Auteur : Dr Ousmane Faye
Site de publication : SPPFM
Type de publication : Rapport
Date de publication : Novembre 2021
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Introduction
Dans les pays développés, la mise en place d’un système de protection sociale complet (du berceau à la tombe) s’est avérée être un outil puissant pour protéger chaque individu contre ces divers risques et vulnérabilités liés au cycle de vie. De plus, à ce jour, les systèmes de protection sociale de ces pays ont souvent été suffisamment inclusifs en termes de genre pour devenir des outils assez robustes de transformation des relations de genre et de promotion de l’autonomisation des femmes.
En revanche, dans la plupart des pays en développement, il manque une approche holistique pour traiter les risques et les vulnérabilités inhérents au cycle de vie de l’individu. Beaucoup d’entre eux ont hérité de l’époque coloniale des systèmes de protection sociale faibles et très limités, destinés à une petite fraction des travailleurs du secteur formel. Des efforts ont certes été faits dans nombre de ces pays pour étendre la couverture à l’ensemble de la population, mais les résultats sont très mitigés.
Dans la plupart des pays, la protection sociale reste limitée à la petite frange (souvent dominée par les hommes) de la main-d’œuvre employée dans le secteur formel public et privé. Dans le même temps, un grand nombre d’hommes, et la grande majorité des femmes, restent confinés dans des emplois familiaux non rémunérés ou dans l’économie informelle, où elles ne reçoivent pratiquement aucune prestation sociale et sont largement invisibles dans les statistiques officielles.
Au Sénégal, en particulier, comme dans les pays en développement, les femmes sont essentiellement concentrées dans les emplois informels. Les résultats de l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (ANSD, 2017) révèlent qu’elles occupent au total 45,3% des emplois informels, étant disproportionnellement concentrées dans les branches d’activité des « Activités particulières des ménages » (96,5%), « Hébergement et restauration » (86,5%) et « Commerce de détail » (71,0%) et très peu présentes dans les branches d’activité du transport (1,5%), de l’entreposage (1,5%) et de la construction (2,4%).
Et ces femmes sont principalement actives dans le secteur informel pour leur propre compte et en tant que chefs d’unités. Une grande partie des unités de production du secteur informel au Sénégal est ainsi dirigée par des femmes, 61,9%. Cela est révélateur de la montée en force de la main d’œuvre féminine dans les emplois informels ces dernières années.
Le manque d’accès à la protection sociale est dû en partie à l’absence d’éligibilité en raison de la nature du travail. De fait, les emplois informels des femmes sont souvent de plus faible productivité, plus précaires et exercés dans de mauvaises conditions de travail. Cette situation n’est pas spécifique aux femmes mais elle est aggravée pour elles, car les inégalités structurelles et de genre conduisent à une concentration du travail informel féminin dans des emplois peu qualifiés et mal rémunérés. En outre, en raison de la répartition inégale des tâches domestiques et reproductives entre les sexes, les femmes doivent, dans la plupart des cas, assumer une double charge, à savoir un travail rémunéré et des responsabilités de soins à la maison.
Au Sénégal, en particulier, comme dans les pays en développement, les femmes sont essentiellement concentrées dans les emplois informels. Les résultats de l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (ANSD, 2017) révèlent qu’elles occupent au total 45,3% des emplois informels, étant disproportionnellement concentrées dans les branches d’activité des « Activités particulières des ménages » (96,5%), « Hébergement et restauration » (86,5%) et « Commerce de détail » (71,0%) et très peu présentes dans les branches d’activité du transport (1,5%), de l’entreposage (1,5%) et de la construction (2,4%)
Cette situation les désavantage lorsqu’elles participent au marché du travail, où le manque de protection sociale et de services adéquats d’aide à la garde d’enfants, des personnes âgées et des malades, limitent leur choix d’opportunités. Cela se traduit par un nombre disproportionné de femmes engagées dans les types d’emploi les plus vulnérables et les plus précaires, qui sont liés à des niveaux élevés de pauvreté au travail et de marginalisation sociale.
Structure de l’économie et de l’emploi
Ces dernières années l’économie sénégalaise a connu de belles performances avec un taux de croissance de plus de 6 % en moyenne par an entre 2014 et 2018 (IMF, 2019). La croissance du PIB réel s’est établie à 4,4 % en 2019, contre 6,2 % en 2017. Le secteur des services est le principal moteur de la croissance du PIB, tandis que du côté de la demande, l’investissement et les exportations sont les principaux moteurs de la croissance. Seulement, ces performances ne semblent pas se traduire en même temps par une forte augmentation de la création d’emplois décents.
