Auteurs: Paulin Maurice Toupane, Adja Khadidiatou Faye, Aïssatou Kanté, Mouhamadou Kane, Moussa Ndour, Cherif Sow, Bachir Ndaw, Tabara Cissokho et Younoussa Ba
Site de publication : Institut des études de sécurité (ISS) et le Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS)
Type de publication: Rapport
Date de publication: Décembre 2021
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Analyse des stratégies d’implantation des groupes extrémistes violents
Depuis 2020, des incidents sécuritaires sporadiques sont enregistrés de part et d’autre de la frontière sénégalo-malienne, où se concentre une intense activité d’orpaillage, en grande partie clandestine. Afin d’appréhender les risques posés par cette situation, il convient d’analyser les stratégies connues d’expansion et d’implantation des groupes extrémistes violents opérant en Afrique de l’Ouest, ainsi que la place qu’y occupent les activités aurifères artisanales, les trafics, les tensions communautaires et les sentiments d’exclusion et d’injustice. Cette section résume l’état des connaissances relatives à ces problématiques.
Les attaques attribuées aux groupes extrémistes violents répertoriées entre 2012 et octobre 2021 confirment une expansion de leurs activités au-delà de la zone sahélienne, notamment vers les frontières orientales et septentrionales des pays du littoral ouest-africain. Au Mali, ces attaques initialement circonscrites au nord et au centre du pays se sont progressivement étendues vers l’ouest, entraînant une pression sécuritaire croissante, notamment dans la région de Kayes, frontalière du Sénégal. Cette région a enregistré plusieurs incidents depuis 2018, précisément au niveau des cercles de Diéma et de Kita . Des postes de gendarmerie, de douanes, et des eaux et forêts, ainsi que des camions de transport, ont ainsi été ciblés à Dioumara, Didiéni, Diéma, Sebekoro et Sanakoro par des hommes armés suspectés d’appartenir à la Katiba Macina, affiliée au JNIM. Le 28 septembre 2021, ce groupe a revendiqué l’assaut d’un convoi minier entre Sebabougou et Kwala, sur l’axe Bamako-Kayes.
Les attaques attribuées aux groupes extrémistes violents répertoriées entre 2012 et octobre 2021 confirment une expansion de leurs activités au-delà de la zone sahélienne, notamment vers les frontières orientales et septentrionales des pays du littoral ouest-africain
Quatre individus présumés liés à la Katiba Macina ont été arrêtés par les autorités sénégalaises à Kidira en février 2021. Aucune attaque djihadiste, ou qualifiée comme telle, n’a encore été officiellement enregistrée au Sénégal. Toutefois, dans la nuit du 7 au 8 février 2020, un groupe d’individus a attaqué le poste des douanes de Moussala, dans le département de Saraya (région de Kédougou), avant de s’enfuir en direction du Mali en emportant cinq fusils d’assaut. Un peu plus de deux semaines avant cet incident, une patrouille du Groupement d’action rapide de surveillance et d’intervention (GARSI) de la gendarmerie a essuyé des tirs d’armes à feu aux abords du village de Gathiary, dans l’arrondissement de Kéniéba dans la région de Tambacounda, non loin de la frontière malienne.
En février 2021, un rapport du Conseil de sécurité des Nations Unies a révélé la présence d’éléments appartenant au JNIM sur le corridor Bamako-Dakar, dans le Ferlo, à Bakel et dans la zone de Saraya. Le même mois, quatre individus présumés liés à la Katiba Macina ont été arrêtés par les autorités sénégalaises à Kidira, près de la frontière avec le Mali. Les stratégies d’expansion des groupes extrémistes violents semblent obéir à de nombreuses motivations. L’un des objectifs est de déborder les mécanismes sécuritaires et militaires existants, déployés par les acteurs nationaux, régionaux et internationaux dans le Sahel. Dans cette optique, les groupes ciblent les zones frontalières, souvent négligées par les États et échappant au contrôle des dispositifs sécuritaires. Une motivation supplémentaire est de contrôler les points de transit sur certains territoires, afin d’accéder à des ressources financières, opérationnelles et humaines. Des publications récentes démontrent que l’extraction aurifère représente une source importante de financement et d’approvisionnement pour les groupes extrémistes violents actifs dans le Sahel. Par exemple, dans la province du Soum au Burkina, des unités terroristes sont rémunérées par les orpailleurs pour assurer des missions de sécurité sur des sites d’orpaillage.
