Défis et Recommandations pour la Sécurité de l’Eau au Sénégal au Niveau National et dans le Triangle Dakar-Mbour-Thiès, Banque mondiale, Février 2022

Auteur : Banque mondiale

Site de publication : BM  

Type de publication : Rapport

Date de publication : Février 2022

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Le Sénégal a enregistré une croissance de plus de 6% depuis 2014, tirée principalement par trois facteurs : une agriculture impulsée par des programmes de soutien, une demande extérieure robuste et des investissements majeurs en infrastructures entrepris dans le cadre du plan national de développement socio-économique à l’horizon 2030 (Plan Sénégal Émergent – PSE). Le taux de pauvreté est de 19,3% dans la zone urbaine de Dakar, 45% dans les autres villes du pays et 83,9% dans les zones rurales.

Avant la crise du COVID-19, la baisse du nombre de pauvres amorcée en 2016 devait s’accélérer grâce au dynamisme du secteur agricole. Si la crise a bouleversé les projections de croissance, l’agriculture devrait continuer à̀ jouer un rôle essentiel dans la reprise du pays et dans la perspective à plus long terme de la réduction de la pauvreté au Sénégal.

On peut s’attendre à ce que cela crée à son tour une pression supplémentaire sur les ressources en eau. En effet, en raison de la croissance des secteurs gourmands en eau tels que l’agriculture irriguée, l’exploitation minière et le tourisme ainsi que l’absence de mesures de gestion de la demande, on observe une baisse progressive de la disponibilité en eau du pays depuis les années 1960, un phénomène exacerbé par l’urbanisation accélérée et le changement climatique. Selon les données de travail des experts mobilisés pour l’étude, la disponibilité en eau par habitant est inférieure au 1700 m3 / an / personne, seuil en dessous duquel le pays subit des chocs hydriques périodiques.

La sécurité de l’eau est le fondement du développement du Sénégal et sa réalisation requerra une approche compréhensive. Sur la base de la définition de la sécurité de l’eau fournie ci-dessus, la réalisation des objectifs de sécurité de l’eau devrait être basée sur une analyse solide des risques et une évaluation des compromis entre l’eau et d’autres politiques sectorielles et environnementales. En d’autres termes, la sécurité de l’eau signifie apprendre à vivre avec un niveau acceptable de risque lié à l’eau.

Dans cette perspective, chaque pays est confronté à des conditions spécifiques pour gérer la sécurité de l’eau. Celles-ci devraient prendre en compte les valeurs culturelles et sociales, garantir que les mesures mises en œuvre sont proportionnelles à̀ l’ampleur du risque et identifier les domaines hautement prioritaires à cibler compte tenu des niveaux de risque plus élevés qu’elles représentent.

Le triangle Dakar-Mbour-Thiès (DMT) est un pilier de l’économie sénégalaise et de son développement socio-économique. Le triangle DMT, communément appelé Grand Dakar, abrite actuellement 32% de la population du pays et près de 51% de sa population urbaine. Cette zone continuera à jouer un rôle économique majeur à long terme avec l’extension de la zone économique spéciale de Diamniadio, le nouvel aéroport et les activités touristiques le long de la Petite Côte, le tourisme étant le principal contributeur aux recettes en devises du Sénégal. Le taux de croissance élevé de la population du DMT devrait se poursuivre.

Les zones à haut risque pour la sécurité de l’eau potable en 2035 sont les suivantes

Les centres urbains de la région du Grand Dakar, où la croissance de la demande sera la plus forte et où les ressources disponibles localement sont déjà insuffisantes depuis de nombreuses années, devront continuer à explorer diverses options tout en veillant à ce que la priorité soit donnée aux éléments suivants :

(i) réduire l’exploitation des aquifères locaux à un niveau de prélèvement compatible avec leur gestion durable afin de ne pas perdre définitivement cette ressource à faible coût ; (ii) améliorer autant que possible l’efficacité de l’utilisation de l’eau ; (iii) utiliser une combinaison optimisée de recyclage des eaux usées traitées pour des utilisations sans risque pour la santé ; et (iv) le dessalement et les transferts supplémentaires depuis le lac de Guiers (fleuve Sénégal). Il convient également de noter la nécessité de maintenir une gamme diversifiée de ressources afin d’atténuer les risques de sécurité liés aux transferts.

