Auteur : Gilles Lhuilier
Organisations affiliées : AGIS, OSIWA
Site de publication : academia.edu
Type de publication : Article
Date de publication : 2018
* Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
La gouvernance des contrats pétroliers et gaziers sénégalais
Les contrats sénégalais se caractérisent quant à l’identification des parties par une surreprésentation d’entreprises extractives peu connues dans le secteur extractif et/ou incorporées dans des paradis fiscaux. La moitié des sociétés extractives sont incorporées dans des paradis fiscaux. Certaines de ses sociétés extractives n’ont pas d’adresses, ou n’apparaissent pas dans des recherches d’information par les pratiques les plus communes du commerce international.
Il serait utile d’accélérer l’application de la norme ITIE (Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives) sur la propriété réelle ; d’imposer lors de la négociation du contrat la preuve de la compétence de l’entreprise pétrolière ; de mettre en place des mécanismes visant à prévenir les conflits d’intérêts entre l’autorité chargée d’approuver le contrat extractif et les propriétaires de ces contrats.
Les contrats sénégalais se caractérisent par un mécanisme de prise de décision qui relève presque uniquement de l’entreprise extractive. Aucune clause ne prévoit le mode de prise de décision, ni certaines matières particulièrement importantes telles la sous-traitance ou l’association des populations locales à la gestion.
La sous-traitance doit entrer dans le périmètre de la transparence, notamment la vente de pétrole et de gaz, qui doit être réalisée par des sous-traitants sur lesquels des informations précises sont données quant à leurs véritables propriétaires et les contrats passés avec les entreprises extractives.
Les contrats sénégalais prévoient un agrément de l’État pour une cession de part.
L’Article 29 prévoit que les droits et les obligations du contrat peuvent être cédés en partie ou en totalité par n’importe lequel des contractants avec approbation préalable du ministre. La demande d’approbation du projet de cession faite au ministre, 60 jours après cette notification, est réputée approuvée si le ministre ne répond pas.
La procédure d’autorisation de cession doit être précisée en introduisant des dispositions sur les conflits d’intérêts dans l’autorisation de cession par l’État, qui ne seront effectives que couplées avec la transparence sur la propriété réelle des entreprises extractives.
Les contrats sénégalais se caractérisent par un mécanisme de prise de décision qui relève presque uniquement de l’entreprise extractive. Aucune clause ne prévoit le mode de prise de décision, ni certaines matières particulièrement importantes telles la sous-traitance ou l’association des populations locales à la gestion
Les principales obligations des contrats pétroliers et gaziers sénégalais
Les contrats sénégalais renvoient aux usages de l’industrie pétrolière internationale. Les contrats sont identiques pour la période d’exploitation, et varient légèrement pour la période d’exploration.
Pour tous les contrats, le contractant devra effectuer tous les travaux nécessaires à la réalisation des opérations pétrolières selon les règles de l’art en usage dans l’industrie pétrolière internationale. L’obligation d’assurance pour le contractant et ses sous-traitants est posée.
La publication des études de faisabilité et donc des obligations industrielles que l’entreprise extractive estime nécessaire est essentielle pour apprécier la rentabilité d’un contrat extractif et la part respective des profits réellement affectés à l’entreprise extractive et à l’État, et donc évaluer l’équilibre économiques du contrat.
Les clauses des contrats sénégalais sont en retard sur les pratiques internationales en matière de local content. Un principe général un peu vague est posé selon lequel le contractant doit assurer l’emploi en priorité à qualification égale- aux citoyens de la République du Sénégal et contribuer à la formation du personnel.
L’amélioration des conditions de vie des populations donne lieu à un versement de 250 000$/an pour la période d’exploration et 300 000$/an à compter de l’octroi d’un périmètre d’exploitation pour les contrats. Mais aucune précision n’est donnée sur l’utilisation de ces sommes, ou le contrôle et la réalité de leur versement.
Les clauses des contrats sénégalais sont en retard sur les pratiques internationales en matière environnementale. Le contractant devra prendre les mesures nécessaires pour éviter que les hydrocarbures, la boue et produits utilisés dans ces opérations ne soient gaspillés et qu’ils ne polluent pas les nappes aquifères. Le contractant doit assurer la protection de l’environnement, prévenir les accidents et les limites, prévenir, réduire et maitriser la pollution de l’environnement et s’il y a lieu, restaurer les sites et entreprendre les travaux d’abandon à l’achèvement de chacune des opérations pétrolières.
La publication des études de faisabilité et donc des obligations industrielles que l’entreprise extractive estime nécessaire est essentielle pour apprécier la rentabilité d’un contrat extractif et la part respective des profits réellement affectés à l’entreprise extractive et à l’État, et donc évaluer l’équilibre économiques du contrat
Il est aussi nécessaire de soumettre les activités offshores à des règles spécifiques visant à garantir une protection efficace de l’environnement et l’indemnisation des victimes. Les populations locales doivent être associées aux mesures environnementales.
L’équilibre économique des contrats pétroliers et gaziers sénégalais
Les contrats sénégalais définissent les coûts pétroliers avec peu de précision.
Une réforme du partage du pétrole s’impose : des exigences d’une transparence élargie sont essentielles telle la publication des études de faisabilité, et donc des éléments du calcul de rentabilité de l’entreprise extractive. Plus généralement, c’est l’ensemble des dispositions sur la définition des coûts pétroliers qui doit être précisé. Ensuite, une meilleure articulation entre les sources du droit « fiscal » extractif au sens large doit être opérée.
Les contrats sénégalais prévoient tous le même taux de 10% pour la société nationale. Le taux de partage des bénéfices doit être évalué en tenant compte des apports des parties.
Les contrats sénégalais bénéficient d’une fiscalité pétrolière particulièrement favorable aux entreprises extractives.
Il est aussi nécessaire de soumettre les activités offshores à des règles spécifiques visant à garantir une protection efficace de l’environnement et l’indemnisation des victimes. Les populations locales doivent être associées aux mesures environnementales
Certaines clauses sont clairement manquantes, comme par exemple des clauses relatives à l’imposition des bénéfices nés des cessions de parts. L’attribution de contrats à des sociétés offshores et n’ayant pas d’établissement stable au Sénégal devrait aussi être encadrée, afin de pouvoir vérifier les conditions de compétence, de respect du cadre légal, et le paiement des impôts au Sénégal.
L’espace normatif des contrats pétroliers et gaziers sénégalais
Les clauses des contrats sénégalais renvoient à la loi sénégalaise de l’époque de la signature, et aux usages pétroliers. Dans la conduite des opérations pétrolières, le contractant devra respecter les lois et règlements de la République du Sénégal (art 4.).
Les clauses des contrats sénégalais prévoient un arbitrage international d’investissement. En cas de litige concernant l’interprétation ou l’exécution du contrat ou de l’une quelconque de ses dispositions, les parties s’efforceront de le résoudre à l’amiable. Si les parties ne parviennent pas à régler le litige à l’amiable dans un délai de trois mois, le litige sera soumis au Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements.
Les contrats sénégalais bénéficient d’une fiscalité pétrolière particulièrement favorable aux entreprises extractives
Les causes placent les contrats sénégalais dans l’ordre juridique international d’investissement sans contrôle par l’ordre public sénégalais.
Le contrat désigne Paris comme lieu de l’arbitrage, et précise que les sentences ne feront pas l’objet de recours. L’arbitrage étant un arbitrage d’investissement, les Etats ne pourront opérer aucun contrôle de conformité de la sentence à l’ordre public, et la loi nationale pourtant choisie, sera très probablement écartée par les arbitres au profit du droit « coutumier » international.