Auteurs : Mamadou Abdoulaye Diallo et Soukeyna Diallo
Organisation affiliée : Afrobarometer
Type de publication : Etude
Date de publication : 10 juillet 2021
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Ampleur de la corruption
La grande majorité (75%) des Sénégalais affirment que la corruption a augmenté dans le pays au cours des 12 derniers mois. Seuls 10% soulignent une baisse du niveau de la corruption.
La perception de la hausse du niveau de corruption varie selon les caractéristiques sociodémographiques des citoyens. La hausse du niveau de corruption est plus perçue par les citadins (78%) que les habitants en milieu rural (72%). Aucune différence n’est cependant notée entre hommes (76%) et femmes (75%). Par ailleurs, ce sont les plus instruits (80%) qui perçoivent le plus la hausse du niveau de corruption comparativement aux personnes n’ayant aucune instruction formelle (73%). Cependant, les plus pauvres (78%) sont plus enclins à constater une corruption intensifiée que leurs compatriotes mieux nantis (72%). Enfin, l’affiliation politique1 joue un rôle dans la perception des Sénégalais sur la corruption. En effet, plus de huit personnes sur 10 (84%) parmi les partisans de l’opposition affirment que le niveau de corruption est en hausse, contre 69% des partisans du pouvoir.
Malgré les effets néfastes qu’engendre la corruption sur la croissance économique et la réduction de la pauvreté au Sénégal, le niveau de corruption perçu par les Sénégalais ne cesse d’augmenter. Si un tiers des citoyens (34%) ont souligné la hausse de la corruption en 2014, cette proportion atteint 44% en 2014 et 75% en 2021.
Corruption au sein des institutions publiques
La hausse de la corruption est aussi perçue au niveau institutionnel. En effet, par rapport à 2017, on observe une croissance de la proportion de personnes disant que « tous » ou « la plupart » des membres de groupes gouvernementaux et judiciaires sont corrompus. La hausse de la corruption est plus perçue chez les policiers et les gendarmes en ce sens que la proportion de Sénégalais qui jugent que « la plupart d’entre eux » ou « tous » sont corrompus a augmenté, passant de 29% en 2017 à 47% en 2021. Pour les députés, cette proportion a augmenté de 13 points de pourcentage, de même que pour les conseillers municipaux ou départementaux. S’ensuivent les juges et magistrats (12 points de pourcentage), les officiels de la présidence (11 points), et les fonctionnaires (7 points).
Expérience de la corruption
Si les Sénégalais perçoivent une forte corruption au sein de leurs institutions publiques, ils sont également confrontés à des pratiques de corruption de façon régulière. Parmi les usagers des services publics au cours de l’année précédant l’enquête, la proportion qui déclare avoir versé des pots-de-vin a évolué de manière croissante depuis 2014.
La hausse de la corruption est plus perçue chez les policiers et les gendarmes en ce sens que la proportion de Sénégalais qui jugent que « la plupart d’entre eux » ou « tous » sont corrompus a augmenté, passant de 29% en 2017 à 47% en 2021. Pour les députés, cette proportion a augmenté de 13 points de pourcentage, de même que pour les conseillers municipaux ou départementaux. S’ensuivent les juges et magistrats (12 points de pourcentage), les officiels de la présidence (11 points), et les fonctionnaires (7 points)
Pour obtenir les services dans les centres d’enregistrement de pièce d’identité, de passeport ou de permis, la part de Sénégalais déclarant avoir versé des pots-de-vin pour acquérir les papiers est passé de 4% en 2014 à 23% en 2021, soit une hausse de 21 points de pourcentage. Environ une personne sur 10 révèle avoir octroyé, en 2021, un cadeau ou une faveur pour obtenir des soins médicaux dans des structures sanitaires publiques (10%) ou des services d’écoles publiques (8%), contre 3% en 2014.
Peur des représailles
Malgré la conscience de l’ampleur du problème de la corruption chez les Sénégalais, la lutte contre ce phénomène semble difficile. Plus de trois quart (77%) des répondants affirment que les citoyens risquent des représailles ou autres conséquences négatives s’ils dénoncent des actes de corruption. D’ailleurs, on note une baisse tendancielle du nombre de plaintes enregistrées auprès de l’OFNAC pour signaler des cas de corruption, qui sont passés de 618 en 2015 à 73 en 2018.
Conclusion
Les mesures initiées par le gouvernement du Sénégal pour lutter contre la corruption ne semblent pas réduire la perception de la corruption dans les institutions de l’Etat, et cela malgré la création d’un organe spécifiquement dédié à cette lutte. Beaucoup de Sénégalais affirment que le niveau de la corruption s’est accru au cours de ces dernières années. Si les citoyens jugent plutôt mal les performances du gouvernement en matière de lutte contre la corruption au sein de l’administration publique, ils restent inquiets des potentielles représailles ou d’autres conséquences négatives en cas de signalement d’actes de corruption. Pour faire face à ces difficultés, les autorités devraient garantir l’anonymat des dénonciateurs ou des lanceurs d’alerte, soutenir les organisations non-gouvernementales opérant dans le secteur de la lutte contre la corruption, promouvoir l’accès à l’information et la liberté de la presse, tout en sanctionnant toute personne impliquée dans ces affaires.