Gestion de la covid-19 et protection des droits humains au Sénégal, Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme, Novembre 2020

Auteurs: Amadou Aly Kane, Mame Couna Thioye, Senghane Senghor, Frédéric Philippe Diouf, Fatimata Sy, Fatou Bintou Thioune, Yéya Birane Wane, Djibril Baldé, Iba Sarr et Ndèye Fatou Sarr

Site de publication: Raddho

Type de publication: Rapport 

Date de publication: Novembre 2020

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Apparu en Asie, dans la province du Wuhan en Chine, en novembre 2019, le virus Corona ou Covid 19, d’une contagiosité extrême, a essaimé très rapidement sur les autres continents, obligeant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à le qualifier de pandémie et à organiser la riposte.

Six (6) mois après le début de la pandémie, l’Afrique semble avoir encore mieux résisté que les autres régions du monde à cette catastrophe sanitaire et démenti, par la même occasion, les prévisions pessimistes des institutions internationales sur la capacité de l’Afrique à faire face à la pandémie.

Le Sénégal semble confirmer cette tendance. En effet, dès que le premier cas y a été découvert, le 2 mars 2020, les autorités sénégalaises ont pris un ensemble de mesures dont la finalité était de :

  • briser la chaîne de transmission du virus;
  • différer le pic de la pandémie pour que le système de santé national soit suffisamment opérationnel pour la contenir;
  • atténuer les conséquences socio-économiques de la crise sanitaire.

La gouvernance de la pandémie de la covid-19 par les autorités Sénégalaises

Le gouvernement ne disposait pas d’une législation spécifique lui permettant de faire face à cette crise sanitaire exceptionnelle, en dépit de son adhésion au Règlement sanitaire international (RSI) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dont l’objectif est de « prévenir la propagation internationale des maladies, s’en protéger, la maîtriser et y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux ».

Il s’est rabattu sur une vieille loi sur l’état d’urgence pour se donner les moyens juridiques de prendre une série de mesures, dont certaines impliquaient des restrictions importantes à certaines libertés, qui, en situation normale, auraient été illégales.

Un Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du COVID-19, dénommé Force-COVID-19, est créé et doté d’un budget initial de 1000 milliards de FCFA, alimenté par des ressources publiques et des contributions privées nationales et internationales. Ce Fonds est censé aussi soutenir les entreprises locales, les ménages et la Diaspora afin qu’ils puissent contenir les effets collatéraux de la pandémie.

L’état d’urgence et les tentatives de « confinement » des autres pouvoirs constitutionnels

Dans la foulée de l’instauration de l’état d’urgence, deux autres importantes mesures ont été prises par les autorités, qui ont limité les possibilités de contrôles parlementaire et juridictionnel sur les décisions étatiques. L’une a permis la « suspension », pendant près de de deux mois, des audiences publiques des cours et tribunaux tandis que l’autre a purement et simplement abouti à la prise directe par le gouvernement de décisions qui, d’ordinaire, relèvent de la compétence du Parlement.

Pour ce qui concerne l’habilitation parlementaire, elle a été demandée par les autorités, conformément à l’article 77 de la Constitution, pour leur permettre de prendre, pendant trois (3) mois, des mesures qui, normalement, relèvent du domaine de la loi, afin de faire face aux besoins d’ordre économique, budgétaire, sécuritaire et autre.

Cette limitation du nombre de députés pouvant participer aux débats sur le projet de loi d’habilitation a, ainsi, restreint la diversité des opinions au profit d’une logique partisane renforcée. Mieux, elle a porté gravement atteinte au principe de l’indépendance du mandat parlementaire à un moment, où, un peu partout, on s’essayait à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour faire face aux défis posés par le COVID 19.

Le recours aux réunions virtuelles aurait non seulement pu partiellement corriger cette injustice, en permettant à tous les députés d’exposer leur opinion et de poser des questions aux ministres, mais également sauvegarder les droits de l’opposition permettant ainsi un débat approfondi sur les questions examinées.

Le confinement des prisons sénégalaises 

Avec un taux d’occupation de près de 230%, les prisons sénégalaises étaient l’une des structures étatiques à surveiller de très près dans la lutte contre le COVID 19. Deux types de mesures ont été immédiatement prises par les autorités sénégalaises pour prévenir la propagation de la pandémie dans l’espace carcéral, à savoir le réaménagement du fonctionnement des prisons et un désengorgement partiel des prisons.