Les groupes extrémistes violents se présentent parfois comme une alternative aux États, dont les performances ne sont pas à la hauteur des attentes des populations Les groupes extrémistes entretiennent des liens, souvent vitaux, avec des acteurs de trafics illicites opérant dans le Sahel et au-delà. En effet, afin de se procurer des moyens opérationnels et de subsistance, et pour générer des ressources financières, les groupes participent directement ou indirectement aux trafics illicites. Ils seraient rétribués pour la protection qu’ils fourniraient aux convois de marchandises licites et de produits illicites, ou procéderaient à la collecte de « taxes » pour leur transit. Les trafics et autres activités criminelles constituent aussi, pour les groupes extrémistes violents, des opportunités de création d’alliances de circonstance avec des acteurs qui cherchent également à échapper au contrôle étatique. Il ne s’agit pas d’une fin en soi, mais d’un moyen de faciliter et d’accélérer leur implantation. Cela a notamment été documenté dans l’Est du Burkina, dans le cadre de l’orpaillage clandestin et du braconnage.
Quatre individus présumés liés à la Katiba Macina ont été arrêtés par les autorités sénégalaises à Kidira en février 2021. Aucune attaque djihadiste, ou qualifiée comme telle, n’a encore été officiellement enregistrée au Sénégal
Principales vulnérabilités dans le Sud-Est du Sénégal
L’intérêt du sud-est du Sénégal pour les groupes extrémistes violents avait déjà été évoqué dans le cadre de l’enquête judiciaire concernant des Sénégalais ayant rejoint le groupe extrémiste violent communément appelé Boko Haram, au Nigeria, et qui ont été condamnés en 2018. Lors des auditions, certains des accusés avaient évoqué le projet d’installation d’une base dans la région de Kédougou, car il y existait des zones boisées proches de sources d’eau. En se fondant sur l’analyse des stratégies d’expansion des groupes extrémistes violents, la présente section met en lumière cinq catégories de vulnérabilité liées à l’exploitation de l’or, dans les localités aurifères des régions de Kédougou et de Tambacounda. La première et la seconde regroupent respectivement le caractère largement informel, voire clandestin, de l’orpaillage et les failles dans la commercialisation de l’or. La troisième relève du sentiment d’exclusion des populations, résultant de la précarité socio-économique de la zone qui contraste avec la richesse de son sous-sol. La quatrième catégorie concerne les dynamiques conflictuelles qui existent dans un contexte où d’importants flux migratoires et financiers sont en passe de bouleverser les rapports sociaux, sur fond de tensions afférentes à l’accès aux ressources. Enfin, la cinquième catégorie porte sur le développement de trafics illicites, alors que la gestion, la surveillance et le contrôle des frontières représentent des défis.
La persistance de sites clandestins
Les zones du Sud-Est du Sénégal, de l’Ouest du Mali et du Nord de la Guinée étaient partie intégrante du Bambouk-Bouré et comprenaient les principales mines d’or de l’empire du Mali. L’exploitation aurifère, activité séculaire, y a pendant longtemps été menée de façon artisanale. Dans le Sud-Est du Sénégal, ce secteur initialement occupé par les femmes a connu une très forte expansion à partir des années 1990. Puis, les années 2000 ont vu une accélération de l’exploitation aurifère favorisée par l’implantation de sociétés minières étrangères, notamment à la suite de l’adoption du Code minier de 2003, et l’arrivée massive de migrants de la sous-région, qui ont contribué au développement de techniques d’exploitation semi mécanisée. Pendant la même période, l’octroi de périmètres à des compagnies minières et l’évolution de la législation, en particulier la création de couloirs d’orpaillage et la mise en place d’autorisations d’exploitation, ont contribué à faire basculer certains acteurs, sites et pratiques dans la clandestinité.
