Ibra Sène, Professeur d’université aux États-Unis: « Il faut une « décolonisation » et une restructuration de l’université sénégalaise »

Les entretiens de WATHI – La diaspora du Sénégal – Focus Amérique du Nord

Ibra Sène

Ibra Sène est Associate Professor au College of Wooster et à l’Institut d’études africaines de Dakar. Il a coordonné le partenariat entre l’Université de l’État du Michigan et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar de 2002 à 2008, et a joué un rôle actif dans la mise en place au Sénégal du programme d’études francophones de l’Université de l’État du Michigan. 

 

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Extraits

Depuis 12 ans, vous enseignez au College of Wooster situé dans l’Ohio aux États-Unis d’Amérique. Vous y êtes Associate Professor au département d’Histoire. Quelles sont les opportunités et les contraintes d’être un chercheur sénégalais de la diaspora qui travaille sur le Sénégal?

Les opportunités c’est d’abord la possibilité de travailler avec des étudiants, des collègues enseignants qui sont de différents pays, de différentes disciplines. Cette interaction est obligatoirement enrichissante.  L’autre opportunité, c’est le grand nombre de Sénégalais que l’on rencontre ici aux États-Unis, qui sont dans différentes disciplines et dans différentes universités.

C’est une grande opportunité car nos frères et sœurs travaillent dans des domaines intéressantes.  Nous pouvons observer une grosse volonté dans leur travail, l’amour pour le Sénégal et la volonté d’avoir une occasion de contribuer à l’effort de construction nationale. Donc, c’est une grande opportunité de les rencontrer, on en sort inspiré et vraiment encouragé.

Une autre opportunité que nous avons également aux États-Unis, c’est le fait de pouvoir rencontrer des frères et sœurs africains, venant de différents pays africains qui travaillent sur différentes questions. Ces rencontres vous inspirent et, en ce qui me concerne, me renforcent dans l’idée de l’importance de l’intégration africaine.

Pour ce qui est des contraintes, la principale est évidemment le fait d’être loin de son pays natal, de ses amis, de sa famille même si je vais au Sénégal de temps en temps pour mes travaux. Il y a aussi le fait de devoir gérer l’équilibre entre la recherche et la vie de famille. Même si nous sommes des chercheurs, nous restons aussi des humains. La famille compte beaucoup. C’est une contrainte de vouloir trouver l’équilibre entre les exigences professionnelles et la vie de famille. Mais, sur ce dernier point, il est vrai que les contraintes auraient été les mêmes si j’avais été dans une université au Sénégal.

Une autre opportunité que nous avons également aux États-Unis, c’est le fait de pouvoir rencontrer des frères et sœurs africains, venant de différents pays africains qui travaillent sur différentes questions

Malgré plusieurs productions académiques de grande qualité à leur actif, plusieurs chercheur(e)s sénégalais(es) de la diaspora estiment qu’ils pourraient avoir un impact plus important sur leur pays d’origine? Qu’est-ce qui explique ce sentiment?

La plupart d’entre nous qui sommes aux États-Unis y avons fait nos études. Certains d’entre nous ont fait leurs études au Sénégal jusqu’à la Licence, jusqu’à la Maîtrise et même jusqu’au Doctorat. Certains, un petit nombre, ont même servi au Sénégal pendant 10 ans ou 20 ans avant de venir aux États-Unis. Donc c’est évident que le fait d’être ici, d’être loin du Sénégal n’empêche pas tout ce beau monde de penser au pays et de penser à apporter leurs contributions.

Aux États-Unis, l’universitaire qui a un poste, fait des recherches, enseigne et sa responsabilité, en tout cas théoriquement, ne se limite pas dans le cadre strict de l’université. Les universités ont des missions d’enseignement, de recherche mais également ce qu’on appelle «outreach» et particulièrement le «community engagement». C’est-à-dire le travail de l’universitaire a aussi un sens lorsqu’il va au-delà de l’enseignement, de la recherche, de présenter des papiers à des conférences, de publier, d’enseigner à des étudiants, de les encadrer. Il mène également des activités avec les communautés. Si je dis «communauté», cela peut être différents types de communautés. Cela peut être des communautés éducatives, des communautés paysannes, etc. En tout cas ce sont des activités qui sont en dehors de l’Université.

