Approche d’une gouvernance foncière inclusive, Initiative prospective agricole et rurale (IPAR), Avril 2021

Auteurs : Ndeye Ngone FALL DIOP, Mamadou FALL et Cherif Sambou Bodian

Organisation affiliée : Initiative prospective agricole et rurale

Type de publication : Rapport

Date de publication : Avril 2021

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* Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


 

Présentation

S’appuyant sur les résultats de la recherche du projet Genre et Foncier financé par le Centre de recherche pour le développement international –CRDI sous l’impulsion de l’IPAR, la phase 2 du projet d’opérationnalisation des Directives Volontaires (DV) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – FAO a choisi la zone des Niayes et cible particulièrement les femmes et les jeunes. La zone d’intervention du projet est située dans la zone des Niayes, dans le département de Tivaouane et la région de Thiès, dans les quatre communes qui constituent l’arrondissement de Méouane. Une localité du Sénégal située à l’ouest du pays, à 140 km de Dakar via la route nationale numéro 1. C’est le chef-lieu de l’arrondissement de Méouane.

La particularité écologique de l’Arrondissement de Méouane (zone des Niayes), réside dans son important potentiel dans les productions horticoles, l’élevage et la pêche, d’où son rôle significatif dans l’atteinte de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Sa durabilité reste liée à la préservation de sa vocation agricole. Cette dotation factorielle est actuellement menacée par les spéculations foncières en lien avec l’exploitation minière, l’urbanisation et les activités touristiques. Ce sentiment d’insécurité au sein des exploitations agricoles familiales de la zone qui tirent leurs revenus des activités agricoles, d’élevage et de pêche justifie cette intervention du projet ainsi que le choix de l’Institut sénégalais de recherches agricoles – ISRA de réfléchir sur un modèle intégré de gouvernance foncière.

Sensibilisation et renforcement de capacité sur la gestion foncière

Le projet a fortement misé sur deux grands leviers stratégiques pour faciliter l’atteinte des objectifs et l’appropriation de l’approche développée : la sensibilisation et le renforcement des capacités des acteurs. Les actions de sensibilisation et de capacitation ont mis en avant les principes des DV que sont la consultation et la participation et ont facilité l’accès des femmes et des jeunes au foncier dans toutes les communes. Ces activités ont été menées de façon transversale au sein du projet et au niveau de tous les axes d’interventions. Ces éléments ci-dessous font la synthèse du nombre de personnes et les catégories d’acteurs touchées à l’échelle de l’arrondissement.

Ce sentiment d’insécurité au sein des exploitations agricoles familiales de la zone qui tirent leurs revenus des activités agricoles, d’élevage et de pêche justifie cette intervention du projet ainsi que le choix de l’Institut sénégalais de recherches agricoles – ISRA de réfléchir sur un modèle intégré de gouvernance foncière

Succès : Un large consensus impliquant divers représentants, acteurs et institutions publiques sur l’orientation, le contenu et l’opérationnalisation du projet. En effet, les activités de formation et de sensibilisation ont permis une prise de conscience des groupes vulnérables sur la nécessité et l’importance de la sécurisation foncière. Ce qui a été favorable à une bonne appropriation du projet par ces instances, une meilleure connaissance et information sur la législation foncière des populations, et sur les enjeux de la gestion durable du foncier. Ceci a permis d’enrichir les réflexions entre différents acteurs appelés à jouer des rôles différents avec des intérêts divergents par rapport à la problématique des enjeux du foncier. Dans l’animation, la formation, et l’accompagnement l’expertise locale a été valorisée.

Une meilleure connaissance des textes a permis de limiter et de mieux gérer les conflits sociaux en lien avec le foncier, de vulgariser des textes sur la législation foncière dans le cadre de ce projet, et de favoriser des actions de sécurisation foncière surtout chez les femmes.

Processus d’obtention de titres d’affectation

Une démarche participative et itérative avec les différents acteurs (conseillers municipaux, chefs de villages, sous-préfet, animateurs fonciers, chefs coutumiers et religieux, leaders d’organisations paysannes), a permis d’appréhender les limites de l’accès au foncier pour les femmes et les jeunes, non seulement en termes juridiques, mais aussi sociaux et culturels. Le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux – CNCR porteur de cette initiative a instruit des espaces de dialogue au niveau communautaire et au niveau des organes d’aide à la décision, afin de s’informer et de susciter des débats et réflexions autours de la problématique.

Les activités de formation et de sensibilisation ont permis une prise de conscience des groupes vulnérables sur la nécessité et l’importance de la sécurisation foncière. Ce qui a été favorable à une bonne appropriation du projet par ces instances, une meilleure connaissance et information sur la législation foncière des populations, et sur les enjeux de la gestion durable du foncier

Dans l’optique d’une approche persuasive, des activités d’information et de sensibilisation avec les autorités religieuses, coutumières et administratives, les services étatiques et les élus locaux, ont été des préalables. Des séances de travail ont été organisées avec les membres des commissions domaniales, les conseillers municipaux en charge de commissions environnement et agriculture et des animateurs fonciers des communes. Ces derniers ont également bénéficié des sessions de capacitation sur le Cadre Légal du Foncier, le Code Minier, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) minière intervenant dans la zone, et sur les mécanismes participatifs de gouvernance foncière locale.