Cette situation a engendré d’importants défis réglementaires, opérationnels et financiers. Les principes élémentaires en matière d’hygiène, de santé et de sécurité sont souvent ignorés, exposant les communautés minières et les populations à de graves conséquences sanitaires, sécuritaires et environnementales. Conscient de ces défis, l’État du Sénégal a cherché à poser les jalons d’une meilleure organisation de l’EMAPE en adoptant de nombreux textes réglementaires, notamment les codes miniers de 2003 et de 2016. Le Sénégal a également ratifié, en mars 201643, la Convention de Minamata sur le mercure, qui comprend des dispositions dédiées spécifiquement à l’EMAPE. Bien qu’elle constitue une grande avancée dans l’organisation du secteur, la réglementation comporte des lacunes et ses effets concrets tardent à se faire sentir sur le terrain. Le Code minier de 2016 prévoit deux titres miniers dans le cadre de l’EMAPE. Il s’agit de l’autorisation d’exploitation minière artisanale et de l’autorisation d’exploitation minière semi-mécanisée. La première est réservée aux personnes physiques de nationalité sénégalaise, mais elle peut être octroyée aux citoyens des pays limitrophes, si ces derniers accordent la réciprocité. L’autorisation est matérialisée par une carte d’artisan minier et est valable pour cinq ans, uniquement dans le territoire de la collectivité où se situe le couloir. La carte est renouvelable plusieurs fois pour la même durée, sous réserve du paiement des droits correspondants, qui s’élèvent à 50 000 francs CFA.
Les principes élémentaires en matière d’hygiène, de santé et de sécurité sont souvent ignorés, exposant les communautés minières et les populations à de graves conséquences sanitaires, sécuritaires et environnementales
La précarité socio-économique contraste avec la richesse du sous-sol
Grâce à l’EMAPE, la zone de recherche a connu une forte croissance démographique et un développement des activités économiques telles que le commerce, la restauration, le transport et le transfert d’argent. Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), 32 474 individus travaillaient de façon directe dans le secteur de l’orpaillage en 201864. Les revenus tirés de l’activité aurifère permettent aux populations locales d’assurer toute une série de dépenses liées à la santé, à l’alimentation et à l’éducation des enfants. La place importante qu’occupe l’extraction de l’or dans l’économie locale ainsi que les évolutions positives observées au niveau des revenus des populations ne se sont toutefois pas traduites en une réduction véritable du sous-développement de la zone. En effet, les indicateurs économiques qu’elle enregistre sont parmi les plus faibles au Sénégal. Le taux de pauvreté, s’établissant à 61,9 % à Kédougou et Tambacounda en 2021, reste encore très élevé malgré une légère baisse depuis l’intensification de l’activité aurifère. Depuis 2014, l’État du Sénégal a lancé trois programmes nationaux de développement majeurs qui visent à améliorer les conditions de vie des populations, notamment en milieu rural. Il s’agit du Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (PUMA), du Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) et du Programme de modernisation des villes (PROMOVILLES). Malgré les efforts déployés par l’État, l’accès aux infrastructures de santé, d’éducation, d’eau et d’assainissement demeure un problème majeur, notamment pour les populations vivant dans les zones rurales frontalières qui sont les plus pauvres et les moins dotées en infrastructures sociales de base.
Si la construction du nouveau centre hospitalier régional de Kédougou, en mai 2021, permet de relever le plateau médical, l’accès à la santé continue de constituer un défi. De nombreuses localités rurales de Kédougou et Tambacounda, frontalières avec le Mali et la Guinée, ne disposent en effet pas de cases de santé ou sont éloignées des structures sanitaires. Celles qui en disposent sont confrontées à un manque de personnel, à des difficultés d’approvisionnement en médicaments et à l’inexistence de services spécialisés. Leurs habitants sont contraints de parcourir de longues distances, parfois à moto, pour évacuer leurs malades. L’enclavement de ces localités, l’état délabré des routes et l’absence d’ambulances pour les évacuations d’urgence poussent ces populations à se faire traiter dans les structures sanitaires de la région de Kayes, au Mali. De même, l’accès à l’eau potable constitue un véritable problème, particulièrement dans les zones frontalières du département de Saraya, où la pression démographique induite par l’EMAPE accroît la demande. Dans ces localités, l’eau est essentiellement fournie par des forages et par des puits, mais ces infrastructures sont souvent défectueuses. Dans ce contexte, les populations recourent parfois à des prestataires de services, y compris étrangers, pour forer des puits. L’accès aux infrastructures de santé, d’éducation, d’eau et d’assainissement demeure un problème majeur notamment dans les zones rurales frontalières Ces zones frontalières demeurent parmi les moins dotées en infrastructures routières et la couverture téléphonique y reste défaillante. Le réseau téléphonique malien est celui qui les couvre le mieux et, en raison de l’enclavement routier, les populations se tournent également vers le Mali pour s’approvisionner en denrées de première nécessité.
