Trajectoire d’une co-gestion des aires protégées au Sénégal : un partenariat public-privé sous contingences, HAL open science, 2021

Auteur : Julie Riegel

Organisation affiliée : HAL open science

Type de publication : Article

Date de publication : 2021

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* Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


 

La co-gestion de l’Union mondiale pour la conservation de la nature – UICN et de la Direction des parcs nationaux- DPN au Djoudj : une conservation participative inédite

Le Bureau UICN Sénégal se positionne comme une organisation impartiale, apte à concilier objectifs de conservation et prise en compte des populations, dans la lignée de la Conférence de Rio. Le plan de gestion qu’il rédige pour le Djoudj préconise la remise en cause du fonctionnement des agents des Parcs. Le Bureau réalise un diagnostic des enjeux écologiques et sociaux en impliquant les institutions universitaires sénégalaises. Des réunions de concertation sont tenues dans les sept villages ceinturant l’aire protégée pour définir les objectifs de gestion avec les populations. Le plan de gestion adopte une perspective géographiquement plus large que le parc en lui-même, avec une approche d’écosystème tenant compte des aménagements hydro-agricoles du delta du Sénégal et de ses impacts sur les pratiques agricoles et pastorales. Les difficultés sanitaires et d’accès à l’eau sont prises en compte.

Des réalisations visibles comme la construction de la station ornithologique, le campement touristique villageois, la boutique artisanale sont souvent portés à l’actif de l’UICN dans la mémoire collective, même si d’autres structures d’exécution y ont contribué, notamment les agences de coopération américaine et allemande

La structuration d’instances formelles de concertation constitue également une approche inédite. Le comité de gestion du parc, présidé par le conservateur de la DPN, comprend des représentants des villageois, des directions des Parcs et des Eaux et Forêts, du syndicat des hôteliers de Saint-Louis et de l’UICN, qui en assure le secrétariat. Le comité inter-villageois doit assurer le relais avec des groupes sectoriels composés d’habitants, dédiés à l’écotourisme, l’hydrologie, le reboisement, l’assainissement, la santé… Le comité d’orientation est enfin l’organe décisionnaire, présidé par le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature et chargé de valider les propositions d’investissements et d’activités à entreprendre dans le parc et dans sa périphérie, sur la base des recommandations du comité scientifique.

Le partenariat de l’UICN et de la DPN au Djoudj perdure dix ans et implique l’intervention permanente de salariés de l’ONG sur le site. Des réalisations visibles comme la construction de la station ornithologique, le campement touristique villageois, la boutique artisanale sont souvent portés à l’actif de l’UICN dans la mémoire collective, même si d’autres structures d’exécution y ont contribué, notamment les agences de coopération américaine et allemande. Le Djoudj se présente ainsi comme un site fondateur : il représente un modèle, un référentiel pour l’UICN quant à sa capacité à porter les concepts de gestion participative. Les salariés actuels du Bureau UICN à Dakar valorisent l’action historique au Djoudj.

L’ambition du Saloum

Fort de cette expérience, le Bureau UICN Sénégal propose à l’ambassade des Pays-Bas et à la DPN d’étendre son appui au delta du Saloum, labellisé Réserve de biosphère de l’Unesco depuis 1980. Dans les discours institutionnels émanant du Bureau et des autres niveaux du Secrétariat de l’UICN, le plan de gestion de la Réserve de biosphère du delta du Saloum (RBDS) s’inscrit dans une démarche logique d’extension au regard des résultats acquis au Djoudj. Si d’après l’un des responsables du Bureau, les « problèmes sont similaires » à ceux de l’aire protégée du Djoudj, l’emprise spatiale, les enjeux écologiques, la densité humaine et les dynamiques socio-économiques sont pourtant très différentes au Saloum. Le Bureau UICN Sénégal se pose comme l’institution pivot, la structure de référence pour la gestion de la RBDS, aire protégée jusqu’alors quelque peu virtuelle. Avant l’arrivée de l’UICN, il n’existe pas de cartographie de ses limites, pas de plan de gestion, pas de moyens dévolus à la DPN pour agir à l’échelle de cette vaste aire protégée de 180 000 ha, dont le Parc national, son noyau, ne représente que 76 000ha.