Le capital non lié aux technologies de l’information et de la communication (TIC) contribue le plus à la croissance du PIB au Sénégal (MEFP, 2016). Le deuxième contributeur à la croissance du PIB est le facteur capital lié aux TIC. A contrario, la contribution du facteur travail à la croissance est assez modeste. Elle se situe à environ 1 pour cent. Corrélativement, la part de la rémunération totale du travail dans le PIB, un indicateur approximatif de la répartition des revenus entre le capital et le travail, apparaît sensiblement plus faible que dans de nombreux pays en Afrique.
Une explication pourrait être liée à la prédominance du facteur capital dans l’évolution de la croissance au Sénégal. Une estimation erronée de la part du travail pourrait aussi expliquer cela. En effet, la part du facteur travail est considérablement sous-estimée en raison de l’importance du secteur informel.
Cette situation les désavantage lorsqu’elles participent au marché du travail, où le manque de protection sociale et de services adéquats d’aide à la garde d’enfants, des personnes âgées et des malades, limitent leur choix d’opportunités. Cela se traduit par un nombre disproportionné de femmes engagées dans les types d’emploi les plus vulnérables et les plus précaires, qui sont liés à des niveaux élevés de pauvreté au travail et de marginalisation sociale
Le marché de l’emploi est principalement dominé par l’emploi informel (c’est-à-dire l’employeur ne verse pas de cotisation au titre de la protection sociale de l’employé ou bien le chef d’unité de production détient une unité informelle). En effet 96,4% des emplois de l’économie sénégalaise sont informels. En 2017, quel que soit le secteur institutionnel (agricole ou non agricole), hormis le secteur public, plus de 97% des emplois sont informels.
L’emploi informel est plus important dans le secteur privé et dans le secteur des ménages particulièrement dans les activités agricoles. En effet, plus de 99% des emplois agricoles du secteur privé ou de celui des ménages sont informels. Dans les activités non agricoles, les proportions d’emplois informels sont estimées à 97,3% et 99,6% respectivement dans le secteur privé et celui des ménages. L’emploi formel est principalement noté dans le secteur public. Dans ce secteur, 33,2% des emplois sont formels contre 66,8% informels (ANSD, 2017).
Genre et situation des femmes au Sénégal : État des lieux
En dépit d’une posture politique forte en faveur de l’égalité des sexes et d’un arsenal législatif et institutionnel conséquent, les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes restent encore très répandues au Sénégal. En réalité, les instruments législatifs sont abandonnés au profit de pratiques coutumières qui, à leur tour, impliquent de profondes inégalités entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, au niveau institutionnel, le manque de maîtrise du concept de genre et de ses outils constitue un sérieux obstacle à son intégration dans les politiques, les stratégies, les programmes et les mécanismes de suivi et d’information, outre le manque de ressources humaines et financières.
Le marché de l’emploi est principalement dominé par l’emploi informel (c’est-à-dire l’employeur ne verse pas de cotisation au titre de la protection sociale de l’employé ou bien le chef d’unité de production détient une unité informelle). En effet 96,4% des emplois de l’économie sénégalaise sont informels. En 2017, quel que soit le secteur institutionnel (agricole ou non agricole), hormis le secteur public, plus de 97% des emplois sont informels
La violence basée sur le genre : Les atteintes à l’intégrité physique et morale des femmes restent une pratique courante au Sénégal. Le rapport du SIGI révèle que près de quatre femmes sur cinq (78%) ont été au moins une fois victime de violence domestique au cours de leur vie. Les normes sociales sont surtout en cause ; le degré d’acceptation sociale de la violence conjugale ou domestique est assez élevé, surtout chez les femmes. Une proportion importante de la population féminine accepte la violence domestique. Près de six femmes sur dix (57 %) déclarent qu’un homme peut battre sa femme pour une raison ou une autre. En revanche, seuls 25 % des hommes pensent qu’il est justifié, pour une raison ou une autre, de battre leur femme.
Sur le plan juridique, il y a également quelques lacunes. Bien que la loi interdise toute forme de violence, il n’existe actuellement aucune loi spécifique sur la violence contre les femmes et les filles (VCFF), la violence domestique ou le harcèlement sexuel au Sénégal. En conséquence, les femmes et les filles ne sont pas pleinement protégées contre les différentes formes de violence dont elles peuvent être victimes. En l’absence d’une loi visant spécifiquement la VCFF, des clauses du Code pénal sont utilisées pour criminaliser les différentes formes de violence, mais sans reconnaissance de la violence comme étant fondée sur le sexe.