  • Les personnes approvisionnées en eau par le lac de Guiers et le fleuve Sénégal, qui sont très vulnérables au drainage agricole et à la pollution des eaux usées domestiques, exigeront que cette ressource stratégique soit protégée.
  • Les zones déjà confrontées à des problèmes d’approvisionnement en eau potable dans le Bassin Arachidier, notamment au nord du Saloum (fluor et chlorure) et dans la région de la Basse Casamance (salinité), où il sera difficile de répondre aux besoins futurs. Deux solutions sont envisageables : un traitement extensif de l’eau, ou des transferts depuis des zones proches pour remplacer ou diluer l’eau disponible localement et ainsi répondre aux normes de qualité. Le choix entre ces options dépendra du contexte.
  • Malheureusement, les deux options coûtent cher en investissement ainsi qu’en fonctionnement et en maintenance. De plus, l’option de transfert pose un risque de sécurité plus élevé en cas de rupture intentionnelle ou accidentelle de canalisations. Il faut également veiller à réduire les pertes et gaspillages éventuels.
  • Le Littoral Nord et la zone du Horst de Diass, qui présentent des perspectives toujours plus sombres d’exploitation de l’eau potable dans les zones rurales à moins que l’exploitation des aquifères ne soit stabilisée par la réduction des usages non prioritaires et de tous les gaspillages, éventuellement combinés aux transferts du fleuve Sénégal et au recyclage des eaux usées.

Évaluation de la Gestion des ressources en eau

La DGPRE, sous la tutelle du MEA, est le principal organe chargé de la gestion des ressources en eau au Sénégal. Ses fonctions consistent en la planification des ressources en eau ; la gestion des prélèvements et rejets d’eau ; la surveillance des eaux de surface et souterraines et le développement des connaissances, en termes de quantité, de qualité et d’utilisations ; et la gestion du système d’information sur l’eau et la police de l’eau.

La sécurité de l’eau est le fondement du développement du Sénégal et sa réalisation requerra une approche compréhensive. Sur la base de la définition de la sécurité de l’eau fournie ci-dessus, la réalisation des objectifs de sécurité de l’eau devrait être basée sur une analyse solide des risques et une évaluation des compromis entre l’eau et d’autres politiques sectorielles et environnementales. En d’autres termes, la sécurité de l’eau signifie apprendre à vivre avec un niveau acceptable de risque lié à l’eau

La DGPRE participe au processus de coordination intersectorielle au niveau national en assurant le secrétariat du Comité technique de l’eau (CTE) du Conseil supérieur de l’eau (CSE), en préparant les réunions et en assurant le suivi de ses décisions. Il est également chargé de superviser, pour le compte du ministre, les contrats de performance de l’Office des lacs et voies navigables (OLAC). Depuis 2010, l’OLAC est responsable de la gestion des eaux de surface non soumises aux accords transfrontaliers internationaux et du développement des infrastructures pour les mobiliser.

Recommandations et solutions proposées pour une gestion améliorée des ressources en eau  

  • La diversification des ressources en eau et une allocation d’eau adaptée aux besoins sont essentielles pour parvenir à une approche moderne et intégrée de la gestion des ressources en eau dans le triangle DMT.
  • La mobilisation des futures ressources en eau pour le DMT devra suivre les principes clés fondés sur l’économie circulaire et l’approche de gestion intégrée de l’eau urbaine.
  • La protection du lac de Guiers et l’amélioration du transit du canal de la Taouey sont essentielles pour assurer la sécurité de l’eau dans le triangle DMT.
  • La conservation des nappes souterraines nécessite un programme de protection des eaux souterraines.
  • La restauration des aquifères et des écosystèmes aquatiques passera par le développement des zones de recharge identifiées pour les aquifères les plus menacés par l’intrusion d’eau de mer.
  • Enfin, pour minimiser les effets de la pollution et de la surexploitation dans les zones vulnérables, les éléments environnementaux des écosystèmes urbains doivent être restaurés grâce à la promotion de villes vertes.