Donc, pour cette raison, on peut comprendre que beaucoup de nos collègues qui sont à l’étranger soient animés par ce désir de venir au Sénégal et de contribuer. Ils peuvent contribuer de différentes manières soit dans nos universités publiques et privées, soit dans des organisations de la société civile, des organisations communautaires, etc.

Même dans le cadre des universités où ils travaillent, c’est quelque chose qui est encouragé. Il y a des universités qui te soutiennent, te donnent un financement pour mener ce type d’activités. Même si nos universités dans lesquelles nous travaillions ne prévoyaient pas cela, ne nous donnaient pas de ressources pour pouvoir mener de telles activités, nous sommes Sénégalais quand même. Nous avons le même devoir moral de contribution à la construction nationale que chacun de nos frères et sœurs qui sont au Sénégal. Le simple fait de ne pas être au Sénégal ne veut pas dire qu’on n’est pas Sénégalais, qu’on n’a pas les mêmes responsabilités à l’égard de la nation sénégalaise.

Est-ce cela qui a conduit à la création d’un Senegalese Studies Group aux États-Unis? Il a depuis été renommé le Senegambian Studies Group.

Pour ce qui est du Senegambian studies group, il a été créé par des collègues sénégalais qui sont dans différentes universités américaines, des collègues gambiens également basés aux États-Unis, des collègues américains dont le travail porte sur la région sénégambienne. Le Senegambian Studies Group a été mis en place lorsqu’on s’est rendu compte que tout ce beau monde qui fait des recherches sur le Sénégal, se rencontrent chaque année à l’African Studies Association.

L’African Studies Association est une organisation qui regroupe tous les chercheurs qui se spécialisent sur l’Afrique aux États-Unis. L’organisation a une convention annuelle. Au cours des dernières années, à chaque fois que la convention se réunissait, on s’est rendu compte que le groupe de Sénégalais, de Gambiens, d’Américains travaillant sur le Sénégal a commencé à grandir et on a décidé de nous regrouper au sein du Senegambian Studies Group.

Vous avez parlé de la contribution des chercheurs de la diaspora dans les universités publiques et privées sénégalaises. Comment peut-on développer des partenariats à bénéfices mutuels et à fort impact entre l’Université sénégalaise et les chercheur(e)s sénégalais(es) de la diaspora?

Je crois que c’est quelque chose d’extrêmement important pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que beaucoup de Sénégalais qui sont dans la diaspora ont été formés dans les universités publiques sénégalaises avant de se retrouver aux États-Unis suivant des trajectoires et pour des raisons qui sont variées.

L’autre chose, c’est que les collaborations sont la nature de l’enseignement supérieur. Et il faut reconnaître que, dans ce cadre, la diaspora peut apporter beaucoup de choses à l’enseignement supérieur sénégalais de manière générale. Mais il y a certes un certain nombre de contraintes, ayant surtout trait au fait que la culture académique, la culture institutionnelle n’est pas la même. Je ne suis pas en train de dire que les universitaires sénégalais qui sont basés au Sénégal sont bons ou mauvais comparés aux universitaires sénégalais qui sont dans la diaspora.

Je crois que chaque membre de ces deux groupes peut apporter quelque chose à l’autre. La meilleure façon de développer ces partenariats pour qu’ils bénéficient aux Sénégalais de la diaspora et aussi à nos collègues au niveau de l’université sénégalaise, c’est que ces partenariats soient basés sur des termes très clairs. Cela demande qu’il y ait un engagement et un respect mutuel. Ce n’est pas parce qu’on est à l’étranger qu’on doit venir au Sénégal et faire «le gros dos» et croire que à chaque fois qu’on veut quelque chose, on doit l’avoir sur un plateau d’argent. Je crois qu’il doit y avoir un respect mutuel entre nous qui sommes à l’étranger et nos collègues qui sont au Sénégal.

Et surtout qu’il y ait un échange et un partenariat équitable pour que les termes du partenariat ne soient pas uniquement déterminés sur la base de ce que nous, qui sommes de la diaspora, voulons réaliser. Facilement, il peut y avoir cette dynamique de «pouvoir» qui peut exister et qui peut dévoyer la coopération dans la mesure où les universités américaines ont beaucoup plus de moyens que les universités sénégalaises.

Qui doit être à l’origine de cette collaboration? Qui en porte la responsabilité?

