Rapport exploratoire sur l’économie verte, République du Sénégal, Août 2019

Auteur : République du Sénégal

Type de publication : Rapport

Date de publication : Août 2019

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* Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


Contexte et justification

Dans le cadre de l’Initiative pour l’Economie verte lancée par le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE), l’Etat du Sénégal avec l’appui de cette institution onusienne, avait élaboré le Rapport Exploratoire sur l’Economie Verte (REEV) en 2012. Le REEV a permis d’analyser en profondeur les potentialités du Sénégal en termes d’économie verte à travers le modèle T-21. Ainsi, il a été constaté qu’une augmentation des investissements verts de 2% accroitrait la productivité dans les secteurs ciblés que sont l’agriculture, la pêche, la foresterie, les ressources en eau, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique et la gestion des déchets.

En 2014, le Sénégal a adopté une nouvelle orientation politique à l’horizon 2035 communément appelée Plan Sénégal Emergent (PSE) qui constitue le référentiel de la politique économique et sociale sur le moyen et le long terme. Le PSE repose sur trois axes stratégiques : (i) transformation structurelle de l’économie et croissance ; (ii) capital humain, protection sociale et développement durable ; (iii) gouvernance, paix et sécurité. La mise en œuvre de la phase 1 du PSE a permis d’accroître la croissance économique de 3,6% en 2012 à 6,8% en 2017 avec une prévision de 7% en 2018 (DPEE, 2017). Au regard de l’évolution de la croissance économique du Sénégal impulsé par le PSE, il était impératif de réactualiser le REEV et de procéder à un verdissement selon la trajectoire de l’émergence.

Profil environnemental

Il est admis que l’exploitation rationnelle des ressources naturelles et de l’environnement contribue de façon significative à la création de richesses et à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales, donc à la réduction de la pauvreté. De par sa position en latitude et son réseau hydrographique, le Sénégal dispose de zones humides importantes tant sur le plan national qu’international. Au Sénégal, la croissance économique est en grande parte assise sur l’exploitation des ressources naturelles. Environ 60 % de la population (en particulier rurale et pauvre) dépend, dans ses activités et/ou son revenu, des ressources naturelles. Cette situation rend particulièrement importante la bonne gestion des ressources environnementales et des écosystèmes pour la croissance économique de long terme, l’emploi, la réduction de la pauvreté et la sécurité alimentaire.

Il est admis que l’exploitation rationnelle des ressources naturelles et de l’environnement contribue de façon significative à la création de richesses et à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales, donc à la réduction de la pauvreté

Enfin, l’autre enjeu majeur concerne la lutte contre les pollutions et les nuisances avec la forte concentration d’infrastructures et de populations dans le ters Ouest contrastant avec la faible occupation du reste du pays. En 2012, le Sénégal comptait 826 entreprises industrielles dont près de 90 % sont localisées dans la région de Dakar (CSE, 2013, p. 296) et 244 sont des installations classées de 1ère classe. Le profil des émissions de gaz à effets de serre (GES) montre que l’énergie occupe la première place (40%), suivie de l’agriculture (36%), des déchets (14%), et des procédés industriels (11%). Le total des émissions s’établissait à 13 311 Gg CO2 équivalent en 2010, soit 1,2 tonne de C02 par habitant. (CPDN, 2015)

Malgré la volonté politique exprimée à travers l’adoption d’une « Nouvelle gouvernance verte » comme pilier du développement durable, le défi à relever réside dans la maitrise de l’empreinte écologique et l’augmentation de la biocapacité des écosystèmes à travers des politiques de développement soucieuses de l’environnement.

Secteurs prioritaires pour le verdissement de l’économie

En 2017, dans le cadre de l’élaboration de la stratégie nationale pour la croissance verte, les acteurs ont admis que, en adéquation avec le PSE, la transformation structurelle de l’économie et la croissance verte s’appuient sur : (i) le développement des infrastructures et services de transports ainsi qu’énergétiques, (ii) le développement de l’agriculture et de l’agro-alimentaire, de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture, (iii) le développement de l’habitat social, (iv) l’émergence de plateformes industrielles intégrées et (v) l’aménagement de pôles touristiques intégrés .

