La réforme de l’hydraulique de 2014 n’a pas étanché la soif des populations en zone rurale

La réforme de l’hydraulique de 2014 n’a pas étanché la soif des populations en zone rurale

Partenaires

Dans le cadre du projet sur la « Lutte contre la corruption et pour la promotion de la redevabilité territoriale (PCR2) », le Forum civil en partenariat avec OSIWA a organisé un atelier pour les journalistes sur « l’impact de la réforme de l’hydraulique rurale sur la vie des populations ».

Pour rappel, le Forum civil appuyé par Transparency International avait mis sur pied un programme dénommé «Transparency and Integrity in Services Delivered in Africa» (TISDA) » pour promouvoir plus de participation, de transparence et d’intégrité dans la gestion des services publics de base dans huit pays de l’Afrique au Sud du Sahara. L’initiative était tissée autour de trois piliers notamment celui de l’eau (Kenya, Ghana, Sénégal), celui de la santé (Ouganda, Zambie) et celui de l’éducation (Cameroun, Nigeria, Afrique du Sud).

Pour rester fidèle à sa mission « d’agent de police sur le code de la route de la transparence », le Forum civil a mis en œuvre en 2017, le « Projet d’appui à la certification citoyenne dans l’hydraulique et l’assainissement pour la transparence (PACT) », financé par l’Union européenne dans le cadre du Programme d’accompagnement de la société civile (PAISC).

La réforme du sous-secteur de l’hydraulique rurale au Sénégal a été impulsée par la création de l’Office des forages ruraux (OFOR) depuis 2014. L’objectif de la structure étant d’organiser la gestion d’alimentation en eau potable et du patrimoine de l’hydraulique rurale dans une approche plus efficiente.

Malgré cette initiative, de Malem Hodar à Mboro en passant par Gandigal, l’accès à l’eau permanent et en bonne qualité est encore un luxe dans plusieurs contrées du pays. Quels sont les impacts de la réforme de 2014 sur la soif des populations ?

En réalité, on ne passe pas une semaine sans entendre à la radio ou à la télévision des revendications des populations sur des problèmes de disponibilité de l’eau potable. Afin de consolider le plaidoyer pour une transparence dans le secteur de l’hydraulique rural, le Forum Civil organise un forum de renforcement de capacité des journalistes sur les fondements, l’étendue et l’impact de la réforme de la gestion de l’hydraulique rurale sur la vie des populations.

Les innovations apportées à l’existant et les perspectives

Dans les années 80 qui coïncidaient avec la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement (DIEPA), le gouvernement du Sénégal a investi dans les forages ruraux motorisés et créé, au sein du Ministère de l’hydraulique et de l’assainissement (MHA), la Direction de l’exploitation et de la maintenance (DEM) pour leur gestion intégrale.

C’est dans ce cadre que le gouvernement a intégré progressivement les comités de gestion communautaires dans la gestion quotidienne des systèmes d’eau en milieu rural, moyennant une contribution financière des usagers, alors que la Direction de l’exploitation et de la maintenance (DEM ) a axé son appui sur des tâches de maintenance plus techniques.

Le gouvernement du Sénégal a testé, la décennie suivante, une nouvelle approche dans la professionnalisation de la gestion de l’hydraulique rurale à travers le projet sur la Réforme de la gestion des forages ruraux (REGEFOR:1999- 2005). Cette innovation a mené au remplacement des comités de gestion communautaires par les associations d’usagers connues sous l’appellation d’Associations des usagers des forages ruraux (ASUFOR) ; à poser des compteurs pour promouvoir la vente de l’eau au volume ; à sécuriser les revenus dans des comptes bancaires et à sous-traiter la maintenance à des entrepreneurs locaux.

Dès lors, les ASUFOR ont été habilitées par licence, par la DEM à mener des activités d’exploitation et de maintenance, mais à condition de recruter des gestionnaires de réseau pour l’exploitation de leurs installations hydrauliques. Toutefois, en dépit de tous ces efforts, on note l’insuffisance des ressources humaines, matérielles et financières au niveau de la Direction de l’exploitation et de la maintenance, des lourdeurs administratives et un niveau faible du sous-secteur de l’hydraulique créant des disparités sur les prix.

Par conséquent, la réforme de 2014 est survenue et elle visait essentiellement à améliorer le cadre institutionnel en passant par une meilleure gestion du sous-secteur hydraulique en impliquant les populations locales et le secteur privé. Elle a été aussi pensée pour lever les contraintes en termes de mobilisation des ressources financières, humaines et matérielles. La finalité étant une gestion performante du patrimoine de l’hydraulique rurale avec des systèmes d’alimentation accessibles et de qualité.

