Perception citoyenne sur l’état de de la démocratie et la gouvernance au Sénégal, Gorée Institute, 2020

Organisation affiliée : Gorée Institute

Site de publication : goreeinstitut.org

Type de publication : Document d’analyse

Date de publication : 2020

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* Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


 

Introduction

A la faveur de l’adoption de la Constitution de 2001, le Sénégal a érigé la bonne gouvernance en principe à valeur constitutionnelle. Un Programme National de Bonne Gouvernance (PNBG) dédié a été élaboré à cet effet en 2002.

Sur le plan politique, le Sénégal a toujours été considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, et particulièrement en Afrique de l’Ouest. On remarque toutefois un certain recul de la démocratie à travers la baisse de la participation politique et de la confiance dans les institutions.

Gouvernance démocratique et politique

Si globalement la question de la consécration démocratique ne se pose pas au Sénégal, la pratique est moins reluisante. Ils sont 58% des répondants à estimer que les consécrations constitutionnelles en matière de démocratie ne sont pas respectées.

La modernisation des partis politiques au Sénégal charrie également de multiples questions liées à la gouvernance des formations partisanes. Il en est ainsi des questions liées, entre autres, à l’opacité des financements, au renouvellement de l’élite, à l’élasticité et la volatilité même des partis.

Si globalement les répondants estiment que la justice au Sénégal est accessible, l’opinion dominante qui se dégage est que celle- ci est faiblement indépendante. Plus spécifiquement, ils ne sont que 4% et 9% à estimer respectivement que la justice au Sénégal est « tout à fait » et « plutôt » indépendante.

De même, ils sont 68% des enquêtés à estimer que l’Assemblée nationale ne joue pas pleinement et effectivement son rôle de contrôle de l’action du gouvernement. La configuration de l’Assemblée nationale, suivant les différentes législatures et plus particulièrement celle actuelle, ne milite pas en faveur d’une représentation efficace et performante de l’opposition.

Au fil de l’actualité sénégalaise, l’on note des fiascos judiciaires, la défection de magistrats et des entorses à la règle de droit qui ont fini par construire une image relativement négative de la situation d’État de droit au Sénégal.

La modernisation des partis politiques au Sénégal charrie également de multiples questions liées à la gouvernance des formations partisanes. Il en est ainsi des questions liées, entre autres, à l’opacité des financements, au renouvellement de l’élite, à l’élasticité et la volatilité même des partis

Au Sénégal, on constate une très forte dynamique des organisations de la société civile. En effet, la plupart des acquis démocratiques emblématiques trouvent leur origine dans l’action ou l’inspiration de la société civile.

Gouvernance administrative

Au Sénégal nous remarquons la présence dans les plus hautes sphères de l’État des nominations politiques. La quasi-totalité des ministères est dirigée par des personnes proches ou des camarades de parti du Président de la République.

Au cours de l’enquête, 66 % des enquêtés sont d’accord sur le non-respect et la non transparence des procédures de recrutement et de promotion dans la fonction publique sénégalaise. Ces résultats montrent que le système des procédures de recrutement doit se faire par voie de concours pour que le recrutement soit équitable et ouvert pour tout le monde.

Les données sur les performances de l’administration sénégalaise dans ses prestations de service notamment dans le domaine de l’éducation ne sont pas favorables. Au Sénégal, la problématique de l’accès aux services de santé est très préoccupante. La population ne bénéficie pas d’une équité sur les services délivrés, ce qui explique les nombreuses inégalités sur l’accès aux soins de santé.

Les résultats des enquêtes sur la sensibilité de l’administration par rapport au genre démontrent que 50 % des personnes enquêtées jugent l’administration sensible au genre dans son ensemble. Aujourd’hui, les efforts consentis ont permis de garantir l’effectivité des droits des femmes et une prise en compte de leurs spécificités dans les plans, politiques et programmes.

Au fil de l’actualité sénégalaise, l’on note des fiascos judiciaires, la défection de magistrats et des entorses à la règle de droit qui ont fini par construire une image relativement négative de la situation d’État de droit au Sénégal

Gouvernance locale

Le Sénégal a connu plusieurs étapes dans son long processus de décentralisation, lequel vise à déboucher sur une démocratie et une gouvernance locale. En 2013, la deuxième alternance a poussé le bouchon plus en profondeur en adoptant ce qui est communément appelé l’Acte 3 de la décentralisation. Ce dernier présente plusieurs écueils et ses résultats, encore mitigés, peinent à prendre ancrage dans la réalité socio- politiques des différentes collectivités territoriales.