Il ressort de ces constats que l’Agriculture (y compris l’élevage), la pêche (dont l’aquaculture), la foresterie, la gestion des déchets et l’énergie, qui ont été jugés prioritaires dans les différents documents de politiques cités précédemment, peuvent être retenus dans le cadre de ce travail comme étant les moteurs de l’économie verte. Toutefois, vue son importance dans le développement des secteurs stratégiques, la gestion des ressources en eau est incluse parmi les secteurs prioritaires à étudier.

Analyse et discussion des résultats

A moyen et long terme, la croissance économique est stimulée par les investissements verts supplémentaires annuels. Ainsi, les effets multiplicateurs de ces investissements inhibent l’impact négatif de leur financement sur l’économie. Ce qui montre que les scénarios verts (EV et EV-Energie), en plus de leur pouvoir de préservation des ressources naturelles et de réduction des pollutions, offriraient une croissance sur la période 2019-2035 plus importante que le maintien des tendances passées (BAU). En effet, les résultats montrent qu’en moyenne le gain de croissance sur cette période serait de l’ordre de 0.4 respectivement 0.5 point de pourcentage selon les scénarios EV et EV-Energie.

A moyen et long terme, la croissance économique est stimulée par les investissements verts supplémentaires annuels

De plus, la mise en œuvre de ces politiques de verdissement devra générer des emplois. Ainsi, il est attendu, en moyenne annuelle sur la période 2019- 2035, la création de 17 968 emplois dans le scénario EV et 19 528 dans le scénario EV-Energie, par rapport au scénario de référence. Ces emplois générés par un investissement vert sont appelés des emplois verts. La stratégie nationale de promotion des emplois verts (SNPEV) définit l’emploi verte comme toute activité humaine individuelle ou collective décente qui génère des revenus, protège l’environnement ou assure une gestion rationnelle des ressources naturelles.

La production agricole en volume devrait augmenter en moyenne de 3,1% pour le scénario EV et 3,0 % pour EV-Energie en 2019-2035, contre 2,7 % dans le scénario de référence (BAU). Cette évolution est principalement due à un rendement plus élevé à l’hectare dans les scénarios verts, lié à la qualité des terres cultivées avec le renforcement des nutriments présent dans le sol et la disponibilité de l’eau grâce au développement de l’irrigation.

Dans le secteur de la foresterie, la transition vers une économie verte aura pour effet d’accroître en moyenne, sur la période 2019-2035, la couverture forestière de 46 097 ha dans le scénario EV et de 34 110 ha dans le scénario EV-Energie par rapport à la référence. Ce qui permettrait de séquestrer plus de carbone, d‘améliorer la qualité des sols et la disponibilité de l’eau, deux facteurs clés pour la productivité agricole.

L’investissement dans des sources d’énergies propres et respectueuses de l’environnement au détriment des énergies à fort potentiel d’émission porterait la proportion des énergies renouvelables dans la production globale d’électricité à hauteur 65 % dans le scénario EV et de 80 % dans le scénario EV-Energie en 2035, contre 55% dans le scénario de référence (BAU).

Les investissements verts devraient également améliorer l’accès à l’assainissement de même que la gestion des déchets. Ainsi, dans le scénario EV-Energie, le taux d’assainissement augmenterait de 19 points de pourcentage et 26 points dans le scénario EV. Quant à la collecte et le traitement des déchets en milieu urbain, le taux progresserait de 26 points de pourcentage dans le scénario EV contre 21 points de pourcentage dans le scénario EV-Energie comparé à la référence.

