Abdoulaye Seck
Le projet d’exploitation, de production et d’extension de minéraux lourds est en phase de démarrer des activités extractives au niveau du désert de Lompoul. Après des années d’exploitation du zircon à Diogo dans la région de Thiès, GCO (Grande Côte Opération) SA, une entreprise minière franco-australienne, va continuer son périple vers Lompoul précisément dans une zone de concession du système de dunes côtières. Les lompoulois tergiversent entre espoir et inquiétude.
Ce projet d’exploitation de sables minéraux concerne la région de Thiès et de Louga au Sénégal. C’est en 2011 que la première phase de construction a vu le jour avant d’entrer maintenant dans sa deuxième phase qui consiste à atteindre Lompoul avec le projet Lompoul Crossing qui s’étend sur une durée de cinq (5) années (mi-2023 jusqu’à la fin 2028). Actuellement, le cabinet de consultants spécialisé Earth Systems est présent à Lompoul pour enquêter sur l’acceptabilité sociale du projet Lompoul Crossing.
La Grande Côte Opération SA a reçu l’approbation officielle du Gouvernement de la République du Sénégal par le biais d’un décret présidentiel accordant une concession minière d’une durée de 25 ans pour une superficie de 445,7 Km². Le Gouvernement du Sénégal détient 10% des intérêts dans Grande Côte Opérations SA et la production annuelle sera d’environ 735,000 tonnes d’ilménite et de zircon principalement.
Nous avons un certain mode de vie économique et social que le projet risque de déstructurer. Pour le moment, une certaine inquiétude anime la population.
Des espoirs et des incertitudes en errance au niveau Lompoul
Le projet Lompoul Crossing comprendra une exploitation minière du nord du village de Foth jusqu’aux communes de Darou Khoudos (Diogo), de Diokoul (Lompoul) et de Thiepp. Il est prévu que la population bénéficie de ce projet en accédant à des emplois pour nourrir la main d’œuvre de l’exploitation minière. Mais les habitants de Lompoul craignent le contraire, à l’image de Diogo où les habitants n’ont pas caché leur « amertume » et leur « désillusion » comme nous le montre l’article de Serigne Sarr, membre de l’Association pour la défense des droits à l’eau et à l’assainissement (Addea), sur les illusions perdues de l’exploitation minière au Sénégal. Dans cet article, le premier adjoint au maire de la commune de Darou Khoudoss, Moda Samb exprime son désespoir en ces propos : « il était prévu que le chômage des jeunes allait être un mauvais souvenir et que les conditions de vie des populations de Diogo, Fass Boye et environs seraient améliorées. Hélas… Il était aussi annoncé la construction d’un hôpital, d’un stade multifonctionnel et de routes, en plus de l’électrification des villages environnants. Autant de promesses qui faisaient rêver les populations. Mais depuis le démarrage de ces activités, la société n’a pas versé la moindre redevance à cette vaste commune de Diogo. »
Je connais des personnes qui n’avaient que leurs champs pour survivre. Par la suite, ils n’ont pas été dédommagés. Ils ont reçu des sommes comme 15.000 FCFA et 20.000 FCFA à leur compte et se sont perdus dans des va-et-vient aux tribunaux sans justice
A Lompoul, c’est ce même sentiment d’inquiétude qui plane sur tout le monde. Interrogé, le président de l’ASC/D Walli Daan de Lompoul/village, Amadou Penda Sène, enseignant-philosophe, partage ses craintes : « Nous avons un certain mode de vie économique et social que le projet risque de déstructurer. Pour le moment, une certaine inquiétude anime la population. Nous sommes dans l’incertitude. » Il ajoute que « le désert de Lompoul est l’une des destinations touristiques les plus fréquentées au Sénégal à cause de son cadre pittoresque et singulier. Malheureusement, le projet va détruire ce cadre car le site touristique se trouve dans la zone d’exploitation. Non seulement les jeunes vont perdre leurs emplois mais ce beau paysage va disparaître comme par enchantement. »
Toute la population de Lompoul s’inquiète déjà de l’avenir du désert et des impacts des futurs changements sur l’emploi des jeunes. Habitant du village et président de l’Association nationale pour la défense du patrimoine sénégalais (ANDPS), Massar Sène embouche la même trompette : « ce mini désert de Lompoul est unique au Sénégal et en Afrique du fait de ses caractéristiques. C’est le seul désert où on trouve de l’eau. Je pense que ce projet d’exploitation minière n’en a rien à faire de notre patrimoine et de notre environnement pour la bonne et simple raison que les autorités ne donnent pas de valeurs à ces secteurs. »
Pour Adama Ndiaye, entrepreneur et responsable politique à Lompoul : « nous entendons parler du projet mais nous n’avons aucune information. Personne n’est venu pour nous parler. Jusqu’à présent, nous sommes à l’écoute. Nous attendons de connaitre les démarches à suivre pour ceux dont les champs et les habitations seront impactées ». « Je connais des personnes qui n’avaient que leurs champs pour survivre. Par la suite, ils n’ont pas été dédommagés. Ils ont reçu des sommes comme 15.000 FCFA et 20.000 FCFA à leur compte et se sont perdus dans des va-et-vient aux tribunaux sans justice », déplore-t-il.
