Ibrahima Sagna, Étudiant: « A Sédhiou, ce sont des charrettes tirées par des ânes qui parcourent des routes meurtrières pour évacuer des femmes enceintes »

Les entretiens de WATHI – Les régions du Sénégal – Focus Sédhiou

Ibrahima Sagna

Originaire de Sédhiou, Ibrahima Sagna est étudiant en Santé et Développement durable à l’Université Alioune Diop de Bambey dans la région de Diourbel.

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Extraits

Pourquoi dit-on qu’il y a un grand taux de mortalité maternelle et infantile à Sédhiou?

A Sédhiou, les premières mesures de ce phénomène ont montré des indicateurs très élevés. Les mort-nés se chiffrent à 73 en 2013. Le nombre d’enfants décédés au cours des 28 premiers jours sont au nombre de 45, le nombre de femmes décédées en donnant la vie est de 11 contre 18 en 2012. Les programmes et les politiques en santé maternelle de la région se sont souvent heurtés à des obstacles liés à plusieurs facteurs qui font que les mesures prises ne répondent pas aux besoins et le résultat n’est pas celui escompté.

Les chiffres que vous présentez sont très importants étant donné que la population de Sédhiou est de moins de 500.000 habitants en 2013. Quels sont ces facteurs qui augmentent la mortalité maternelle ?

L’ensemble de ces facteurs agissent sur la mortalité maternelle à Sédhiou à travers un indicateur clé : l’assistance médicale à l’accouchement.

Tous ces frais sont jugés très élevés par rapport à ce qu’une famille peut gagner en une année de mauvaise récolte

L’absence de toute assistance médicale à l’accouchement (1281 accouchements à domicile enregistrés en 2013) fait que certaines femmes perdent la vie en la donnant tandis que d’autres mettent au monde des bébés mort-nés du fait qu’elles ont été contraintes d’accoucher seules à domicile parce qu’elles n’ont accès à aucun soin de santé et leurs grossesses n’ont pas été encadrées.

Pourquoi beaucoup de femmes choisissent d’accoucher chez elles ?

Certaines femmes choisissent d’accoucher chez elles à cause de leur charge de travail qui fait que l’accouchement les surprend en pleine activité. D’autres sont obligées d’accoucher à domicile à cause de leur situation financière pour payer les frais de transport et autres frais de consultation, du carnet de santé et d’analyse. Tous ces frais sont jugés très élevés par rapport à ce qu’une famille peut gagner en une année de mauvaise récolte.

En plus d’un problème d’accessibilité financière des soins de santé, il y a un problème d’accessibilité géographique. Comment cela se manifeste-t-il ?

L’enclavement de certaines localités où les femmes enceintes n’ont pas la possibilité de recevoir des conseils réguliers et, lors de l’accouchement, elles ne sont pas assistées par un personnel de santé.

L’absence de toute assistance médicale à l’accouchement (1281 accouchements à domicile enregistrés en 2013) fait que certaines femmes perdent la vie en la donnant, tandis que d’autres mettent au monde des bébés mort-nés

Mais également, le déficit des moyens de transport et de communication faciles entre les structures de santé et le lieu de vie des femmes rend l’accessibilité encore plus difficile.

L’absence des voies de communication engendre des drames sociaux. Ce sont des charrettes tirées par des ânes qui parcourent des routes meurtrières pour évacuer des femmes enceintes. Après de longs kilomètres, souvent, elles meurent en route.

Beaucoup de décisions qui concernent l’accouchement des femmes sont prises par des hommes, les chefs de famille le plus souvent, que peut être l’impact de ces hommes pour faire face à la mortalité maternelle et infantile ?

Les hommes ignorent les dangers de l’accouchement à domicile et sont exclus des programmes de sensibilisation alors qu’ils dirigent les ménages. Ce sont les hommes qui prennent les décisions d’une assistance médicalisée de la femme ou non. De ce fait, il serait important de mener des politiques de sensibilisation du côté des hommes.

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