Les résultats de l’enquête traduisent relativement cette réalité. En effet, si 39% des répondants considèrent qu’il existe une démocratie et une gouvernance locale au Sénégal, 27% sont, au contraire, d’un avis opposé. 52% des enquêtés jugent que cette gouvernance locale n’est, en général, ni transparente ni participative encore moins efficace.

On peut estimer que la territorialisation des politiques publiques devrait aider au rapprochement des populations aux institutions et à leurs gouvernants. En effet elle postule la fin d’une gestion centralisée des projets de développement à travers notamment les ministères et autres agences directement rattachées à la présidence de la République.

Gouvernance économique

39 % des personnes enquêtées considère que l’élaboration du budget de l’État n’est pas participative.

Sur le plan institutionnel, le contrôle des marchés publics a été renforcé avec la création d’une Direction centrale des marchés publics (DCM) qui s’occupe du contrôle a priori et de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) qui elle exerce un contrôle a posteriori.

Au cours de l’enquête, 66 % des enquêtés sont d’accord sur le non-respect et la non transparence des procédures de recrutement et de promotion dans la fonction publique sénégalaise. Ces résultats montrent que le système des procédures de recrutement doit se faire par voie de concours pour que le recrutement soit équitable et ouvert pour tout le monde

Si l’indépendance de la Cour des Comptes n’est pas discutée, elle souffre d’un déficit de ressources humaines et ses recommandations sont rarement appliquées. La Cour souffre également d’un manque de visibilité. Les sanctions prises à l’endroit de certains agents restent méconnues du grand public.

L’écrasante majorité des enquêtés soit 76% a estimé que la lutte contre la corruption n’était pas efficace au Sénégal.

L’ancrage de la corruption s’explique par les faiblesses du cadre juridique et institutionnel qui apparaît désarticulé en ce sens que les institutions qui peuvent jouer un rôle dans la lutte contre la corruption ne travaillent pas dans un cadre formalisé. Des réformes sont cependant envisagées. Il est annoncé l’institution d’un parquet  financier ainsi que la création d’un organe de recouvrement des avoirs.

Recommandations

S’agissant de la gouvernance démocratique et publique :

  • Renforcer la transparence et l’inclusivité des processus électoraux notamment par : l’association des partis politiques à l’élaboration du fichier électoral ; l’accès permanent des partis politiques et candidats au fichier électoral ; la révision du parrainage dans le sens d’une plus grande transparence du contrôle des listes de parrainage
  • Renforcer l’indépendance de la justice notamment : l’élargissement du Conseil Supérieur de la Magistrature notamment à la société civile, à l’Assemblée Nationale ainsi qu’à d’autres professions de la justice ; l’indépendance du parquet par la rupture du lien ombilical avec le Ministère de la justice.
  • Renforcer l’indépendance de l’Assemblée Nationale et le contrôle exercé sur l’action du gouvernement notamment par : le rétablissement d’un certain équilibre entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel pour l’élection des députés ; le renforcement des prérogatives de l’opposition représentée à l’Assemblée Nationale

S’agissant de la gouvernance locale :

  • Dépolitiser l’administration par le recours à l’appel à candidatures notamment aux hautes fonctions administratives ; Faire de l’éducation et de la santé des secteurs de financement prioritaire du fonds de péréquation et d’appui des collectivités locales

S’agissant de la gouvernance administrative :

  • Accélérer la digitalisation des documents administratifs et internaliser une culture de la gestion axée sur les résultats ; Garantir l’accès aux ressources nationales aux collectivités locales ; encourager et renforcer les mécanismes de la participation citoyenne ; Associer d’autres acteurs notamment la société civile à l’élaboration du budget

Si l’indépendance de la Cour des Comptes n’est pas discutée, elle souffre d’un déficit de ressources humaines et ses recommandations sont rarement appliquées. La Cour souffre également d’un manque de visibilité. Les sanctions prises à l’endroit de certains agents restent méconnues du grand public

S’agissant de la gouvernance économique :

  • Veiller à l’application effective des sanctions prévues en cas de violation du Code des marchés publics ; Impliquer l’opposition et la société civile dans toute la chaine de valeurs de l’exploitation des ressources minérales ; Rendre opérationnel le fonds de péréquation et d’appui des collectivités locales ; Diligenter l’application des réformes entreprises dans la gouvernance des ressources minérales et parachever la réforme du droit pétrolier pour une gouvernance transparente, inclusive et équitable des ressources naturelles ; Aligner le cadre institutionnel et juridique de lutte contre la corruption sur les standards internationaux en la matière ; Renforcer de manière spécifique les méthodes de sensibilisation des populations sur les méfaits de la corruption.