Au pinacle du pouvoir d’État: Diomaye Faye, entre triomphe et tranchées multiples au Sénégal

Conaïde Akouedenoudje

Contre vents et marées, les Sénégalaises et les Sénégalais ont choisi leur cinquième président.  Contre les trafiquants du pouvoir politique, les déstabilisateurs de la démocratie, les fossoyeurs de la légitimité politique et les profanateurs de la confiance publique, le Sénégal s’est levé comme un seul homme pour forcer l’alternance, et désigner librement son président de la République.

Ce mardi 02 avril 2024, le nouveau Président a scellé son alliance avec le peuple sénégalais, en prêtant serment devant le Conseil constitutionnel. Son élection au plus haut sommet de l’État dessine une véritable épopée politique, l’histoire d’un jeune homme dont la fulgurante montée se heurte aux inévitables tranchées de la réalité de la gestion du pouvoir d’État.

C’est probablement le début d’une nouvelle ère pour le Sénégal. Il s’agit à la fois de l’incarnation d’un triomphe renouvelé de la démocratie sénégalaise, mais également du signe d’une victoire de la jeunesse qui tient à sa liberté. Entre le contexte particulier de l’élection de l’inspecteur des impôts et domaines Diomaye Faye, les espoirs du peuple sénégalais et le projet du nouveau, il y a des incertitudes, des peurs et probablement des pièges qu’il faut déceler dès maintenant.

De l’ombre à la lumière, Diomaye Faye élu dès le premier tour 

On l’appelle « Diomaye », nom qui veut dire « honorable » en langue « Sérère ». Bassirou Diomaye Faye était membre et secrétaire général du Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), parti politique dirigé par Ousmane Sonko, et dissout par le gouvernement du Président Macky Sall.

C’est probablement le début d’une nouvelle ère pour le Sénégal. Il s’agit à la fois de l’incarnation d’un triomphe renouvelé de la démocratie sénégalaise, mais également du signe d’une victoire de la jeunesse qui tient à sa liberté

Avec Ousmane Sonko , le candidat Bassirou Diomaye  Faye est sorti de prison 10 jours avant le scrutin. Il remporte dès le premier tour l’élection, en date du 24 mars 2024 avec 54, 28% des voix. Il s’agit clairement d’une ascension spectaculaire pour celui qui était présenté comme le « plan B » de Sonko. Alors qu’il venait de passer 11 mois derrière les barreaux, il a fallu l’invalidation de la candidature du chef du PASTEF pour qu’il devienne l’option du parti. Ousmane Sonko lui avait demandé de déposer aussi sa candidature. Mardi 02 avril 2024, ce fut le jour de la prestation de serment et de la prise de fonction du nouvel élu.

Après l’élection, place à la gouvernance

C’est dans un contexte de vive espérance, de volonté de changement et de désir de liberté que le peuple sénégalais a rejeté le projet de continuité de l’ancien Premier ministre Amadou Ba candidat du Président Macky Sall. Les Sénégalais ont porté leur choix sur le projet du PASTEF. Que ce soit durant ces trois dernières années avec la confrontation entre Sonko et Macky Sall, ou pendant la campagne électorale, ou encore à l’occasion de la prestation de serment du Président élu, le message est clair. Le nouveau chef de l’État Faye projette une rupture systémique.

Il remporte dès le premier tour l’élection, en date du 24 mars 2024 avec 54, 28% des voix. Il s’agit clairement d’une ascension spectaculaire pour celui qui était présenté comme le « plan B » de Sonko

Le projet de société du cinquième président a pour socle un renouveau institutionnel et un engagement au service de l’Afrique, une économie endogène et une souveraineté alimentaire, et ceci, avec l’essor du capital humain revigoré et une meilleure qualité de vie des citoyens avec une sécurité accrue facilitant un rayonnement international.

Avec un programme de rupture, éloquent et particulièrement ambitieux, le projet du président Diomaye Faye suscite beaucoup d’espoir mais aussi beaucoup de questionnements, de doute, voire d’incertitude au regard de plusieurs paramètres. Une chose est sûre : le peuple est fier de l’élection de son nouveau président . L’espérance est grande. Et le peuple attend Diomaye Faye au « carrefour ».

Il n’y a pas loin du capitole à la roche tarpéienne 

Aujourd’hui, Diomaye Faye est porté au plus haut sommet de l’État. Son élection, sans risque de se tromper, allume les esprits, nourrit les espoirs et suscite beaucoup de passion. Le Chef de l’État doit reconnaître la confiance placée en lui par le peuple sénégalais. Il doit fondamentalement être convaincu du besoin de liberté, de souveraineté, de sécurité, d’emploi et de démocratie renforcée auquel aspire le peuple entier, mais surtout la jeunesse.

Cette jeunesse qui a versé son sang à travers les manifestations au nom de la démocratie et des libertés, et ceci malgré la violence policière, la répression de l’opposition et les nombreuses violations des droits humains générées par la situation politique préélectorale. Le Président Diomaye Faye ne doit pas l’oublier. Le nouveau chef d’État sénégalais ne doit pas oublier que son succès dépend fortement de la réalisation de ses promesses électorales. Autrement, le peuple sénégalais en prendra acte, et agira en conséquence au moment venu.

Car après le « sacre », si les actions du consacré ne répondent pas à ses promesses,  il perdra la confiance de son peuple. Alors, il sera sanctionné, et il subira la « colère » du peuple, car il deviendra comme les autres. Ces derniers ont perdu toute légitimité, toute confiance en raison de leurs actes d’hier et d’aujourd’hui, en raison du fossé qu’ils créent entre eux-mêmes et le peuple. Dans l’État, tout finit et recommence. Le temps de Macky Sall est fini. Voici le temps de Diomaye Faye qui commence.

Crédit photo : savoirnews.net

Conaïde Akouedenoudje

Juriste – chargé de recherche associé à WATHI, Conaïde Akouedenoudje est en fin de formation à la Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie où il finalise un Master, option « droit de la personne et de la démocratie » à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin. Jeune béninois, il s’intéresse aux droits humains et à la démocratie et place au cœur de ses réflexions, les grands enjeux du monde d’aujourd’hui, dont notamment, la centralité du constitutionnalisme et la sécurité.

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