On peut, sur la base d’un respect mutuel, travailler à établir une collaboration qui est bénéfique. Cela est d’autant plus possible que l’essentiel de ceux qui sont aujourd’hui professeurs dans les universités sénégalaises, chefs de département, doyens, etc., sont des gens avec qui on a étudié au Sénégal, ici ou ailleurs. Donc, si on s’assoit et qu’on détermine et qu’on détermine les règles de cette collaboration, je crois qu’elle peut être bénéfique.

Facilement, il peut y avoir cette dynamique de «pouvoir» qui peut exister et qui peut dévoyer la coopération dans la mesure où les universités américaines ont beaucoup plus de moyens que les universités sénégalaises

Un autre aspect à prendre en compte c’est qu’il faut aussi que les autorités sénégalaises soient ouvertes à créer le cadre dans lequel une telle coopération peut prospérer. Et jusqu’à présent, je pense que les autorités sénégalaises n’ont pas fait tout ce qu’elles devaient faire dans ce sens-là. Il y a des initiatives personnelles qui ont beaucoup réussi dans les universités menées par des doyens, menées par des chefs de département, ou menées par des collègues qui se connaissent, qui identifient des domaines dans lesquels ils peuvent collaborer.

Il y a des exemples que je peux citer ici et là et qui ont vraiment réussi. Mais je crois que pour avoir un grand impact, cette collaboration entre les chercheurs de la diaspora et les chercheurs des universités sénégalaises a besoin d’une sorte de soutien de la part des autorités sénégalaises. Malheureusement, à ce niveau, depuis que je suis aux États-Unis, je ne vois pas quelque chose de concret à la hauteur de ce que le Sénégal peut faire.

Pensez-vous qu’il y a une méconnaissance des besoins de la diaspora par les autorités politiques sénégalaises?

A chaque fois qu’on entend nos autorités parler de la diaspora, à part la politique politicienne, généralement ce sont des propos tellement aériens. Nos autorités ne semblent pas avoir des informations détaillées sur la diaspora sénégalaise. Je crois que l’on doit aller dans le sens d’au moins identifier ces gens-là. Je ne parle même pas des gens de la diaspora qui sont dans les universités mais les gens de la diaspora qui sont dans le business, qui sont ailleurs. Il faut les identifier, savoir ce qu’ils peuvent apporter au pays et créer les conditions pour que cette collaboration ait lieu. Généralement, cela ne demande pas de moyens. Les gens de la diaspora, généralement, n’ont pas besoin d’argent pour établir des collaborations.

Pour avoir un grand impact, cette collaboration entre les chercheurs de la diaspora et les chercheurs des universités sénégalaises a besoin d’une sorte de soutien de la part des autorités sénégalaises

Je donne un exemple très simple. Généralement, durant l’été, beaucoup d’universités aux États-Unis n’ont pas de cours ou bien les enseignants ne sont pas obligés d’enseigner durant l’été et c’est à cette période que les gens voyagent dans les différentes parties du monde où ils font leurs recherches. C’est vraiment une occasion qui aurait dû être exploitée pour demander à nos collègues qui sont ici de donner des cours en chimie ou en intelligence artificielle ou un cours sur l’histoire des sciences, sur l’anthropologie des pandémies, etc. Donc, il y a tellement de spécialités et on aurait dû s’organiser pour pouvoir exploiter ces collaborations de manière structurée. Faire de sorte que même si ces gens qui sont dans la diaspora allaient à la retraite, le système, la structure serait déjà huilée pour que de manière durable et de manière continue, ils puissent constituer une sorte de réseau à travers lequel l’intelligentsia sénégalaise qui est dispersée à travers le monde contribue. Elle n’est pas uniquement aux États-Unis. Elle est un peu partout dans le monde: au Brésil, en Europe, et même maintenant en Australie, en Asie, etc. Je crois que c’est une grande composante que les autorités sénégalaises ont beaucoup négligé jusqu’ici.

L’une des critiques de l’université sénégalaise est qu’elle est l’héritière de traditions coloniales néfastes notamment dans le contenu et la formulation des enseignements. Quelle en est votre perception?

