Profil Genre Sénégal, Union Européenne, Novembre 2021

Auteurs : Dr Sepideh Labani Motlagh, Sonia Sanz Ventin

Site de publication : Délégation de l’UE au Sénégal

Type de publication : Rapport

Date de publication : Novembre 2021

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Introduction

Le Sénégal a de nombreux défis à relever pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), en particulier l’ODD 5 : atteindre l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles. Les femmes et les filles continuent d’être fortement désavantagées par rapport aux garçons et aux hommes dans plusieurs domaines, notamment l’alphabétisation, la santé, les moyens de subsistance et les droits humains fondamentaux. Elles souffrent en outre de diverses formes de violence sexiste et d’un statut inférieur dans leur société et manquent de réseaux de soutien social.

L’égalité des genres est une valeur fondamentale et une priorité politique pour l’UE dans tous les domaines. Une analyse de genre est un élément clé pour guider le soutien de l’UE à la promotion de l’égalité des genres dans les actions extérieures de l’UE. Il fournit les données et informations nécessaires pour intégrer une perspective de genre dans les politiques, les programmes et les projets.

En novembre 2020, le Conseil de l’UE a adopté le nouveau plan d’action GAP III 2020-2024 pour l’égalité entre les hommes et les femmes sur la période 2020-2024. Fort de l’expérience des deux premiers plans d’action (GAP I de 2010-2015 et GAP II 2016-2020) et guidé par les résultats de l’évaluation finalisée en 2015 et 2020, le GAP III (2020- 2025) est axé sur les résultats et vise à rendre le travail de l’UE et des États membres plus efficace et coordonné en matière d’égalité des genres et d’autonomisation des femmes.

Cadre légal, normatif et stratégique

Le Sénégal a ratifié presque tous les instruments internationaux et régionaux des droits humains sur l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, ainsi que ceux qui sont relatifs à la protection des droits des femmes, comme la Déclaration Universelle des Droits Humains et la Convention sur l’Élimination de toutes les formes de Discriminations à l’Égard des Femmes (CEDEF).

Concernant le cadre juridique national, la Constitution de 2001 assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, et y inscrit le principe d’égalité entre les hommes et les femmes (art. 7). La Constitution prévoit également le droit à l’éducation pour tous, et l’égal accès à la possession et à la propriété de la terre (art. 15).

Croyances et perceptions

Bien que le gouvernement ait fourni des efforts pour renforcer le mécanisme de genre et promouvoir l’égalité des sexes, grâce à plusieurs changements juridiques et institutionnels spécifiques, le Sénégal reste une société patriarcale avec des pratiques, des attitudes et des croyances traditionnelles qui renforcent les rôles de genre inégaux, et contribuent de manière persistante à affecter négativement la participation des femmes dans le développement.

La violence sexiste se produisant également dans les écoles, a un impact sur l’éducation des filles. Les stéréotypes de genre ont également un impact sur la vie, la sociabilité et le bien-être des garçons et des hommes, car le sujet de la quête de masculinités non toxiques n’est pas suffisamment abordé au Sénégal.

Accès aux ressources

La capacité des femmes à accéder aux ressources productives au Sénégal est particulièrement désavantageuse par rapport aux hommes, en particulier dans les zones rurales. L’accès inégal à l’éducation, influencé par des facteurs tels que les grossesses précoces, le travail des enfants et les tâches ménagères, exerce une influence négative sur les taux d’alphabétisation des femmes, bien inférieurs à ceux des hommes (taux d’alphabétisation de 65% chez les hommes, contre 40% chez les femmes).

La participation des femmes au marché du travail y est de 34,5%, contre 58% pour les hommes. Les femmes majoritairement représentées dans le secteur informel, ne bénéficient donc pas de services sociaux de base, et travaillent souvent de longues heures dans des conditions insalubres et parfois dangereuses. Elles sont plus affectées par le chômage (22,1% des femmes, contre 9,6% des hommes), et ont des ressources limitées (intrants agricoles, entreprises et accès à la terre). L’autonomisation économique des femmes est d’autant plus limitée qu’elles ont moins accès aux TIC.