Dans les zones rurales, le nombre moyen de parcelles par ménage et la taille moyenne des parcelles par ménage dépendent fortement du sexe du chef de famille. La superficie moyenne exploitée par les ménages dirigés par des hommes est beaucoup plus importante que celle des ménages dirigés par des femmes dans presque toutes les régions. Cette tendance se retrouve également dans le nombre moyen de parcelles détenues par les ménages.
Les données de l’Enquête Agricole Annuelle (EAA) 20172018 réalisée dans le cadre du Projet Enquête Agricole Intégrée (AGRIS) par la DAPSA (2018), révèlent que la surface cultivée et le nombre de parcelles sont plus importants (jusqu’à trois fois) pour les agriculteurs masculins que pour les agricultrices. En moyenne, les hommes cultivent 71% de la surface totale, contre 29% pour les femmes. Quant au pourcentage de parcelles cultivées, il est de 67% pour les hommes contre 33% pour les femmes.
L’accès à l’éducation : Les opportunités d’accès à l’instruction scolaire sont également inégalement réparties entre les hommes et les femmes au Sénégal. Pourtant, l’éducation est un enjeu majeur du développement économique et social. En effet, il a été clairement démontré que l’éducation est un facteur clé pour améliorer les conditions de vie des populations en général, et pour l’autonomisation des femmes en particulier. L’éducation influence tous les secteurs de l’économie et la vie des individus. C’est pourquoi, à travers l’ODD-4, l’Agenda 2030 invite les États signataires à en assurer l’accès à tous.
Sur le plan juridique, il y a également quelques lacunes. Bien que la loi interdise toute forme de violence, il n’existe actuellement aucune loi spécifique sur la violence contre les femmes et les filles (VCFF), la violence domestique ou le harcèlement sexuel au Sénégal. En conséquence, les femmes et les filles ne sont pas pleinement protégées contre les différentes formes de violence dont elles peuvent être victimes. En l’absence d’une loi visant spécifiquement la VCFF, des clauses du Code pénal sont utilisées pour criminaliser les différentes formes de violence, mais sans reconnaissance de la violence comme étant fondée sur le sexe
Participation et prise de décision : La loi électorale imposant la parité pour toutes les listes de candidats aux élections régionales, municipales et rurales a permis de faire un grand pas en avant dans la participation politique des femmes dans le pays : Le Sénégal se situe au 7e rang mondial en termes de nombre de femmes parlementaires en 2017.
Cependant, les élections locales de 2014 ont montré que la marginalisation politique des femmes n’est pas encore totalement résolue. Le pays ne compte que 13 femmes maires sur un total de 557 municipalités. Par ailleurs, même si la loi sur la parité a permis une forte entrée des femmes en politique, certains problèmes subsistent car la culture a habitué les femmes à se placer derrière les hommes et à occuper un second rôle.
Possession d’actifs et gestion du risque
Aperçu analytique
La perception du risque par une personne est conditionnée à la fois par des facteurs objectifs, tels que des informations sur des événements passés ayant une influence négative sur le revenu ou le bienêtre, et par des probabilités subjectives qu’un événement se produise. La perception subjective du risque sera également déterminée par la vulnérabilité et la résilience potentielle de la personne face à un choc de revenu. La vulnérabilité d’un individu influence sa sensibilité à un changement de revenu et sera déterminée par sa base d’actifs et son accès à diverses stratégies d’atténuation des risques et d’adaptation.
L’accès à l’éducation : Les opportunités d’accès à l’instruction scolaire sont également inégalement réparties entre les hommes et les femmes au Sénégal. Pourtant, l’éducation est un enjeu majeur du développement économique et social. En effet, il a été clairement démontré que l’éducation est un facteur clé pour améliorer les conditions de vie des populations en général, et pour l’autonomisation des femmes en particulier. L’éducation influence tous les secteurs de l’économie et la vie des individus. C’est pourquoi, à travers l’ODD-4, l’Agenda 2030 invite les États signataires à en assurer l’accès à tous
La possession d’actifs améliore la vie des femmes et des hommes qui les possèdent et les contrôlent. La relation entre la possession d’actifs et la réduction de la pauvreté et l’augmentation de la sécurité économique a été largement étudiée dans la littérature économique, tout comme la relation entre l’accumulation d’actifs et le pouvoir économique et politique. Il convient toutefois de noter que les femmes ne partagent pas toujours la richesse des hommes, même au sein d’un même ménage, d’une même famille ou d’une même unité de production.
