Auteurs : Gabrielle Laborde-Balen, Bernard Taverne, Khoudia Sow
Site de publication : The Conversation
Type de publication : Article
Date de publication : Février 2023
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En Afrique, grâce à l’efficacité des traitements antirétroviraux (ARV) qui ont été généralisés à partir des années 2000, de plus en plus de personnes vieillissent avec le VIH. On estime que le nombre de personnes vivant avec le VIH âgées de plus 50 ans devrait tripler d’ici 10 ans, et atteindre 6 à 10 millions en Afrique sub-saharienne. Elles subissent les effets physiologiques universels du vieillissement, cumulés avec ceux des traitements médicamenteux et de l’infection virale sur le long terme. Vieillir avec le VIH en Afrique devient une expérience – somatique et sociale, individuelle et collective – de plus en plus fréquente.
Le Sénégal fut le premier pays d’Afrique francophone à avoir rendu disponibles les antirétroviraux (ARV), dès 1998. En 2022, les personnes âgées de plus de 50 ans vivant avec le VIH (PAVVIH) représentent plus du tiers des 31 637 personnes traitées. Certaines le sont depuis plus de 20 ans.
Vivre avec le VIH dans la longue durée
Dans les années 2000, la prise des traitements contre le VIH était très contraignante. Le nombre des comprimés était élevé – jusqu’à 20 comprimés par jour – et certains traitements avaient des effets secondaires éprouvants. Vingt ans après, ces traitements, rendus gratuits, ont été simplifiés et se résument souvent à la prise quotidienne d’un seul comprimé. Généralement dépistées alors qu’elles étaient dans un état grave, ces personnes ont retrouvé santé et vie « normale » ; certaines se qualifient de « survivantes ». Elles font preuve d’une très bonne adhésion aux soins et au traitement ARV.
Le Sénégal fut le premier pays d’Afrique francophone à avoir rendu disponibles les antirétroviraux (ARV), dès 1998. En 2022, les personnes âgées de plus de 50 ans vivant avec le VIH (PAVVIH) représentent plus du tiers des 31 637 personnes traitées. Certaines le sont depuis plus de 20 ans
Mais avec l’âge, elles sont confrontées à diverses pathologies liées au vieillissement qui surviennent plus précocement que chez les personnes non infectées par le VIH. Les plus fréquentes sont l’hypertension artérielle, le diabète et leurs complications (maladies cardiaques, oculaires, AVC, etc.) Ces maladies complexifient leur suivi médical et les contraignent à fréquenter diverses structures de santé, en plus de leur visite semestrielle pour le VIH.
Secret, silence, partage
D’une manière générale, les personnes considèrent que « le VIH est une maladie qu’il ne faut pas divulguer », car « cette maladie n’est pas jolie ». La crainte d’un jugement moral sur les circonstances de la contamination demeure le principal motif du maintien du secret. En 2022, le VIH demeure une maladie stigmatisante.
Les femmes âgées vivant avec le VIH sont souvent veuves parce que leur conjoint est décédé du VIH et en raison de la différence d’âge liée au contexte de polygamie. Elles subissent une pression au remariage de la part de la famille et de la société, mais peu d’entre elles acceptent de se remarier, de crainte que leur nouveau conjoint divulgue leur maladie.
Ces réticences sont majorées chez les personnes dépistées à un âge avancé, en raison du tabou portant sur la sexualité des personnes âgées.
Mais la survenue d’incapacités fonctionnelles (cécité, difficultés à se déplacer, etc.) nécessitant une aide pour les activités quotidiennes (prise des médicaments ou trajets pour les consultations) oblige à revoir ces choix. Au mieux, l’annonce à l’un des enfants clarifie un non-dit ou suscite une sollicitude ; mais parfois, cela ravive des conflits anciens et des accusations de dissimulation.
D’une manière générale, les personnes considèrent que « le VIH est une maladie qu’il ne faut pas divulguer », car « cette maladie n’est pas jolie ». La crainte d’un jugement moral sur les circonstances de la contamination demeure le principal motif du maintien du secret. En 2022, le VIH demeure une maladie stigmatisante
Déclassement économique et précarité
Avec l’avancée en âge, l’arrêt de toutes activités professionnelles se traduit pour la majorité des personnes âgées par une diminution majeure de leurs ressources économiques. Au Sénégal, seules 24 % des personnes de plus de 60 ans ont une pension de retraite, au montant souvent modeste, le minimum étant de 53 € par mois.
Les personnes qui avaient une activité professionnelle dans le secteur informel, et qui n’ont plus de revenu, constatent avec inquiétude l’érosion de leur capital économique.
Les PAVVIH tentent de travailler tant que leur condition physique le leur permet, afin de repousser le moment où elles n’auront plus d’autonomie économique. Cette perte d’autonomie se traduit pour toutes par un déclassement économique et par l’exacerbation de situations de précarité et de dépendance qui ont un impact direct sur leur santé physique et psychologique.
Dans le même temps, leurs dépenses de santé augmentent. En effet, au Sénégal, si les médicaments ARV et certains examens biologiques sont gratuits depuis 2003, une partie des coûts des soins liés au VIH et ceux des autres maladies sont supportés par les patients. Or la moitié des PAVVIH présentent au moins une comorbidité qui nécessite un traitement régulier.
Mais la survenue d’incapacités fonctionnelles (cécité, difficultés à se déplacer, etc.) nécessitant une aide pour les activités quotidiennes (prise des médicaments ou trajets pour les consultations) oblige à revoir ces choix. Au mieux, l’annonce à l’un des enfants clarifie un non-dit ou suscite une sollicitude ; mais parfois, cela ravive des conflits anciens et des accusations de dissimulation
Dépendance
Le manque de ressources place les personnes âgées, et notamment les PAVVIH, en situation de dépendance économique à l’égard de leurs proches. Les aides dont elles peuvent bénéficier sont fonction de la nature et de la qualité des liens, une forme d’héritage des relations familiales sur l’ensemble de leur vie.
Au Sénégal, la cohabitation intergénérationnelle est fréquente, la taille moyenne des ménages étant de dix personnes. Cette situation peut favoriser une entraide au bénéfice des personnes âgées. Mais les difficultés d’accès à l’emploi conduisent souvent à ce que ce soient les personnes âgées disposant d’une pension de retraite qui entretiennent la maisonnée. Il leur faut alors choisir entre les dépenses familiales et celles concernant leurs dépenses médicales, souvent au détriment de leur santé.
Une entrée « digne » dans les rôles sociaux du grand âge avec le VIH
Dans le contexte actuel de dépendance économique de la plupart des PAVVIH, ces rôles sociaux sont rendus possibles lorsque leurs enfants sont socialement insérés, à travers un emploi et des revenus stables. Ils peuvent alors se répartir la prise en charge financière de leurs parents ; en retour, ceux-ci peuvent s’investir dans leur rôle au sein de la famille ou de la communauté.
Les PAVVIH tentent de travailler tant que leur condition physique le leur permet, afin de repousser le moment où elles n’auront plus d’autonomie économique. Cette perte d’autonomie se traduit pour toutes par un déclassement économique et par l’exacerbation de situations de précarité et de dépendance qui ont un impact direct sur leur santé physique et psychologique
À défaut du soutien familial, il est de la responsabilité collective d’assurer une vie digne aux PAVVIH. Des associations de personnes vivant avec le VIH commencent à se mobiliser en faveur de leurs ainés. Plus largement, des collectifs comme le Conseil national des Ainés du Sénégal militent pour un meilleur fonctionnement du Plan Sésame et la création d’un minimum vieillesse pour les personnes démunies.
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