Des dynamiques conflictuelles multiples
Parmi les vulnérabilités que les groupes extrémistes pourraient exploiter en faveur de leurs stratégies d’implantation et de recrutement figurent les dynamiques conflictuelles. Celles observées dans le Sud-Est du Sénégal sont pour le moment d’ampleur modeste, mais elles risquent de s’aggraver avec l’intensification de l’exploitation aurifère. Les données collectées confirment que dans la zone d’étude, elles trouvent leurs racines dans un éventail de causes structurelles et conjoncturelles. Trois types de dynamiques peuvent ainsi être mis en exergue : les tensions entre communautés sénégalaises et étrangères, celles entre les communautés et les sociétés minières et celles entre les agents de l’État et les communautés d’orpailleurs. Au cours des dix dernières années, les sites d’orpaillage au Sud-Est du Sénégal ont agi comme des aimants migratoires, engendrant d’importantes reconfigurations démographiques et des relations sociales et communautaires souvent conflictuelles. Selon l’ANSD, six orpailleurs sur dix sont de nationalité étrangère. En effet, une dizaine de nationalités étrangères impliquées dans l’orpaillage a été recensée. Dans la plupart des villages aurifères, les Maliens sont majoritaires (39,6 %), suivis des Guinéens (10,3 %) et des Burkinabè (5,2 %). Pour le moment d’ampleur modeste, les dynamiques conflictuelles observées dans la zone risquent de s’aggraver.
Ces communautés détiennent un savoir-faire indéniable en matière d’exploitation aurifère, mais leur cohabitation avec les populations locales demeure parfois difficile, notamment dans certaines localités du département de Saraya, frontalières avec le Mali. Les tensions portent principalement sur l’organisation et le fonctionnement des sites d’orpaillage, ainsi que sur le respect des règles établies par les communautés villageoises. Dans la plupart des sites, l’exploitation est interdite les lundis et les vendredis, ainsi qu’en cas de décès. En outre, pour permettre aux communautés de tirer profit de l’exploitation, certains villages aurifères prévoient des taxes. Or, comme en témoignent les données collectées, ces règles ne sont pas toujours respectées et certains membres des communautés étrangères refusent de payer les taxes exigées. Dans certaines localités les zones d’habitation des orpailleurs étrangers, désignées par le mot malinké gnafa, sont perçues par les communautés sénégalaises comme suivant leurs propres règles. En effet, l’accès à ces endroits, qui échappent au contrôle des autorités, est aussi difficile pour les populations locales. La présence remarquable d’étrangers soulève également la question de leur identification. Des zones entières dans et en dehors des villages situés dans le département de Saraya, occupées par des étrangers, échappent au contrôle des services de l’État. Dans la plupart de ces cantonnements, la prostitution et l’usage de drogues prospèrent. Si les patrouilles de la gendarmerie et de l’armée aboutissent à leur démantèlement et à des saisies de produits prohibés, elles n’empêchent toutefois pas de nouvelles installations anarchiques.
L’enclavement de ces localités, l’état délabré des routes et l’absence d’ambulances pour les évacuations d’urgence poussent ces populations à se faire traiter dans les structures sanitaires de la région de Kayes, au Mali
Les relations entre les communautés et les sociétés minières se sont améliorées depuis les incidents de 2005, 2007 et 2008 à Kédougou et ceux de 2014 à Diakhaling. Toutefois, les données collectées confirment que certaines tensions persistent sur des questions relatives à l’accès aux ressources, au foncier et à l’emploi, ainsi qu’aux conséquences environnementales et sanitaires de l’exploitation industrielle. Par exemple, les communautés minières dénoncent la précarité du titre d’exploitation semi-mécanisée qui ne donne un droit exclusif sur les ressources qu’à une profondeur maximale de quinze mètres. Ce titre ne peut entraver les activités de recherche des sociétés minières. Ainsi, lorsqu’une compagnie met en évidence des gisements exploitables, le détenteur de ce type de titre peut être déplacé, moyennant une indemnisation. Toutefois, dans la pratique, cette disposition est rarement respectée. Dans la plupart des cas documentés, les communautés ne sont ni informées de l’attribution de titres miniers à des compagnies industrielles, ni indemnisées en cas de réattribution de leurs périmètres. Ce genre de situations crée des tensions entre les promoteurs industriels et les communautés, qui se trouvent dépossédées de leurs moyens de subsistance. Ces tensions risquent de s’intensifier avec les opérations d’exploration en cours, l’attribution attendue de nouveaux périmètres de recherche et l’arrivée probable de nouvelles sociétés minières industrielles et semi-mécanisées.