Il n’y a pas de doute que l’influence de la colonisation se fait sentir dans la façon dont les universités sénégalaises, particulièrement les universités publiques, sont structurées et opèrent. Cela est un fait. Est ce qu’on doit «décoloniser»? Absolument. C’est une urgente nécessité. Mais on ne doit parler de «décolonisation» que si on est prêt à vraiment décoloniser. Sinon, cela serait  un discours dans lequel on va être juste pour faire notre propre promotion de pseudo-producteur d’idées alors qu’on n’est même pas intéressé par un changement réel.

La décolonisation s’impose pour plusieurs raisons. Je crois que l’université n’est pas destinée à opérer, à fonctionner en vase clos. Plus précisément, ce que je veux dire, c’est que ce qu’on enseigne, les recherches que l’on fait au sein de l’université, la mission de «community engagement»,  tout cela doit être proche des préoccupations de la société sénégalaise.  L’université sénégalaise doit être la première institution à laquelle on pense, à laquelle nos décideurs pensent lorsqu’il s’agit de trouver des solutions aux problèmes des Sénégalais. Je parle de tous les Sénégalais, toutes les franges de la population dans les quatre coins du pays et dans n’importe quel domaine. C’est aussi simple que cela.

Il n’y a pas de doute que l’influence de la colonisation se fait sentir dans la façon dont les universités sénégalaises, particulièrement les universités publiques, sont structurées et opèrent

Comment parvenir à réorienter la mission de l’Université dans ce sens?

Pour cela, l’université qu’on a hérité de la colonisation doit être complètement restructurée. Ce n’est pas un travail qu’on fait en une année, deux années, trois années. Mais au moins, il y a un préalable, il faut qu’on commence quelque part. Cette restructuration de l’université sénégalaise doit être un agenda national, les autorités sénégalaises doivent absolument être à l’avant-garde de cette rupture. Faire cela demande des moyens, demande une vision, cela demande un engagement. Elle doit venir des autorités les plus hautes.  Une fois que la vision est définie, une fois que l’on a identifié les hommes et les femmes sénégalais qui peuvent la concrétiser, on s’engage à leur donner les moyens nécessaires pour cette mission.

Je ne dis pas qu’on a tout l’argent du monde mais je suis absolument convaincu que si nous voulions en tant que pays nous engager dans une dynamique de «décolonisation» de l’université et de faire en sorte que nos universités soient complétement «connectées» aux préoccupations des Sénégalais, on pouvait faire cela. Mais je ne crois pas qu’il y ait la volonté de la part de nos gouvernants.

Cette restructuration de l’université sénégalaise doit être un agenda national, les autorités sénégalaises doivent absolument être à l’avant-garde de cette rupture

Quand on observe l’évolution des universités sénégalaises, on se rend compte qu’il y a des initiatives pour rendre l’université plus proche des Sénégalais. On peut citer l’introduction de langues nationales comme le wolof et le pulaar à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Il y a la création de l’Université Alioune Diop de Bambey orientée vers le développement local, et même l’organisation d’universités d’été dans différentes régions du Sénégal. Comment comprenez-vous que ces initiatives n’aient pas déclenché une mobilisation générale pour la «décolonisation» de l’université sénégalaise?

Évidemment, si on regarde au cours des 20 dernières années, selon les ministres en charge de l’Enseignement supérieur, selon les recteurs des universités, on voit des avancées très remarquables en termes de «décolonisation» et de rendre l’université plus utile à la société. Mais si on est recteur ou ministre et qu’on quitte l’institution ou la position dans laquelle on impulsait ces changements, la personne qui suit après peut avoir d’autres priorités. Donc, cela ne peut pas amener un changement durable.

Il va falloir que, en tant que nation, nous décidions au plus haut niveau du gouvernement que nous voulons changer notre université pour au moins qu’elle soit engagée de manière sérieuse à répondre aux préoccupations, aux questions que les Sénégalais se posent dans leurs différentes activités qu’ils soient des cultivateurs, des hommes ou femmes d’affaires, qu’ils soient des entrepreneurs sociaux, qu’ils soient des scientifiques, des créateurs, etc.

Donc, la décolonisation passera nécessairement par ce changement radical et c’est un changement nécessaire. Il doit être mené de la manière la plus sérieuse possible. Et on est déjà en retard. Ce travail de restructuration complète de l’université devait commencer depuis longtemps. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il est possible et il est absolument nécessaire que cette «décolonisation structurelle», que cette réorientation de l’université dans le cadre de sa mission, soit faite de la manière la plus sérieuse.

