Les défis de l’urbanisation à Dakar, Friedrich-Ebert-Stiftung, Février 2022

Auteur: Dr Oumar Cissé

Site de publication:  FES

Type de Publication:  Rapport

Date de publication: Février 2022

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Introduction 

 

La croissance urbaine accélérée est devenue une réalité mondiale. Face à ce phénomène, on assiste à un recours à la planification urbaine qui évolue et s’adapte aux différents contextes, afin d’encadrer et de guider les faits urbains à court, moyen et long terme. L’urbanisation du continent africain se fait assez tardivement, mais massivement. Sa particularité est qu’elle se déroule dans un contexte d’industrialisation assez faible.

La région de Dakar n’échappe pas à cette réalité contraignante qui met à nu les insuffisances du système actuel de planification urbaine. Elle rencontre de grosses difficultés pour encadrer l’urbanisation de manière structurée et cohérente, mais aussi démocratique et juste, pour promouvoir un développement urbain durable tenant compte des dimensions économique, sociale et écologique.

Le manque de maîtrise de l’espace urbain, la spéculation foncière, la forte croissance démographique, la problématique du transport public, la crise du logement social, la croissance rapide des villes de la région de Dakar, la dégradation du cadre vie et la vulnérabilité sociale de nombreuses catégories de populations, contribuent largement à la multiplication des problèmes et à la situation difficile que connaît l’urbanisme.

Les plans d’urbanisation de Dakar 

L’urbanisation à Dakar remonte à quelques années avant l’accession du Sénégal à l’indépendance, sous la colonisation française, au moment où les collectivités locales étaient établies à Dakar et Rufisque. Dakar va alors connaître son premier plan en 1862 par le chef de Bataillon du Génie, Pinet-Laprade. Ce plan montrera ses limites par son caractère militaire et assistera entre 1945-1946 à l’élaboration d’un nouveau plan.

La particularité de ce plan est qu’il posait pour la première fois le problème d’aménagement du Cap-Vert de façon globale, et constituait la base du vaste programme d’équipements dont la réalisation fut confiée au Service Temporaire d’Aménagement Grand-Dakar – STAGE. En 1957, avec le projet de création du quartier de dégagement de Dagoudane – Pikine, le plan fut modifié afin d’intégrer ce quartier.

Analyse de la planification territoriale de l’agglomération dakaroise 

L’analyse des problèmes du système actuel de gestion de la planification urbaine réalisée par la mission d’étude du PDU Dakar horizon 2035 de la JICA et de la Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture (DUA) en avril 2015 dans le cadre d’un atelier a identifié six facteurs qui sont à la base de l’inefficacité du PDU Dakar 2025 et qui sont : l’urbanisation n’a pas respecté le plan d’occupation du sol ; la non mise en œuvre de projets ; Le plan directeur n’est pas bien respecté par les populations ; Le plan directeur n’est pas accompagné d’outils d’appui tels que le plan d’urbanisme de détails (PUD) ; Le plan directeur n’est pas souvent bien respecté par l’administration ; Des changements rapides de l’environnement politique et social notés.

Le manque de maîtrise de l’espace urbain, la spéculation foncière, la forte croissance démographique, la problématique du transport public, la crise du logement social, la croissance rapide des villes de la région de Dakar, la dégradation du cadre vie et la vulnérabilité sociale de nombreuses catégories de populations, contribuent largement à la multiplication des problèmes et à la situation difficile que connaît l’urbanisme

Pour prévenir ces facteurs d’inefficacité qui ont paralysé le PDU Dakar 2025, il est prévu dans le cadre du PDU Dakar 2035 les mesures suivantes : Renforcer la reconnaissance du plan directeur par les populations; Améliorer les outils de soutien du plan directeur et renforcer la reconnaissance du plan directeur par les structures étatiques et les collectivités territoriales.

La phase d’élaboration du plan directeur n’est qu’une étape, le suivi-évaluation en est une autre. Même si le code de l’urbanisme et son décret d’application ne prévoient que la révision des plans d’urbanisme et non la mise en place d’un dispositif de suivi-évaluation, le défaut de suivi-évaluation rend problématique la maîtrise de l’évolution urbaine qui doit permettre l’ajustement de ces documents d’urbanisme.

Le schéma directeur d’aménagement et de développement territorial (SDADT) Dakar Thiès Mbour a prévu dans les organes et instruments de mise en œuvre du schéma une cellule de coordination et suivi, et un budget annuel pour financer de telles activités. Il faudra aussi éviter que de tels dispositifs soient exclusivement centrés sur les services de l’administration et veiller à leur caractère inclusif.