La réforme de 2014 mise sur le partenariat public-privé pour assurer une meilleure gestion de l’eau

Par la Loi N° 2014-13 de 2014, l’État va mettre en place l’OFOR (office de gestion des forages ruraux) en 2014 en lui confiant la responsabilité de la gestion du patrimoine de l’hydraulique rurale, de la gestion du service public de l’eau, du suivi- contrôle et audit de l’exploitation des infrastructures hydrauliques, de l’accompagnement des acteurs du secteur. La mission de l’OFOR est d’assurer une disponibilité constante et en qualité  de l’eau dans le monde rural au meilleur prix avec une organisation moderne, performante, rentable et citoyenne.

L’OFOR innove la gestion de l’hydraulique dans sa démarche grâce au partenariat public-privé qui positionne les opérateurs privés délégataires dans l’exploitation et la maintenance des installations dans le cadre d’un contrat d’affermage (L’affermage est un contrat par lequel la collectivité publique confie à une personne morale tierce (de droit privé ou de droit public) la gestion d’un service public).

Ainsi, l’État se positionne dans ses missions régaliennes de régulation. La délégation de gestion est donc la formule adoptée pour éliminer les goulots d’étranglements et les failles dans le circuit de gestion communautaire de l’eau.

La réforme de 2014 n’a pas amélioré les conditions des travailleurs de l’hydraulique

Selon le secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’hydraulique (SNTH), depuis 2012, les versements à IPRES ne sont pas faits et les indemnités de risques ne sont pas payées aux agents contractuels. De même, les agents à la retraite ne reçoivent ni pensions, ni indemnités malgré les coupures qui leur étaient faites. Sur le plan logistique, l’entretien des voitures et leur dépannage sont pris en charge par les chauffeurs eux-mêmes. « Cette réforme a été un échec car il nous a appauvris » s’écrie-t-il.

Les concessionnaires ne respectent pas leur part des contrats de sous-traitance

L’Office des forages ruraux (OFOR)  et FlexEau Sa  ont signé depuis janvier 2017 un contrat d’affermage pour la délégation de service public eau dans les régions de Kaolack et de Kaffrine. Le projet concerne un patrimoine de 279 systèmes d’approvisionnement  en multi-village pour une production annuelle de 12 millions 380 mille m3.

Toutefois, en un an et demi de gestion, on a constaté beaucoup de failles dans la gestion et le non-respect des caractéristiques des forages. A Koutal, Keur Mabadiakhou, Sibassor, Fass Gossas ou encore Santhie Galgoné on a relevé des pompes inadaptées au type de forage et des pompes bloquées par un manque d’entretien. Le résultat de tout cela est que l’eau est devenue plus chère dans ses localités sans être réellement accessible.

Avec d’autres structures comme Aquatech, on a relevé des arriérés de salaires pour les employés qui travaillent dans des conditions difficiles. Les conducteurs par exemple, assurent l’alimentation et l’entretien du forage et ajoutent à cela le relevé des compteurs et la distribution des factures. Le circuit d’exploitation, de gestion et de distribution devra être mieux encadré pour protéger les populations qui subissent la négligence de ces opérateurs qui s’enrichissent sur leurs dos sans nécessairement remplir leur part des contrats.

Les populations en zone rurale fustigent la qualité des installations faites par les concessionnaires, les prix élevés et la disponibilité constante de l’eau n’est qu’un mirage. La délégation de gestion était un moyen d’améliorer la qualité des services de l’eau au niveau local mais la négligence des opérateurs aggravent la soif des populations. Les autorités locales devraient être impliquées et outillées davantage pour encadrer le travail des concessionnaires et pouvoir leur demander des comptes au nom des populations sur la base d’un cahier des charges à la disposition de toutes les parties prenantes.

 


Crédit photo : dakaractu.com

 

Pathé Dieye

Pathé Dieye est chargé de recherche et de projet à WATHI. Il s’intéresse aux questions de conflits, paix et sécurité dans le Sahel et à la prospective. Titulaire d’un Master 2 en Science politique mention relations internationales. Il est blogueur et anime son site “Silence des rimes”. Il est aussi écrivain et son premier roman est intitulé “J’ai écrit un roman, je ne sais pas de quoi ça parle…” .

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