Vous avez abordé le rôle du gouvernement plus tôt. Quelle est sa part de responsabilité pour redresser le système éducatif du Sénégal qui est en crise?

Le désordre n’est pas uniquement imputable au gouvernement. Mais je crois que c’est le gouvernement qui a la responsabilité de fixer les règles de fonctionnement du système éducatif en collaboration avec les enseignants, avec les parents d’élèves et avec les étudiants.   Je crois qu’il faut créer un cadre dans lequel toutes ces composantes de la communauté éducative pourraient s’exprimer et contribuer à travers leurs idées pour la recherche d’un système éducatif, et des contenus utiles.

La décolonisation de l’université ne pourra pas être réellement complète si on ne tient pas compte de l’impact de la «colonisation» dans les autres niveaux du système éducatif de la maternelle jusqu’à l’enseignement supérieur. Nous avons vraiment besoin au Sénégal de revoir notre système éducatif de fond en comble et de nous poser une série de questions.  Qu’est-ce que nous voulons que ceux qui sortent de notre système éducatif deviennent ? Quels types d’entrepreneur voulons nous créer? Quels types d’enseignant voulons nous créer? Quels types de leader communautaire voulons nous créer ? Quels types d’ingénieur voulons nous créer? Quels types d’artiste voulons nous créer? Et tout cela, les autres pays l’ont fait. C’était sur la base de réflexions.

La décolonisation de l’université ne pourra pas être réellement complète si on ne tient pas compte de l’impact de la «colonisation» dans les autres niveaux du système éducatif de la maternelle jusqu’à l’enseignement supérieur

Nous avons de temps en temps, au cours des dernières années, engagé des réflexions nationales allant dans ce sens. Même si ces réflexions ont été très importantes, elles débutent bien, elles aboutissent à des conclusions qui sont bien ficelées mais la mise en place, la concrétisation des recommandations de ces consultations nationales a toujours fait défaut. Soit le gouvernement n’a pas la témérité d’aller dans le sens d’une concrétisation ou il n’est même pas intéressé.

Donc, il va falloir que tout cela soit vraiment une préoccupation majeure de nos gouvernements pour qu’on puisse arriver à un moment où on va avoir un enseignement complètement «décolonisé», entièrement centré sur nos préoccupations en tant que nation dans le cadre d’une Afrique de l’Ouest qui doit être intégrée politiquement, économiquement et culturellement, mais également en tant que nation dans le cadre d’une Afrique unie.

La collaboration entre les chercheurs de la diaspora sénégalaise et les cercles politiques au Sénégal est également une piste à explorer. Sur quelles bases peut-on construire une collaboration fructueuse entre ces deux environnements?

Les universités sénégalaises ont beaucoup de problèmes mais il faut reconnaitre qu’il y a quand même une bonne expertise sénégalaise qui est respectée au niveau international. Et il faut que nos dirigeants aillent dans le sens d’avoir confiance en cette expertise et faire en sorte que cette expertise soit vraiment utilisée et sollicitée à chaque fois que c’est nécessaire. Aussi, en faisant cela, faire en sorte que cette expertise-là continue de s’approfondir, continue de se diversifier au lieu d’aller prendre des consultants européens, américains, les payer les yeux de la tête au moment où la même expertise existe au niveau national. Donc encore une fois, l’université doit servir à l’aide à la décision.

L’Université devrait être un des éléments du cœur de la nation. Donc, si cette connexion n’existe pas, cette centralité de l’université si elle n’est pas une réalité, c’est parce qu’il y a un problème. Il est absolument nécessaire qu’on aille dans le sens de régler ce problème-là. Évidemment, la responsabilité est partagée. Mais le gouvernement sénégalais a la première responsabilité de créer le cadre.

Une fois que le cadre est créé de manière consensuelle et une fois qu’il correspond à ce que les Sénégalais attendent de l’université, on pourra voir qui joue le jeu et qui ne joue pas le jeu. A ce niveau, il va falloir que l’on situe les responsabilités de chacun. Elle est absolument importante pour une société qui se respecte. C’est quelque chose qu’on attend de l’enseignant. C’est quelque chose qu’on attend de l’étudiant. C’est quelque chose qu’on attend aussi du doyen, du recteur, du ministre et du président de la République.

 


Source photo : Watu Digital Lab & Sunu Nataal

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