Auteur: Gorée Institute
Date de publication: Janvier 2024
Site de publication: Gorée Institute
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Contexte socio-politique des élections législatives du 31 juillet 2022
L’année 2022 se présente comme l’une des années les plus riches en matière d’expériences électorales pour les citoyens sénégalais. En effet, ils sont de nouveau repartis aux urnes en l’espace de six (6) mois, à l’occasion des élections législatives. Le contexte de ces élections est assez particulier compte tenu des enjeux et de la configuration du jeu politique et de l’espace politique sénégalais. Ainsi, ce scrutin qui est le dernier avant la présidentielle de février 2024, pourrait être perçu par certains comme un duel politique entre la mouvance présidentielle « Benno Bokk Yakaar » (BBY) et la coalition de l’opposition « Yéwi Askan Wi » (YAW). Pour rappel, huit (8) listes sont en compétition pour élire cent soixante-cinq (165) députés de l’Assemblée nationale, selon un mode de scrutin composite à un seul tour. Cent douze (112) députés seront élus à la majorité relative sur des listes départementales ou représentant la diaspora, et les cinquante-trois (53) sièges restants seront pourvus à la proportionnelle sur la base du total des voix des partis additionnées au niveau national. Le contexte socio-politique des élections législatives du 31 juillet 2022 est marqué par des débats contradictoires tout au long de la période d’avant campagne et durant la campagne électorale. Ces échanges ont été, pour la plupart, le théâtre d’opération des propos malveillants, des invectives et des affrontements pouvant, si l’on ne prend garde, plomber la suite du processus électoral. C’est pour ainsi dire que ces échéances électorales sont sources de tensions aux formes multiples et diverses : violences verbales, symboliques et/ou psychologiques, affrontements physiques etc. Elles sont également liées aux enjeux relatifs à la prochaine exploitation du pétrole et du gaz, au silence de l’actuel Président de la République sur un éventuel troisième mandat, à la perception sur la gestion de l’Etat et au cumul des frustrations sociales.
La situation peut, de ce fait, s’apprécier à l’aune des aspects ci-après :
- Au titre de la préparation : La révision exceptionnelle des listes électorales effectuée du 07 au 31 mars 2022 a permis d’actualiser le fichier électoral qui se chiffre actuellement à sept millions trente-six mille quatre cent soixante-six (7 036 466)1 électeurs répartis dans quinze mille cent quatre-vingt-seize (15196)2 bureaux de vote.
- Au titre des innovations : On peut citer entre autres :
– Loi n° 2022-15 du 03 mai 2022 modifiant la loi n° 2021-35 du 23 juillet 2021 portant Code électoral ; ▪ Décret n°2022-1051 du 03 mai 2022 portant répartition des sièges de députés à un scrutin majoritaire départemental pour les élections législatives du 31 juillet 2022 (avec l’érection de Keur Massar en département).
- Au titre des dépôts et de la validation des listes de candidatures : A l’occasion des dépôts et de la validation des listes de candidatures, on constate des éléments inédits dans l’histoire des élections législatives au Sénégal. Pour mémoire, le Sénégal a une expérience de cinquante-neuf (59) ans en matière d’élections législatives. Rares furent les échéances où le contentieux électoral semblait aussi foisonnant que celui de ce 31 juillet 2022.
Déroulement du scrutin : quelle analyse pour les incidents ?
Situation préélectorale
Cette analyse résume les principaux incidents observés au cours de la semaine précédant les élections législatives de 2022. Elle présente en premier lieu un récapitulatif des données des indicateurs observés dans les différentes localités et en second lieu une description des différentes catégories d’incidents. Le monitoring des discours dangereux ou haineux, dans le cadre des élections législatives du 31 Juillet 2022, s’est fait sur la base de trois (3) catégories d’indicateurs de violences liées aux discours dangereux et discours haineux et a permis de constater la situation suivante au niveau des trois (3) zones ciblées : Grand Dakar, Parcelles Assainies et Médina.
Elles sont également liées aux enjeux relatifs à la prochaine exploitation du pétrole et du gaz, au silence de l’actuel Président de la République sur un éventuel troisième mandat, à la perception sur la gestion de l’Etat et au cumul des frustrations sociales
Analyse des violences verbales ou morales
Les principales violences verbales ou morales varient selon les localités. L’analyse du graphique ci-dessous montre que, dans la localité de Grand Dakar, les trois principaux incidents de cette catégorie sont relatifs aux propos pouvant entraîner ou ayant entraîné des heurts ou violences, aux propos malveillants, tendancieux, ou discriminatoires et aux discours de haine ayant pour but de nier ou de porter atteinte à la dignité humaine, l’incitation à la discrimination, l’hostilité et la violence. Aux Parcelles Assainies, les incidents les plus récurrents sont relatifs aux propos pouvant entraîner ou ayant entraîné des heurts ou violences, aux propos malveillants, tendancieux, ou discriminatoires, avant, pendant ou après les élections et aux discours qui peuvent conduire à des attaques, abus physiques ou violences structurelles.