Le « désengorgement » partiel des prisons sénégalaises 

Dès le début de la crise sanitaire, plusieurs voix se sont élevées, notamment au niveau du barreau sénégalais et de la magistrature, pour demander que des mesures fortes soient prises pour non seulement éviter que les prisons sénégalaises soient des foyers de propagation de la pandémie, mais aussi et surtout, réclamer un « droit à la santé morale des familles qui s’inquiètent avec l’avènement du COVID 19 de la vie de leurs confrontés à un confinement carcéral porteur de risques majeurs. »

Cette limitation du nombre de députés pouvant participer aux débats sur le projet de loi d’habilitation a, ainsi, restreint la diversité des opinions au profit d’une logique partisane renforcée. Mieux, elle a porté gravement atteinte au principe de l’indépendance du mandat parlementaire à un moment, où, un peu partout, on s’essayait à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour faire face aux défis posés par le COVID 19

Plus concret, l’Observateur national des lieux de privation de liberté a simplement demandé au président de la République de prendre une mesure exceptionnelle pour désengorger toutes les prisons. La veille de la célébration de l’indépendance du Sénégal, le président de la République a partiellement accédé à ces requêtes en amnistiant 2036 personnes condamnées pour des infractions diverses, et en ordonnant au ministre de la justice de soulager les prisons en élargissant un nombre important de prisonniers, sous la forme de la liberté provisoire et de la liberté conditionnelle.

 La violence des forces de sécurité 

Les premiers jours de mise en œuvre des mesures pour lutter contre le COVID 19 ont, au début et vers la fin du couvre-feu, donné lieu à des actes de désobéissance de certains citoyens qui ont été sévèrement réprimés par les forces de l’ordre. La répression musclée a été justifiée par le fait qu’il s’agissait « de faire face à des comportements aux antipodes de la citoyenneté. »

Mais le caractère barbare des bastonnades et autres humiliations subies par les personnes arrêtées captées par plusieurs vidéos, qui ont circulé dans les réseaux sociaux du pays, ont obligé la Direction générale de la Police à reconnaître officiellement que les interventions de ses éléments, notamment dans la nuit du 24 au 25 mars 2020, ont été excessives, et que pour cette raison, leurs auteurs « ont été punis avec toute la rigueur qui s’impose » dans de telles circonstances.

A cet égard, la RADDHO fait observer que les Sénégalais ne sauraient se suffire d’une simple déclaration de la Police, fut-elle de la plus haute hiérarchie de l’institution, sur les sanctions administratives dont les policiers fautifs ont été l’objet au regard des violations graves des droits de l’homme dont ils se sont rendus coupables.

Elle estime que les auteurs de telles pratiques, interdites par les lois nationales, devraient être connus et que les sanctions infligées à chacun d’eux soient divulguées, au nom du droit de la population à l’information et du principe de la transparence de la vie publique.

Plus concret, l’Observateur national des lieux de privation de liberté a simplement demandé au président de la République de prendre une mesure exceptionnelle pour désengorger toutes les prisons. La veille de la célébration de l’indépendance du Sénégal, le président de la République a partiellement accédé à ces requêtes en amnistiant 2036 personnes condamnées pour des infractions diverses, et en ordonnant au ministre de la justice de soulager les prisons en élargissant un nombre important de prisonniers, sous la forme de la liberté provisoire et de la liberté conditionnelle

La protection des enfants dans la rue 

Dès que les autorités ont commencé à penser à une réponse nationale à la pandémie du COVID 19, la plupart des organisations de la société civile ont pointé du doigt les besoins de protection des enfants, et notamment ceux dans la rue, et insisté sur la nécessité de profiter de l’opportunité qu’offre la pandémie pour retirer de façon définitive ces enfants de la rue et mettre un terme à la maltraitance et aux dangers qu’ils encourent dans certains daaras.

La situation de ces enfants errant dans les rues de Dakar et des villes du Sénégal, au nombre d’un million et demi selon une récente étude de l’Agence Nationale de la Statistique et des Études Démographiques (ANSD), était devenue inquiétante du fait de la récurrence et de la recrudescence des abus et violences dont ils étaient victimes, de la précarité des conditions de leur prise en charge dans les daaras et, surtout, de l’absence d’un cadre normatif clair réglementant le fonctionnement des établissements d’enseignements coraniques.

Les enfants ont également souffert durant cette pandémie, hantés qu’ils étaient, le jour, d’être victimes d’une rafle de l’administration, et le soir, de ne plus être capable de se nourrir en raison du couvre-feu. Face à cette situation et au risque de malnutrition de certains enfants-talibés, une chaîne de solidarité spontanée s’est organisée autour des enfants-talibés.

 

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