-dessus. Il ne suffit pas d’innover mais il faut que les personnels de santé soient formés et acceptent d’adopter ces évolutions technologiques.

La mise en place de la santé numérique dans le contexte de la couverture maladie universelle, pose la question de l’utilisation, la sauvegarde et la confidentialité des données informatisées pour les bénéficiaires. Pour cela il est indispensable d’avoir un cadre réglementaire et législatif qui permette de s’assurer de la protection des données.

Au-delà de l’aspect monétaire, l’accès et l’utilisation d’internet peuvent être limités à cause des problèmes de connexion, d’accès à l’électricité notamment dans les zones enclavées, ce qui constitue un autre défi

Conclusion

La question du financement et de la mobilisation des ressources est critique pour la pérennité d’un système de santé numérique. Pour ce faire, le Sénégal peut s’appuyer sur les partenaires au développement, renforcer la mobilisation des ressources domestiques pour la CSU, intégrer la participation des fonds de la CSU dans le dispositif de financement, continuer à promouvoir les partenariats avec les entreprises de télécommunications, et engager la responsabilité sociale des entreprises qui peuvent appuyer les programmes de santé dans les communautés où elles sont établies en incluant l’utilisation des solutions digitales.

De manière générale, il est urgent d’augmenter la quantité et la qualité des personnels de santé à travers des formations adaptées et le renforcement des capacités. Cela demande une approche holistique qui consiste à réduire le décalage entre la formation et les besoins de main d’œuvre (dans un contexte où moins de 10% des étudiants africains sont inscrits dans les filières de santé et bien-être ; ou en ingénierie, sciences naturelles, mathématiques et statistiques).

Le numérique peut faciliter un meilleur accès aux soins de santé et la mise en place de la CSU mais ce n’est pas suffisant. Afin qu’il soit un catalyseur dans le domaine de la santé, des réformes doivent être mises en place dans les systèmes de santé et éducatifs, le système de financement, le développement des infrastructures sanitaires et numériques adéquates, l’accessibilité à tous, et le cadre réglementaire. Cela nécessite donc une approche multisectorielle de la conception au suivi pour une bonne prise en compte de tous les défis liés à la santé numérique.

 

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