Prévention des conflits par une gestion intégrée et une utilisation durable des ressources naturelles : cas du Sénégal, Gorée Institute, Mai 2022

Auteur : Houleymatou Baldé

Organisation affiliée : Gorée Institute

Site de publication : goreeinstitut.org

Type de publication : Article

Date de publication : 3 Mai 2022

Lien du document original

 


* Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


 

Selon le rapport du PNUE publié en 2009, « On peut associer les causes de 40 pour cent des guerres civiles qui se sont produites au cours des 60 dernières années aux ressources naturelles ; depuis 1990, au moins 18 conflits violents ont été alimentés par l’exploitation des ressources naturelles ».

Le Sénégal est un petit pays producteur d’or avec plus de 14 tonnes d’or en 2021. Principalement, les zones aurifères se trouvent dans les régions de Kédougou et de Tambacounda. Mais on constate que ces deux régions, particulièrement celle de Kédougou, présentent des situations marquées par la fragilité des conditions de vie des populations qui contrastent avec la richesse du sous-sol.

Les conflits liés aux ressources naturelles  

Les conflits liés aux ressources naturelles résultent des désaccords et des différends sur l’accès, le contrôle et l’utilisation des ressources naturelles. Si ces conflits ne sont pas réglés, ils risquent de provoquer des réactions violentes, une dégradation de l’environnement et des moyens d’existence, et une interruption des projets.

On se rappelle encore l’intervention, le 13 février 2017, d’éléments de la brigade des douanes qui s’est terminée par une vive altercation avec des orpailleurs dans la communauté rurale de Khossanto (Kédougou), où un coup de feu a mortellement atteint un chercheur d’or. Le mécontentement des habitants des villages s’est soldé par la destruction du poste des douanes et de la brigade de gendarmerie. Depuis 2008, de tels agissements sont devenus récurrents et ont été la cause d’énormes dégâts matériels, extrêmement importants et humains.

Des enjeux territoriaux liés à la menace sur le foncier, à l’expropriation et l’abandon des terres, aux déplacements forcés, le terrorisme et aux réinstallations des communautés autochtones. S’agissant de l’impact environnemental, on note essentiellement la pollution de l’air et de l’eau, les nuisances sonores, la dégradation des sols mortifiant gravement la biodiversité

Le secteur extractif au Sénégal connaît aujourd’hui un développement rapide. Les réserves du pays à elles seules constituent un intérêt majeur : l’une des plus grandes réserves de zircon et d’ilménite au monde se trouve à Thiès dans le centre du pays, les nombreuses carrières de calcaire exploitées dans les régions de Dakar et de Thiès et le phosphate (Thiès et Matam). A cela, s’ajoutent d’autres ressources minières importantes inexploitées, à l’instar du gisement de fer de la Falémé dans le Sud-Est du Sénégal à la frontière avec le Mali dont les réserves sont estimées à 750 millions de tonnes. Et depuis peu, du gaz et du pétrole ont été découverts dans les régions centre et nord du plateau continental.

La production d’or est passée de 12,5 tonnes (402 231 onces) en 2018 à 12,9 tonnes (415 335 onces) en 2019, indique le rapport de conciliation 2019 de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE).

Il est question d’enjeux communautaires relatifs aux emplois boiteux, à la déperdition scolaire, aux migrations (ruée vers l’or), au chômage et à ses conséquences, à la préservation des lieux sacrés et cultuels, à la prise en compte des intérêts des populations autochtones et aux revendications des couches défavorisées.

Des enjeux territoriaux liés à la menace sur le foncier, à l’expropriation et l’abandon des terres, aux déplacements forcés, le terrorisme et aux réinstallations des communautés autochtones. S’agissant de l’impact environnemental, on note essentiellement la pollution de l’air et de l’eau, les nuisances sonores, la dégradation des sols mortifiant gravement la biodiversité.

A cela s’ajoutent des enjeux de gouvernance et de relations de pouvoir entre compagnies minières, État, société civile et communautés, qui ne doivent pas être étouffés, sans perdre de vue la perte des moyens de subsistance des populations avec des aléas d’insécurité alimentaire, sécuritaire et sanitaire.

Méthodes de résolution des conflits liés aux ressources naturelles

Il existe deux types de conflit majeur au niveau local : ceux qui relèvent du partage, souvent inéquitable, d’une ressource particulière, et ceux qui résultent de contradictions entre les systèmes de gestion locaux et les systèmes introduits souvent par un acteur économique ou étatique aux populations locales.

La production d’or est passée de 12,5 tonnes (402 231 onces) en 2018 à 12,9 tonnes (415 335 onces) en 2019, indique le rapport de conciliation 2019 de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE)

La résolution des conflits liés aux ressources naturelles réside :

  • Dans une prise de conscience des entreprises, qui doivent inclure les populations locales et leurs besoins dans les stratégies d’implantation, et exercer une exploitation durable des ressources, afin de ne pas paupériser les populations voire un territoire qui ne leur appartient pas ;
  • La création d’espaces de concertation et de méthodes de négociation efficace afin de diminuer la pauvreté et de mettre en place une exploitation responsable et optimisée des ressources ;
  • Les dirigeants, les entreprises et la société civile doivent s’impliquer dans la mise en place d’une gestion durable des richesses naturelles et de la prise en compte des dispositions sur la prévention des conflits ;
  • La participation des populations à la résolution de conflits est aussi une méthode efficace : par exemple les paysans du fleuve Sénégal ont été impliqués dans le programme de résolution des tensions liées à une exploitation dispersée de l’eau, mené par le CEMAGREF (Centre national de la machinerie agricole, du génie rural, des eaux et forêts).

Conclusion et recommandations  

Pour la société civile, elle doit jouer un rôle capital, surtout dans les initiatives de lobbying, de plaidoyer, de dialogue inclusif et de concertation avec les populations afin de prévenir ou d’atténuer les conflits et de favoriser une cohabitation pacifique.

Quant à l’ITIE, ses rapports publiés chaque année pourraient considérablement aider la société civile, car ils fournissent des éléments qualificatifs importants pour un plaidoyer.

En ce qui concerne les compagnies d’exploitation des ressources naturelles, elles devraient plus s’impliquer à mener leurs activités dans le respect des lois nationales et internationales tout en développant une démarche efficiente fondée sur le renforcement des capacités en prévention et résolution de conflits au sein des communautés.