Moussa Diagne, Journaliste: « A Saint-Louis, les licences de pêche pour naviguer en zone maritime mauritanienne sont bloquées »

Les entretiens de WATHI – Les régions du Sénégal – Série Covid-19 – Focus Saint-Louis

Moussa Diagne

Moussa Diagne est un journaliste spécialisé dans la région de Saint-Louis. Il a eu une expérience dans plusieurs organisations sénégalaises de presse écrite et radio. Il a également été conseiller en communication au Conseil régional de Saint-Louis pendant sept ans.

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Extraits

Les menaces provoquées par le Covid-19 sont réelles et dans les trois départements, les autorités territoriales, sanitaires et municipales ont tout mis en œuvre pour protéger les populations. Pour être très réactif et pragmatique si vous voulez, des produits antiseptiques comme des gels hydroalcooliques, des morceaux de savon, du savon liquide, des masques, des gants sont mobilisés grâce à une solidarité agissante et tout cela est distribué aux populations.

Également, des campagnes de sensibilisation sont menées dans tous les quartiers et villages de l’espace territorial pour éviter la propagation du virus. Selon les spécialistes de santé, c’est la seule stratégie qui vaille pour éviter des cas de contamination. Déjà, le virus s’est introduit dans la région depuis quelques semaines et nous en sommes aujourd’hui à 5 cas.

Pour venir aux dégâts causés dans les secteurs d’activité importants de la région de Saint-Louis, étant entendu que la ville de Saint-Louis est une ville touristique, le secteur du tourisme est aujourd’hui très touché par le coronavirus. Saint-Louis avec ses hôtels sur l’île de la langue de barbarie en allant vers l’hydrobase, le Gandiol avec ses ranchs, les faunes, les parcs des oiseaux d’eaux de Dioudj et d’autres parcs comme le parc dans le Gandiol, les forts de Richard-Toll, de Dagana, de Podor permettaient à la région de recevoir des milliers de touristes et autres visiteurs mais présentement tout est à l’arrêt.

Sur l’île de Saint-Louis, tous ces lieux de réception sont fermés récemment. Les guides touristiques que j’ai rencontrés, les antiquaires m’ont fait savoir qu’ils restent toute la journée sans activités. Et pourtant, si on revient un peu en arrière, ce secteur était en bonne santé et faisait entrer beaucoup de devises dans la ville de Saint-Louis.

Pour le secteur de la pêche, le Covid-19 a complètement réduit l’activité des pêcheurs. Dans les quartiers, la majeure partie des professionnels de la mer nous ont fait comprendre qu’actuellement, le secteur est sous perfusion à cause de la fermeture de la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie. Les licences de pêche, qui permettaient aux pêcheurs d’entrer librement en zone maritime mauritanienne, sont bloquées par le gouvernement mauritanien. Du coup, les populations ont du mal à s’approvisionner dans nos marchés.

Auparavant, avec ces licences de pêche, le ravitaillement en produits halieutiques était correct et les pêcheurs faisaient de bonnes affaires. Les quais de Guet Ndar par exemple ou de Gokhou Mbathie étaient toujours remplis de camions frigorifiques qui achetaient du poisson pour servir les autres localités. Mais avec ce virus du mal, la situation est catastrophique et la plupart des pirogues ont regagné la terre ferme. Hier, un responsable m’indiquait qu’il a acheté presque 600.000 francs CFA de carburant pour aller en mer et, au retour, il n’a même pas encaissé la moitié de ses dépenses.

Les guides touristiques que j’ai rencontrés, les antiquaires m’ont fait savoir qu’ils restent toute la journée sans activités

Dans le domaine de l’agriculture, la vallée du fleuve Sénégal est considérée comme le grenier de notre pays. Le programme de l’autosuffisance alimentaire souffre depuis que le virus est entré dans notre pays. De Ross Béthio qu’on considère comme la capitale rizicole du pays à Ronkh en passant par Kassack-nord et Kassack-sud, Rosso-Sénégal, Kolona et Podor, les producteurs ont d’énormes difficultés pour sortir la production. Les mesures prises par le gouvernement, qui interdit le transport interurbain, ont complètement perturbé le secteur.

Aujourd’hui, je vous annonce qu’à Ndiayène Pendao dans le département de Podor, les producteurs d’oignons risquent de perdre toute la production. Les camions se font rares à cause de cette mesure (d’interdiction de déplacement interurbain). Si on regarde dans le rétroviseur, c’est-à-dire trois mois avant l’apparition du virus, le secteur était en bonne santé. Les 2.500 hectares de terre emblavées dans le Delta et la vallée du fleuve Sénégal faisaient entrer des milliards de francs CFA à ses producteurs. Actuellement, même l’approvisionnement des intrants prend beaucoup de retard et les conséquences sont énormes car ce retard affaiblit les rendements à l’hectare.

Les licences de pêche, qui permettaient aux pêcheurs d’entrer librement en zone maritime mauritanienne, sont bloquées par le gouvernement mauritanien

Le secteur de l’élevage est le plus touché par la propagation du Covid-19. Les éleveurs qui faisaient le tour des marchés hebdomadaires pour vendre leurs bovins, caprins et autres petits ruminants, ne peuvent plus le faire. Aujourd’hui, nombreux sont les éleveurs qui pensent que le coronavirus est venu pour les anéantir. Quelqu’un me disait que même pour acheter des denrées alimentaires, il parcourt des kilomètres pour s’approvisionner.

L’aliment de bétail est introuvable. Les cheptels commencent à sentir les effets de la crise du Covid-19 et pourtant ce secteur avait fini de prendre son envol. Les éleveurs, avec le programme d’insémination artificielle parvenaient à produire d’importantes quantités de lait et de viande. A l’heure actuelle, tout est au ralenti et ils ne peuvent plus se déplacer comme avant pour trouver du fourrage car, comme vous le savez, les déplacements sont interdits pour éviter la propagation du virus.

Les éleveurs qui faisaient le tour des marchés hebdomadaires pour vendre leurs bovins, caprins et autres petits ruminants, ne peuvent plus le faire

Aujourd’hui, on constate que tous ces secteurs sont sous perfusion. On a comme l’impression que tout est à l’arrêt au niveau de la région de Saint-Louis. Le constat est clair : il faut que nos gouvernements, les autorités étatiques viennent en aide à ces populations qui commencent à sentir les effets du coronavirus qui a complètement paralysé l’ économie locale au niveau de Saint-Louis.

 


Source photo : Watu Digital Lab

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