La présence plurielle de réseaux de trafiquants
L’intensification de l’activité aurifère dans le Sud-Est du Sénégal s’est accompagnée de l’émergence ou de l’amplification d’activités illicites. La zone est en effet affectée par le trafic de drogue, de faux médicaments, de produits chimiques et d’explosifs, ainsi que par la traite des personnes. La circulation d’armes dans la zone, notamment sur les sites d’orpaillage, mérite également une attention particulière. Or, le dispositif actuel de surveillance des frontières est confronté à des défis majeurs. L’étude n’a pas permis d’identifier des liens directs entre l’économie résultant des trafics dans la zone et les activités de groupes extrémistes violents. Cette économie constitue néanmoins une menace pour le Sénégal et une opportunité pour ces groupes en matière de recrutement d’individus qui pourraient faciliter la jonction avec les réseaux de trafiquants et la création d’alliances potentielles avec ces acteurs qui cherchent également à échapper au contrôle étatique. Kédougou est passée, en dix ans, d’une zone de transit à une importante zone de consommation. Le cannabis est la drogue la plus utilisée sur les sites, à cause de sa disponibilité et de son prix relativement abordable (1 000 francs CFA). Deux types de cannabis y sont consommés.
La présence remarquable d’étrangers soulève également la question de leur identification. Des zones entières dans et en dehors des villages situés dans le département de Saraya, occupées par des étrangers, échappent au contrôle des services de l’État. Dans la plupart de ces cantonnements, la prostitution et l’usage de drogues prospèrent
Il s’agit du cannabis dit « vert », provenant de Sindian (village du département de Bignona, situé dans la région de Ziguinchor), et du « brown », provenant du Sud du Nigeria et transitant par le Mali. L’approvisionnement est principalement l’œuvre de réseaux de trafiquants composés notamment de Sénégalais et de Maliens. Certains de ces Sénégalais introduisent aussi le « brown », notamment à partir de Diabougou dans la région de Tambacounda. Outre le cannabis, la consommation de tramadol et de valium est très répandue sur les sites d’orpaillage. Appelé « drogue du travailleur », le tramadol est un antidouleur aux effets euphorisants et représente l’opioïde de synthèse le plus répandu en Afrique de l’Ouest. Il provient de l’Inde, transite le plus souvent par les pays du Golfe de Guinée, comme le Bénin, le Ghana et le Nigeria, avant d’être acheminé vers certains pays d’Afrique centrale et de l’Ouest. Le tramadol vendu sur les sites aurifères artisanaux de la région de Kédougou est introduit dans le pays par des trafiquants, notamment maliens, qui collaborent avec des Sénégalais, chargés de l’acheminer à destination en empruntant des routes secondaires. Au Sénégal, le tramadol est un médicament légal vendu sur prescription. Contrairement à la dose standard de 50 mg trouvé dans les officines, celle vendue clandestinement est de 120, 200 ou 250 mg, d’où les appellations « 120 », « 200 » et « 250 » par les consommateurs. Ces dosages sont achetés respectivement, sur le marché noir, à 1 000, 1 500 et 2 500 francs CFA par tablette116. La vente illicite de ce produit n’est pour l’instant pas criminalisée par la législation sénégalaise même si certains revendeurs interpellés sont traduits en justice sous le chef d’inculpation d’usurpation de fonction de pharmacien. Provenant généralement de la Guinée, le Valium, un anxiolytique, est également acheminé vers les sites aurifères. Comme le tramadol, il est détourné de son usage médical normal, pour accroître la résistance à la fatigue et à l’effort physique.
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