Les compétences locales ont été valorisés, et ce travail d’accompagnement en collaboration avec les acteurs locaux a suscité une volonté chez les populations, bien que timide dans ces débuts, de vouloir disposer d’un appui pour les actes pratiques de sécurisation de leurs terres agricoles. Une stratégie d’opérationnalisation de l’appui à l’obtention des titres d’affectation a été mise en place, avec un dispositif de 18 animateurs fonciers en raison de 4 par communes et de deux superviseurs issus de l’Agence nationale de conseil agricole et rural – ANCAR. La collaboration de ces binômes (agents ANCAR/animateur foncier local) par commune, avec une responsabilisation des membres des commissions domaniales a facilité une bonne mise en œuvre des activités de délibération et de régularisation au bénéfice des exploitations familiales.

Une charte intercommunale sur la gouvernance foncière

Un processus participatif d’élaboration de la charte intercommunautaire de gestion des ressources foncières a été conduit jusqu’à son terme avec une charte révisée et validée par tous les acteurs-clés du foncier au niveau des communes de l’arrondissement de Méouane. Cet engagement local de gestion collective des ressources foncières et un accès sécurisé à la terre pour tous, constitue un cadre de l’opérationnalisation et de la dissémination des DV.

Dans l’optique d’une approche persuasive, des activités d’information et de sensibilisation avec les autorités religieuses, coutumières et administratives, les services étatiques et les élus locaux, ont été des préalables

Ce cadre ambitionne d’améliorer la gouvernance foncière locale autour d’une plateforme multi acteurs regroupant toutes les quatre communes. La justification de charte est que, l’arrondissement de Méouane constitue une zone complexe en raison de l’intérêt des investisseurs et une convoitise des populations sur la spéculation foncière. Le benchmarking de la charte intercommunale sur la gouvernance foncière développé dans le Delta à Rosso, a permis à l’arrondissement de s’appuyer sur des résultats probants et d’opter pour la meilleure stratégie en vue d’améliorer la sécurisation et le cadre de gouvernance locale du foncier.

Le processus de lancement de la charte intercommunale été fait dans le respect des principes des DV que sont la participation, subsidiarité, et la transparence. Le processus a démarré avec un atelier de partage au niveau de l’arrondissement pour recueillir des avis sur la démarche Cet atelier a été précédé de sessions de renforcement des capacités techniques de huit animateurs fonciers endogènes en raison de deux animateurs par commune.

La mise en place d’un espace de concertation des élus des quatre communes (association des maires de l’arrondissement), constitue un élément phare de succès enregistré. La valeur ajoutée communautaire du projet a permis d’une part un renforcement des liens entre les communautés pour une meilleure gestion du foncier avec une implication des femmes. D’autre part, la responsabilisation et l’engagement des communautés dans le processus ont contribué à améliorer la qualité des contenus et constituent un ancrage social important pour la mise en œuvre des décisions et les interventions futures.

Conclusion et recommandation

Au terme de l’expérience, il apparait que la mise en place de dispositifs locaux telles que la commission domaniale élargie qui doit faciliter l’implication des femmes à la gestion foncière et la charte locale de gouvernance foncière, un cadre de concertation des maires des quatre arrondissements, permettent de croire en la durabilité des acquis. Ces mécanismes locaux devront soutenir l’optimiste qu’ont les populations quant à la pérennisation, mais souhaitent que aussi que l’accompagnement technique et financier ainsi que la formation soient élargis à d’autres zones de la commune.

La mise en place d’un espace de concertation des élus des quatre communes (association des maires de l’arrondissement), constitue un élément phare de succès enregistré. La valeur ajoutée communautaire du projet a permis d’une part un renforcement des liens entre les communautés pour une meilleure gestion du foncier avec une implication des femmes

Les bienfaits de l’agriculture l’agroécologie introduite par le projet sont très appréciés, en raison de la qualité de la production, mais la population estime de manière globale, que la sensibilisation devrait plus prendre en compte les effets sur la santé et les qualités nutritionnelles, ces aspects ne sont pas trop vulgarisés par le projet. Des acteurs s’inscrivent cette durabilité, c’est le cas de plusieurs animateurs fonciers, qui se projettent déjà dans le futur et envisagent de poursuivent des actions de sensibilisation et de formation après la fin du projet, et d’élargir leur activité a d’autres acteurs des autres zones de la commune.

Cependant une absence d’une bonne coordination et d’une planification globale des activités sur le terrain des interventions est observée et même soulignée par les bénéficiaires. Les initiatives mise en œuvre du projet ont eu un succès avéré, cependant, elles restent insuffisantes en termes de couverture géographique. Il s’agit d’un modèle pilote qui mérite une poursuite et une extension, avec un changement d’échelle pour élargir l’expérience à d’autres zones géographiques.