En outre, non seulement les femmes et les hommes ont un accès très différent à la richesse, mais ils peuvent également utiliser leurs actifs et leurs revenus différemment, ce qui peut avoir des conséquences sur le bien-être du ménage et de la société en général. La possession d’actifs par les femmes est souvent associée à une plus grande autonomie et au bien-être individuel et des autres membres du ménage, surtout les enfants.
La possession d’actifs améliore également la productivité et la capacité de gain des femmes dans le secteur informel. La possession d’actifs par les femmes de l’économie informelle est un moteur de la croissance économique et du développement. Si elles possèdent systématiquement moins d’actifs, l’économie perd d’énormes opportunités de croissance.
Audit de genre : principaux constats
Le genre dans les objectifs du programme
Le document de projet ne mentionne pas explicitement un ou des objectifs d’égalité de genre qui pourraient être visés pour favoriser la promotion des droits des femmes et leur autonomisation économique. Ainsi, les objectifs du RSPC devraient idéalement chercher à répondre aux vulnérabilités spécifiques au genre. Il s’agit notamment des besoins pratiques de genre, tels que les risques de santé liés à la maternité ou les risques de revenus auxquels certains groupes de femmes sont confrontés (comme les veuves) ou des besoins stratégiques de genre s’ils promeuvent l’égalité de genre dans le développement du capital humain ou sur le marché du travail.
Le document de projet ne mentionne pas explicitement un ou des objectifs d’égalité de genre qui pourraient être visés pour favoriser la promotion des droits des femmes et leur autonomisation économique. Ainsi, les objectifs du RSPC devraient idéalement chercher à répondre aux vulnérabilités spécifiques au genre. Il s’agit notamment des besoins pratiques de genre, tels que les risques de santé liés à la maternité ou les risques de revenus auxquels certains groupes de femmes sont confrontés (comme les veuves) ou des besoins stratégiques de genre s’ils promeuvent l’égalité de genre dans le développement du capital humain ou sur le marché du travail.
La possession d’actifs améliore également la productivité et la capacité de gain des femmes dans le secteur informel. La possession d’actifs par les femmes de l’économie informelle est un moteur de la croissance économique et du développement. Si elles possèdent systématiquement moins d’actifs, l’économie perd d’énormes opportunités de croissance
Connaissance et appréciation subjective des prestations promises
Un autre problème qui entrave l’accès à la protection sociale est la connaissance limitée des programmes ainsi que de la valeur présumée des prestations par rapport au coût de la participation. Il ne s’agit pas d’un problème spécifique aux femmes, mais il est important en raison des coûts d’opportunité plus élevés auxquels les femmes sont confrontées en termes de temps et de ressources limitées pour participer aux programmes.
Les travailleurs du secteur informel et leurs familles ne sont souvent pas en mesure de se préparer aux risques futurs, soit parce que les besoins à court terme sont prioritaires, soit en raison d’un manque de compétences et de connaissances pour évaluer leurs besoins futurs et leur impact économique, par exemple au moment de la vieillesse.
Le manque de connaissances sur les dispositifs existants, associé à des compétences limitées pour résoudre des problèmes intertemporels complexes en matière d’épargne et d’investissement, ainsi que des facteurs psychologiques qui déforment la perception du risque par l’individu, contribuent aux problèmes d’adhésion liés à l’information. Ces problèmes sont souvent aggravés dans les contextes de faible revenu.
Ces obstacles sont particulièrement élevés pour les femmes, dont le niveau d’alphabétisation et d’éducation est systématiquement inférieur à celui des hommes du même groupe socio-économique. Les normes culturelles qui confinent les responsabilités des femmes aux tâches domestiques limitent leurs interactions avec les procédures administratives publiques, ce qui diminue leur niveau de confiance pour demander une protection sociale ou les laisse tout simplement ignorantes de leur éligibilité.
Rendre les informations sur la protection sociale accessibles et s’assurer que la communication avec le personnel est facile pour les femmes sont considérés comme un ingrédient clé des programmes sensibles au genre. Les documents de référence du RSPC ne font pas mention d’un dispositif ou d’une stratégie dans ce sens. Cette lacune pourrait donc limiter la participation des femmes au RSPC.
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