L’efficacité des plans d’urbanisme est-elle affectée par la longue durée des phases d’élaboration et d’approbation officielle qui crée un décalage entre les plans approuvés et la réalité sur le terrain ce qui rend caduques certains aménagements, prescriptions et restrictions. Par exemple, l’élaboration du PDU Dakar horizon 2025 a démarré en 2000 mais son approbation par décret n’est survenue qu’en 2009.

Le PUD de Pikine Guédiawaye est achevé depuis 2017 mais il n’est pas encore approuvé. Le défaut d’approbation officielle ne permet pas la vulgarisation souhaitée et l’appropriation. La persistance du retard de l’approbation risque d’en faire un plan dépassé et de rendre inutiles ses prescriptions. Ainsi, il deviendra simplement une étude monographique de plus, source de données pour les prochaines études. Cette situation ne favorise pas le contrôle de l’occupation du sol car le plan ne fait que constater l’occupation du site après son approbation.

La phase d’élaboration du plan directeur n’est qu’une étape, le suivi-évaluation en est une autre. Même si le code de l’urbanisme et son décret d’application ne prévoient que la révision des plans d’urbanisme et non la mise en place d’un dispositif de suivi-évaluation, le défaut de suivi-évaluation rend problématique la maîtrise de l’évolution urbaine qui doit permettre l’ajustement de ces documents d’urbanisme

L’encadrement légal des lotissements (code de l’urbanisation et de décret)  

La création et la mise en œuvre de lotissement à usage d’habitation, de jardins ou d’établissements industriels, commerciaux, artisanaux, touristiques ou d’équipements, doivent être exécutées en conformité avec les plans d’urbanisme. L’autorisation de lotir est délivrée par le ministre chargé de l’urbanisme, après avis de la collectivité concernée au propriétaire du terrain ou à son mandataire.

L’autorisation de lotir est refusée si le terrain est impropre à l’habitation, notamment si le terrain est exposé à un risque naturel tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, et si le lotissement n’est pas conforme aux dispositions du plan d’urbanisme en vigueur dans le périmètre où se trouve le terrain à lotir ou si le terrain est classé aire protégée ou zone de protection spéciale en raison de son intérêt écologique.

Les lotissements à caractère évolutif peuvent être autorisés seulement dans des zones où sont prévues des habitations économiques. Ces lotissements requièrent une viabilisation sommaire des parcelles répondant aux normes élémentaires.

Le pôle urbain de diamniadio 

La nouvelle ville est située dans une importante zone de ressources en eaux souterraines. Le site accueille aussi un parc industriel. La délégation Générale des Pôles Urbains de Diamniadio et du Lac Rose s’est dotée d’un plan vert qui encadre l’aménagement du pôle de Diamniadio et qui est partie intégrante du cahier de charges accompagnant la convention qui la lie aux opérateurs.

L’aménagement du pôle aurait dû intégrer une partie des périmètres horticoles qui existaient auparavant sur le site auparavant. La promotion du vert ne saurait être réduite au décor, au récréatif, au contemplatif ou à la beauté. Le vert peut plutôt renvoyer à la sécurité alimentaire, à la lutte contre la pauvreté et à la génération de revenus pour les populations vulnérables.

En respect même au principe de mixité, la préservation des sites horticoles sur des terrains propices et même leur accompagnement à travers la prise en compte des pratiques agroécologiques produiraient davantage de valeur ajoutée économique, sociale et écologique.

Mobilité et habitat informel 

L’utilisation du sol dans la région de Dakar est caractérisée par une concentration des activités commerciales, administratives et institutionnelles au niveau du Plateau et de Fann, et des activités industrielles aux alentours du Port et le long du littoral Sud (département de Dakar).

L’autorisation de lotir est refusée si le terrain est impropre à l’habitation, notamment si le terrain est exposé à un risque naturel tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, et si le lotissement n’est pas conforme aux dispositions du plan d’urbanisme en vigueur dans le périmètre où se trouve le terrain à lotir ou si le terrain est classé aire protégée ou zone de protection spéciale en raison de son intérêt écologique

Les mouvements pendulaires entre le Centre et la proche banlieue constituent l’essentiel des flux de déplacements motorisés en raison de cette concentration des services et équipements publics dans les zones du Plateau et de Fann. Le reste du territoire est à dominante résidentielle.

