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Extraits
En vue de l’exploitation prochaine du gaz et du pétrole, le gouvernement va construire à Saint-Louis, dans le village de Bango, un centre de formation professionnelle aux métiers du pétrole et du gaz. Comment voyez-vous cette initiative?
Nous ne pouvons que saluer cette initiative dans la mesure où les populations de Saint-Louis seront les premières à être impactées par l’exploitation du pétrole et du gaz. Mais il faut savoir que les premières personnes impactées par cette découverte sont les communautés des pêcheurs. Pour les pêcheurs, au lieu de parler d’un centre de formation aux métiers du gaz et du pétrole, nous aurions aimé qu’on parle de reconversion. Certes, il y aura des pêcheurs qui pourront être formés. Mais pour quelqu’un qui est du niveau zéro, si vous le mettez dans un centre de formation, c’est un problème.
Le problème que nous avons, c’est avec ces bateaux « sénégalisés »
Avec l’exploitation du gaz et du pétrole, on va vers une réduction drastique des zones de pêche au moment où, à Saint-Louis, les surfaces de pêche sont un problème crucial. Les espèces se raréfient de jour en jour. Les pêcheurs vont avoir plus de problèmes. D’accord pour le centre de formation mais s’il y a possibilité d’orienter ces pêcheurs vers l’aquaculture, ce sera une chose excellente.
Deuxièmement, il faut dire qu’au moment où nous parlons, le problème principal de la pêche à Saint-Louis, c’est un problème d’infrastructures. À Saint-Louis, nous n’avons pas de problème de pirogues ni de moteurs. Par contre, nous avons des problèmes d’infrastructures pour la conservation, la transformation, la congélation des poissons. Aujourd’hui, au lieu de faire des aides individuelles, l’État doit s’orienter vers des aides communautaires. Au moment où nous parlons, vous ne verrez pas un Guet-Ndarien dire qu’il est sorti du tunnel grâce à la DER (Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide).
Pour les pêcheurs, au lieu de parler d’un centre de formation aux métiers du gaz et du pétrole, nous aurions aimé qu’on parle de reconversion
Il nous faut des infrastructures. Figurez-vous que le lundi, vous pouvez avoir la caisse de sardinelles à 20.000 FCFA, le mardi à 10.000 FCFA, le mercredi à 3000 FCFA, le jeudi on jette ce qui reste. Les mareyeurs prennent ce qu’ils ont à prendre pour la consommation nationale, et les femmes ne peuvent pas transformer le reste parce qu’elles en ont pas les moyens. Si nous avions des usines où nous pouvons transformer le produit et le congeler, ce serait extraordinaire. Nous disons oui au centre de formation aux métiers du pétrole et du gaz mais pour ce qui est des communautés des pêcheurs qui sont les communautés les plus touchées, il y aura un problème de reconversion.
Votre commune va abriter les travaux d’exploitation du gaz. Quel sera l’impact réel au niveau de la région?
Les impacts vont dépasser la région pour atteindre le niveau national car les ressources nationales appartiennent à tout le monde. Une fois l’exploitation démarrée, nous nous attendons à un mieux vivre des Sénégalais. Pour ce qui est de la région, nous savons que le pétrole et le gaz viendront avec leur lot de bienfaits en termes d’emplois et en termes d’un meilleur cadre de vie. Mais j’avertis que tout doit se faire dans un climat sain. Il faut pacifier les rapports entre pêcheurs et exploitants parce que ce sont deux communautés qui vont cohabiter en mer. Si nous parvenons à tout pacifier, je ne parle pas seulement de la région de Saint-Louis mais tout le pays verra son cadre de vie amélioré.
Comment les communautés de pêcheurs pourront-ils s’adapter avec le début des travaux de l’exploitation du gaz ?
Tout dépend de l’approche que les autorités auront vis à vis de ces communautés de pêcheurs. A Saint-Louis, les zones de pêche ne suffisent plus aux pêcheurs. Maintenant, s’y ajoutent les zones qui seront uniquement réservées à l’exploitation du gaz et du pétrole dans les zones de pêche. Donc, nous allons vers une réduction drastique des zones de pêche. Les pêcheurs en seront les victimes. L’État doit tout faire afin que ce que le pêcheur perd à gauche, qu’il puisse le récupérer à droite par des indemnisations mais il faut surtout les accompagner par la reconversion de leurs métiers.
Aujourd’hui, il est dit que d’ici 20 ans, 75% des productions halieutiques se feront par l’aquaculture. On doit pouvoir mieux orienter ces pêcheurs vers l’aquaculture. Par ailleurs, avec l’érosion côtière, il est très difficile de vivre au niveau de la langue de Barbarie. Les multinationales en gaz et pétrole doivent y mettre les moyens pour permettre un meilleur cadre de vie de ces pêcheurs. Avant de démarrer l’exploitation, il faut d’abord penser à régler le problème des pêcheurs dans la mesure où ils vont cohabiter avec ceux qui vont faire l’exploitation. Si cette cohabitation ne se fait pas dans la paix, il sera très difficile d’exploiter les le pétrole et le gaz en mer.
A côté de cette exploitation prochaine du gaz à Saint-Louis, il y a la question des accords de pêche dont la délivrance pose souvent un problème au niveau de la région. Les communautés de pêcheurs dénoncent souvent des accords de pêche que l’État a signés avec certaines flottes internationales. Ces mêmes pêcheurs sont souvent impliqués dans des litiges liés aux licences de pêche. Comment le conseil municipal que vous représentez perçoit cette situation?
Pour ce problème, la cacophonie est allée à un tel point qu’il est très difficile de voir où se trouve la vérité. Des fois, tu entends des gens parler de bateaux chinois mais, au moment où nous parlons, l’État sénégalais n’a pas d’accord de pêche avec la Chine. Donc ces bateaux ne devraient pas pouvoir pêcher à Saint-Louis. Il y a des bateaux chinois qui viennent pêcher au Sénégal mais ces bateaux-là sont des bateaux qui ont des accords avec des Sénégalais. Ce sont des sociétés mixtes créées avec des Sénégalais et ces bateaux-là battent pavillon sénégalais.
Il est dit que d’ici 20 ans, 75% des productions halieutiques se feront par l’aquaculture. On doit pouvoir mieux orienter ces pêcheurs vers l’aquaculture
Pour ce qui est des bateaux de l’Union européenne, il faut dire que les accords avec l’Union européenne ne sont pas des accords exclusifs au Sénégal. Ce sont les mêmes accords qu’on trouve en Mauritanie, en Gambie, en Sierra-Leone et partout en Afrique. Avec l’Union européenne, ce sont des contrats sous régionaux. Donc, il est difficile que le Sénégal soit traité en exception.
Deuxièmement, la flotte européenne qui pêche au Sénégal est de 21 bateaux au moment où les autres bateaux de pêche sont au nombre de 121. Parmi tous ces bateaux, on ne compte pratiquement pas de bateaux sénégalais. Beaucoup de bateaux qui sont achetés par des Sénégalais sont des prête-noms. L’ensemble de ces 121 bateaux sénégalais sont gérés par des Sénégalais. Et ce sont eux qui créent des problèmes. Le problème que nous avons, c’est avec ces bateaux « sénégalisés ». Au lieu de nous focaliser sur les bateaux de pêche européens, on doit avoir la possibilité de parler de l’ensemble de cette autre flotte-là qui est en train de surpêcher au Sénégal.
Crédit photo: Le Quotidien
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