Défis majeurs pour les services d’assainissement des eaux usées pour 2035 et au-delà

Le manque de structures d’assainissement adéquates pour les ménages et le traitement insuffisant des eaux usées constituent une menace pour la santé publique et l’environnement. Au Sénégal, la faible qualité de l’eau à usage domestique, le manque de traitement des eaux usées et la mauvaise gestion des eaux stagnantes conduisent à une forte prévalence des maladies d’origine hydrique, avec de graves conséquences pour le capital humain et le développement économique. Par exemple, en 2017, la diarrhée a entraîné la mort de près de 40 000 enfants de moins de 5 ans.

Bien que les principaux centres urbains du Grand Dakar (Dakar, Rufisque, Thiès, Mbour, Saly) disposent de réseaux d’assainissement collectif avec un total de 122 258 raccordements, les systèmes d’assainissement individuels restent plus utilisés. Seule une petite partie de la population bénéficie de services d’égouts gérés en toute sécurité. Des lacunes importantes dans l’assainissement collectif doivent être surmontées en ce qui concerne la collecte, le transfert et le traitement des eaux usées.

Les conditions d’évacuation des eaux usées traitées dans l’environnement doivent être conformes aux normes en vigueur au Sénégal, à savoir celles prévues par le code de l’environnement et la norme NS 05-061. Cependant, comme la réglementation n’est pas respectée, les milieux récepteurs sont pollués.

La forte consommation d’eau du Grand Dakar entraîne d’importants rejets d’eaux usées, et sans traitement adéquat, ces rejets polluent les milieux récepteurs. Alors que 445 555 m3 d’eau sont consommés quotidiennement, la capacité totale des installations de traitement des eaux usées du Grand Dakar est de 35 531 m3/j. Cela signifie que seulement 28% des eaux usées collectées (126 000 m3/j) sont traitées. Le reste pollue l’environnement car il est rejeté dans la mer ou s’infiltre dans la nappe phréatique sans traitement.

Le manque de structures d’assainissement adéquates pour les ménages et le traitement insuffisant des eaux usées constituent une menace pour la santé publique et l’environnement. Au Sénégal, la faible qualité de l’eau à usage domestique, le manque de traitement des eaux usées et la mauvaise gestion des eaux stagnantes conduisent à une forte prévalence des maladies d’origine hydrique, avec de graves conséquences pour le capital humain et le développement économique. Par exemple, en 2017, la diarrhée a entraîné la mort de près de 40 000 enfants de moins de 5 ans

La qualité des eaux usées traitées ne permet toujours pas leur réutilisation à des fins agricoles. Les volumes recevant un traitement tertiaire sont estimés à 9 500 m3/j, et seuls 1 800 m3/j sont réutilisés. En 2020, les volumes d’eaux usées traitées dans le Grand Dakar sont estimés à 35 531 m3/j, ce qui signifie que la majorité des eaux usées traitées est rejetée dans la mer ou dans les milieux récepteurs. Cependant, leur réutilisation dans l’agriculture pourrait contribuer à̀ réduire considérablement les prélèvements dans les eaux souterraines surexploitées du Grand Dakar.

Le financement du sous-secteur de l’assainissement reste insuffisant même si le Sénégal a fait preuve d’un engagement politique en faveur du développement de l’assainissement. Les allocations budgétaires du gouvernement restent nettement inférieures aux besoins de financement, ce qui retarde l’achèvement des investissements prévus qui reposent encore largement sur des financements extérieurs. La redevance d’assainissement ne couvre pas les coûts de fonctionnement de l’ONAS, qui bénéficie de subventions gouvernementales. Ainsi, non seulement le gouvernement doit financer les infrastructures nécessaires, il doit aussi mettre en place des mécanismes de financement pour leur gestion durable.

 

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