L’épuisement des réserves foncières dans les Départements de Dakar et de Guédiawaye fait qu’on assiste à un report de la population sur les Départements de Pikine et Rufisque, ce qui se traduit par un étalement urbain vers les secteurs Nord-est de la région.

Les ménages à Dakar consacrent 11 % de leur revenu à la mobilité. Le taux d’effort est plus élevé chez les ménages pauvres car il atteint 17 % chez 20 % des ménages les plus pauvres et 9 % chez 20 % des ménages les plus riches.

Assainissement des eaux usées

La banlieue de Dakar, principalement le département de Pikine, n’est pas desservie par un réseau d’assainissement collectif, mais dispose de systèmes d’assainissement individuel ou, plus rarement, semi-collectifs. La prévalence de l’assainissement autonome dans les départements de Pikine et de Guédiawaye s’explique par l’irrégularité du tissu urbain et la densité du bâti car ces sites, dans leur majorité, n’ont pas connu un aménagement préalablement à l’installation des populations.

L’amélioration des performances de l’assainissement individuel vis – à – vis de l’épuration est difficilement envisageable pour des raisons liées à l’affleurement de la nappe à certains endroits, et à la densité du bâti.

La restructuration urbaine à Dakar 

Selon ONU Habitat, plus de 60 % des ménages urbains africains, soit 238 millions de personnes, vivent dans des bidonvilles – et cette population représente environ 23 % de tous les ménages qui vivent dans des bidonvilles dans le monde. Au Sénégal, 9 000 hectares du territoire sont constitués des bidonvilles.

Les ménages à Dakar consacrent 11 % de leur revenu à la mobilité. Le taux d’effort est plus élevé chez les ménages pauvres car il atteint 17 % chez 20 % des ménages les plus pauvres et 9 % chez 20 % des ménages les plus riches

La population est confrontée à un déficit énorme de terrains viabilisés pour construire ses maisons en toute légalité. Face à l’absence d’une offre spécifique de parcelles aménagées et de logements pour le segment de la population à faible revenu, les quartiers spontanés et les quartiers irréguliers prolifèrent autour des grands centres urbains.

Accès au logement social 

L’accès au logement abordable dépend de trois facteurs : le revenu du ménage, le prix de la maison et les conditions de financement. En Afrique, la confluence des faibles revenus des ménages urbains, des taux d’intérêt hypothécaires élevés et des prêts à court terme (le cas échéant) ou de l’absence totale de financement se traduit par un très faible accès au logement.

Au Sénégal, seulement 1.5 % des adultes détenaient un produit hypothécaire en 2015. Bien que le marché financier soit dynamique, l’accès au financement demeure problématique pour une grande partie de la population sénégalaise, surtout pour les ménages à revenus bas.

La flambée des prix du logement au Sénégal est le résultat d’un long processus de spéculation sans précédent conjugué à la rareté des terres ainsi que la cherté des terrains et matériaux de construction. La cherté des prix des maisons est en partie le fruit de la flambée des terrains à bâtir. A titre illustratif, le prix du mètre carré de terrain a été multiplié par près de 2.5 entre 1994 et 2000, puis par plus de 2 entre 2000 et 2009. Ainsi, les locataires sont majoritaires à Dakar où ils représentent 52 % des ménages (pour seulement 23 % au niveau national).

Les recommandations pour un développement urbain inclusif et équitable

Assainissement : Mettre en œuvre le PDAL eaux usées à Pikine et Guédiawaye ; Réaliser le plan directeur de drainage pour le département de Rufisque et poursuivre sa mise en œuvre à travers le PROGEP ; Responsabiliser les collectivités territoriales dans l’assainissement autonome à travers : l’octroi d’agrément aux vidangeurs ; l’assistance technique aux ménages dans la construction d’ouvrages adaptés (fosses septiques, fosses étanches) ; l’investissement dans les déversantes de boues de vidange et le semi-collectif.

Gouvernance territoriale de Dakar : mettre en place une structure intercommunale (type communauté urbaine de Dakar) en charge de l’urbanisme (plans d’urbanisme, rénovation et restructuration, ZAC), de la mobilité, de la voirie (et éclairage public) intercommunale, de la gestion des déchets, etc. dont les ressources proviendront d’une partie de la TVA collectée dans la région. Elle assurera aussi la tutelle technique du CETUD et de la DGPU.

 

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