Contexte favorable aux politiques d’économie verte

Pour une transition vers une économie verte, différentes dispositions devront être prises en termes de réglementation, législation, d’éducation, sensibilisation :

  • Mise en place d’un cadre réglementaire et institutionnel devant faciliter la transition vers une économie verte : Un des pré requis pour une transition vers une économie verte consiste respectivement à la mise en place d’un cadre global constitué de :
    • Structure institutionnelle adéquate avec notamment comme pierre angulaire les Ministères en charge de l’environnement et des finances ;
    • Cadre réglementaire et normatif à mettre en place devant faciliter cette transition ;
    • Mise en place d’un cadre de Suivi et évaluation d’une politique sur la transition vers une économie verte capable d’informer à temps réel sur l’impact des mesures (optons) sur l’économie ;
  • Mise en place d’une stratégie d’investissement opérationnelle sur l’économie verte sur la base des optons de verdissement décliné dans le présent rapport : afin d’assurer un financement adéquat d’une politique sur l’économie verte, il est important de rendre opérationnel les politiques de verdissement par objectifs stratégiques, résultats attendus, indicateurs de résultats et cibles, tel que défini précédemment. Cette tache servira de tableau de bord et apportera plus de visibilité pour les actons entreprises.
  • Financement de l’économie verte : Il faudra recourir à l’opérationnalisation des Mécanismes de financement innovants (MFI). Huit (08) mesures de taxations ont été identifiées à côté de celui relatif à l’écocontribution. Les Obligations vertes constituent un outil indispensable pour la mobilisation de ressources destinées à l’environnement et à l’économie verte. L’Opérationnalisation du Fonds National Climat demeure un impératif. La mise en place de fonds constitue à ce jour l’instrument le plus indiqué pour financer la transition écologique et le développement durable.
  • Politiques et incitations visant la mise en place d’une bonne stratégie d’économie verte : de telles stratégies et politiques peuvent contribuer à décarboniser l’économie à long terme. Dans ce cas, l’exemple du secteur de l’énergie peut être utilisée avec la réduction de la subvention allouée aux énergies fossiles et leur réallocation aux énergies renouvelables ou encore l’abandon de la mise en place des centrales à charbon. Cette dynamique positive devra être maintenue au niveau politique et faciliter ainsi la transition du Sénégal vers une économie verte.
  • Poursuite de l’intégration des principes de l’économie verte au niveau de la planification des secteurs de développement ainsi que leur intégration dans le PSE : la transition vers une économie verte est un processus. Il faudra poursuivre et approfondir le travail en cours sur l’intégration du climat dans la planification des secteurs de développement et du PSE ;
  • Encourager le verdissement des entreprises et des investissements dans les infrastructures vertes ;
  • Adapter et renforcer les programmes d’éducation et de formaton en relation avec les défs de l’économie verte ;
  • Renforcer les capacités des pouvoirs publics et privés en vue de soutenir efficacement une économie verte inclusive à travers leur renforcement à l’analyse sur les défs, à discerner les opportunités, hiérarchiser les mesures, mobiliser les ressources financières internes et externes.

Conclusion et recommandations

A titre de recommandations, les modes de production et de consommation responsables doivent être promus dans les secteurs de l’agriculture (y compris élevage) et de la pêche. Ainsi, l’agroforesterie et/ou agroécologie doit être mieux vulgarisée par le Gouvernement afin de fertiliser la terre et protéger les cultures par des méthodes biologiques et réduire ainsi les émissions de CO2.

S’agissant de la pêche, les mesures préconisées pour réduire la pression sur les ressources et favoriser la régénération rapide consistent à (i) promouvoir l’aquaculture, (ii) poursuivre la création des aires marines protégées, (iii) restaurer les habitats naturels et (iv) promouvoir la mise en place de récifs artificiels. Dans le domaine de l’énergie, principale source d’émission des GES, le verdissement de l’économie passera par : (i) le renforcement de la maîtrise de l’économie d’énergie et (ii) l’accroissement de l’énergie propre dans le mix énergétique à travers des mesures d’incitation du secteur privé à investir et la poursuite des investissements publics.

En ce qui concerne la gestion des déchets, il est indispensable de mettre en place des infrastructures de collecte et de traitement aux normes et éradiquer les dépôts sauvages. Le recyclage et la valorisation des déchets solides et liquides, selon les principes de l’économie circulaire, constituent un levier important qui permet à la fois de lutter contre l’insalubrité, réduire les émissions de GES et améliorer les conditions de vie des populations travers la création d’emplois.