Des conséquences environnementales graves et une faillite économique à prévoir
A nouveau, Amadou P. Sène s’inquiète : « nous craignons que le projet détruise notre écosystème si des mesures d’accompagnement ne sont pas prises. Cela peut engendrer la perte de la fertilité des sols si des produits chimiques sont employés. D’ailleurs, en tant que lompoulois, nous estimons que le projet peut aider les jeunes en finançant leurs projets. Ces jeunes ont aussi besoin de formation et de financement pour mener leurs activités économiques comme le maraîchage, la pêche et l’élevage. Ils sont aussi des jeunes qui œuvrent dans divers projets comme le multiservice, le tourisme, la mécanique… La création d’un centre multimédia pourrait être très utile pour les jeunes », termine-t-il.
Il faut toutefois reconnaître qu’une école coranique a été offerte au niveau de Lompoul/village. Un investissement qui n’a pas fait de bruits. Un premier pas que Massar Sène souhaiterait voir multiplier toujours au profit des populations : « Les politiques de gestion des sites naturels doivent concilier le légitime développement économique avec la protection des espaces vitaux. Il est urgent de placer les communautés au cœur de l’exploitation de ces ressources naturelles, laquelle implication aidera sans doute à faire le bon choix pour le développement durable de ces terroirs. »
A Diogo, nous renseigne l’article de Serigne Sarr : « des ambulances ont été offertes et des sites de recasement, une école, une mosquée, entre autres, construits au profit des personnes affectées par cette exploitation. » Des investissements dérisoires, qui n’ont pas égayé Serigne Mbacké Mbaye, un jeune de la localité: « nous ne sommes satisfaits qu’à 30 % par rapport à nos attentes. Et nous ne pouvons pas dire que nous ne tirons pas profit des retombées du zircon dans notre localité. Mais GCO avait mieux à faire. Elle se devait, par exemple, de créer des centres de formation pour les jeunes de la localité », dit-il.
Les incertitudes des populations de Lompoul montent et elles se demandent ce que deviendra le désert de Lompoul et le tourisme dans cet espace qui n’existe nulle part ailleurs au Sénégal
Pour rappel, le désert est à 26 km de Kébémer et à 3 km de Lompoul village. Communément appelé « le désert de Lompoul », cet espace a une superficie de 18 km2 et ses dunes peuvent atteindre une hauteur de 40 à 50 m. Le sable aux tons ocres, voire rouges, est très fin. Il n’y a presque pas de végétation. L’accroissement du tourisme apporte une touche très spéciale dans l’économie de la localité et celle du pays à travers ce fameux bijou.
Durant nos investigations poussées par les innombrables inquiétudes et demandes des populations de la zone de Lompoul, la société GCO SA n’a pas voulu se prononcer. Les personnes de la société avec qui nous avons pris contact par mail et par téléphone ont simplement cherché à nous orienter ailleurs sans suite favorable à nos attentes.
Cependant, les incertitudes des populations de Lompoul montent et elles se demandent ce que deviendra le désert de Lompoul et le tourisme dans cet espace qui n’existe nulle part ailleurs au Sénégal ? Qu’en sera-t-il de l’écosystème et de la santé des populations ? Qu’adviendra-t-il de ces chefs de famille et ces jeunes filles qui gagnent leur vie dans cet endroit ? Le Gouvernement qui a signé ce décret a-t-il mesuré l’importance de ses actes
Credit photo: Ecomatin
Abdoulaye Seck
Enseignant de formation, Abdoulaye Seck est un citoyen de Lompoul, localité située dans le département de Kébémer de la région de Louga. Il est l’administrateur de la page d’information Lompoul info. Poète de vocation, Abdoulaye Seck est l’auteur du recueil « Délices de l’âme et du cœur ».
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