Analyse des incidents : Parcelles Assainies, Grand Dakar et Médina
Ces incidents sont globalement non violents (24 cas sur 30, soit 80% des incidents). Elles n’ont causé ni de blessé, ni de mort. On dénombre seulement 6 incidents violents dont 3 à Grand Dakar et 3 aux Parcelles Assainies. La plupart des incidents sont des violences verbales. On en dénombre 7 dont 3 à Grand Dakar 1 Médina et 3 aux Parcelles Assainies. Ces deux localités ont également enregistré un cas de violence physique chacune. Grand Dakar a particulièrement connu en plus deux cas d’accrochages dans des bureaux de vote, un cas d’intimidation et un cas d’incitation ou de corruption. Cependant, divers autres incidents ont été signalés dont 8 à Grand Dakar 5 à la Médina et 8 aux Parcelles Assainies. Ils concernent le plus souvent des situations de retard d’ouverture des centres de vote, d’électeurs dont les noms ne figurent pas sur les listes, d’absence de liste de certaines coalitions et d’organisateurs (présidents et représentants) dans certains bureaux
À la vue des zones, c’est aux Parcelles Assainies et à Grand Dakar que l’on a enregistré le plus d’incidents violents. Cet état de fait est assez compréhensible si on observe les profils des candidats investis au niveau de ces zones, notamment ceux de BBY et de YAW. Autrement dit, ces bastions électoraux de la ville de Dakar sont peu ou prou des zones à fortes tensions compte tenu de leur électorat. Concernant la zone de la Médina, on observe un calme sans précédent durant les échéances du 31 juillet 2022. Ce calme peut être analysé comme une volonté de redorer le blason du visage des jeunes de la Médina. Pour rappel, cette jeunesse n’a pas fait bonne presse depuis son accrochage avec les forces de l’ordre en 2020 suite au refus d’observer le couvre-feu (période de la Covid-19). Ainsi, la condamnation de ces actes par l’opinion nationale fut un correctif fort qui, naturellement, va pousser cette jeunesse de la Médina à effectuer une autoflagellation afin de revoir son comportement, si tant est qu’elle se targue d’être différente de la jeunesse de la banlieue. Toujours pour la Médina, le ralliement du leader Bamba Fall auparavant du parti socialiste de la mouvance Khalifa Sall à la mouvance présidentielle peut susciter un manque d’intérêts et d’enjeux pour les élections législatives. En effet, Bamba fut l’un des leaders qui incarnait le prototype de la médina et était, par la même occasion, le candidat crédible aux yeux de la jeunesse. Son rapprochement est donc perçu comme une trahison et un défaut d’intégrité politique par la jeunesse, d’où le désintéressement.
Il est clair que les jeunes de Grand Dakar avaient solennellement lancé un appel à la paix, arguant qu’ils étaient les grands perdants en cas de violences. La réalité est toute autre si l’on observe des échanges houleux sur les réseaux sociaux
L’autre aspect considérable est le fait que jusqu’à la veille des élections, Grand Dakar était au sommet sur la question des violences pré électorales, alors que, pour uniquement la journée du vote, on y a enregistré le plus d’incidents. Ainsi, sur les Sept cas de violences verbales, les trois (3) sont observés à grand Dakar, tout comme les deux (2) cas d’accrochage. Cette situation fait état d’un échec des mécanismes à la fois formels et communautaires de prévention des conflits électoraux. Il est clair que les jeunes de Grand Dakar avaient solennellement lancé un appel à la paix, arguant qu’ils étaient les grands perdants en cas de violences. La réalité est toute autre si l’on observe des échanges houleux sur les réseaux sociaux. Ainsi, des propos imbus de violences verbales sont relevés sur les pages Facebook officielles des leaders comme Ndeye Saly Diop DIENG (ministre de la République) et Jean Baptiste DIOUF (Député et Maire, de la mouvance BBY). Cela signifie que les violences verbales étaient plus sur la toile qu’au niveau des centres de vote. De surcroît, c’est la seule zone qui a enregistré des accrochages au niveau des bureaux de vote.
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