Élections législatives et système de parrainage au Sénégal

Le système de parrainage fait suite à une modification du Code électoral sénégalais qui stipule désormais que : « Toute candidature à une élection présidentielle et aux élections législatives, présentée par un parti politique légalement constitué, par une coalition de partis politiques légalement constitués ou une entité regroupant des personnes indépendantes est astreinte au parrainage par une liste d’électeurs. » (Art.L.57 du Code électoral). Cette modification est intervenue seulement neuf mois avant l’élection présidentielle de 2019.

Comment fonctionne le système de parrainage ?

La loi impose désormais à tous les candidats le système de parrainage avec un pourcentage du corps électoral de 0,5% pour les législatives et 0,8% pour la présidentielle. Les candidats aux législatives devront donc recueillir au moins 34 580 signatures réparties dans au moins sept régions du pays, à raison de 2000 parrainages par régions minimum.

La loi dit également : « Dans une élection, un électeur ne peut parrainer qu’un candidat ou une liste de candidats et qu’une seule fois. »

« Dans le cas d’une présence sur plus d’une liste, le parrainage sur la première liste contrôlée, selon l’ordre de dépôt, est validé et est invalidé sur les autres. Toutefois, si du fait de cette invalidation, une liste n’atteint pas le minimum requis des électeurs inscrits au fichier et ou le minimum requis par région et par commune, notification en est faite au mandataire concerné. Celui-ci peut procéder à la régularisation par le remplacement jusqu’à concurrence du nombre de parrainages invalidés pour ce fait dans les quarante-huit heures. » (Art.L.57 du Code électoral)

Pourquoi la mise en place d’un tel système ?  

Officiellement, le système de parrainage fut mis en place afin de réduire le nombre de candidats et d’éviter les « candidatures fantaisistes », comme l’affirmait à l’époque l’ancienne Première ministre Aminata Touré. Limiter grâce au parrainage le nombre de candidatures dans un pays qui compte près de 300 partis politiques, voilà l’objectif des autorités sénégalaises. Pas moins de 47 listes se sont présentées aux dernières législatives et la plupart n’ont obtenu que très peu de voix.

Les candidats aux législatives devront donc recueillir au moins 34 580 signatures réparties dans au moins sept régions du pays, à raison de 2000 parrainages par régions minimum

Ce système a vu le jour moins d’un an avant les élections présidentielles de 2019, qui comptaient à l’origine 27 potentiels candidats, dont seulement 4 se sont finalement opposés au président sortant, Macky Sall.

Avec le parrainage, ce sont en fait les « petits » candidats ou les nouveaux partis sans véritable ancrage régional qui risquent d’avoir du mal à réunir les signatures nécessaires.

Contestation nationale et régionale du système de parrainage  

L’annonce de l’adoption du système de parrainage le 19 avril 2018 a suscité de vives réactions au sein de l’opposition. Cette dernière estime cette loi comme étant une manipulation constitutionnelle et un risque pour la démocratie visant à éliminer la concurrence afin de permettre au Président et son parti de rester au pouvoir.

La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a donné raison aux partis d’oppositions, dans un arrêt rendu le 28 avril 2021. En effet, la Cour de Justice de la CEDEAO, saisie en décembre 2018 par l’Union sociale libérale (USL) a estimé que le système de parrainage « constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote ».

En effet, « cette loi viole le secret du vote en obligeant les électeurs à déclarer à l’avance à quel candidat ils ont l’intention d’accorder leur suffrage puisqu’un électeur ne peut parrainer qu’une seule candidature », écrivent les magistrats. Une disposition qui, selon eux, « présume » le choix des électeurs concernés et contrevient à la confidentialité de leur vote.

La Cour de Justice de la CEDEAO, saisie en décembre 2018 par l’Union sociale libérale (USL) a estimé que le système de parrainage «constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote»

D’autre part, toujours selon la Cour de Justice de la CEDEAO, cette loi « viole le droit de libre participation aux élections ».  Elle « ordonne en conséquence à l’État du Sénégal de lever tous les obstacles à une libre participation aux élections consécutifs à cette modification par la suppression du système du parrainage électoral » dans un délai de six mois. Plus d’un an après la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO, le Sénégal n’a toujours pas appliqué cette décision.

 

Source :

https://www.sec.gouv.sn/publications/lois-et-reglements/loi-ndeg-2001-03-du-22-janvier-2001-portant-constitution-modifiee

https://www.droit-afrique.com/uploads/Senegal-Code-2021-electoral.pdf

http://www.courtecowas.org/wp-content/uploads/2021/08/ARRET-ECW-CCJ-JUD-10-21-LUnion-Sociale-Liberale-USL-c.-Etat-du-SENEGAL-28_04_21.pdf

 https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2018-3-page-187.htm

https://conseilconstitutionnel.sn/

 


Credit photo: Radio France internationale

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