Pratiques et participation

Pour mesurer l’ampleur des pratiques discriminatoires envers les femmes et leur faible participation aux décisions, tous les organismes nationaux et internationaux insistent sur le manque criant de statistiques et de données désagrégées par sexe. En effet, constatant une absence flagrante de statistique fiable, il devient nécessaire de produire des données, des études de perception, et de la sensibilisation sur les droits des femmes dans le mariage, par exemple, ou sur les effets de la polygamie et du mariage des mineurs, etc.

Les pratiques préjudiciables basées sur le genre sont porteuses de nombreuses discriminations, et de violations des droits fondamentaux des personnes qui en sont victimes. La prise en compte de la vulnérabilité genrée des femmes (Charge mentale, surexposition aux maladies, risques liés à la maternité et à la sexualité) apparait essentielle pour apporter les réponses les plus appropriées aux questions de santé. Le taux élevé de grossesses précoces entrave le droit à l’éducation et le droit à la santé des jeunes filles.

La participation des femmes au marché du travail y est de 34,5%, contre 58% pour les hommes. Les femmes majoritairement représentées dans le secteur informel, ne bénéficient donc pas de services sociaux de base, et travaillent souvent de longues heures dans des conditions insalubres et parfois dangereuses. Elles sont plus affectées par le chômage (22,1% des femmes, contre 9,6% des hommes), et ont des ressources limitées (intrants agricoles, entreprises et accès à la terre). L’autonomisation économique des femmes est d’autant plus limitée qu’elles ont moins accès aux TIC

Contexte

Le contexte politique du Sénégal est assez stable. Il est considéré comme un des pays les plus stables du continent Africain. Le Sénégal est une république démocratique constitutionnelle. Et la constitution sénégalaise s’aligne sur le respect des principaux droits fondamentaux même s’il y a encore des questions qui sont pointées par les organisations internationales de défense des droits humains.

Le Sénégal se caractérise aussi par sa diversité ethnique, religieuse et linguistique (il y a actuellement 21 langues qui bénéficient du statut de langue officielle). Au niveau démographique, le Sénégal a connu un exode rural important, concentrant la majeure partie de la population dans les grandes et moyennes villes. Il est aussi caractérisé par les migrations : l’immigration des pays limitrophes, et également l’émigration avec une forte diaspora à l’extérieur du pays.

D’autre part, la crise du COVID-19 le révèle à nouveau, les femmes restent les plus vulnérables face aux chocs économiques et sociaux. En effet, leur surreprésentation dans le secteur informel, plus précaire en termes économiques et de protection sociale, a pour conséquence de les exposer à une vulnérabilité accrue, ainsi qu’à d’autres répercussions telles que l’augmentation des violences faites aux femmes. De manière générale, la pandémie a eu un impact négatif sur l’évolution de tous les objectifs de développement durables (ODD), et particulièrement l’ODD 5, sur l’égalité entre les sexes.

Les analyses préliminaires de la première année de la pandémie montrent un recul important sur tous les indicateurs concernant l’égalité de genre, partout dans le monde. Il en résulte de graves conséquences sur les droits des femmes et des filles et leur autonomisation, dans toutes les catégories sociales, mais plus particulièrement pour celles qui sont en situation de plus grande vulnérabilité.

Les cadres stratégiques : stratégies nationales et gouvernementales

Au niveau stratégique, le gouvernement sénégalais a mis en place plusieurs stratégies nationales afin d’implanter différentes politiques qui améliorent la position des femmes dans la vie économique et sociale. Les différentes stratégies expliquées ci-dessous sont du ressort du Plan Sénégal Émergent à l’horizon 2035.

D’autre part, la crise du COVID-19 le révèle à nouveau, les femmes restent les plus vulnérables face aux chocs économiques et sociaux. En effet, leur surreprésentation dans le secteur informel, plus précaire en termes économiques et de protection sociale, a pour conséquence de les exposer à une vulnérabilité accrue, ainsi qu’à d’autres répercussions telles que l’augmentation des violences faites aux femmes. De manière générale, la pandémie a eu un impact négatif sur l’évolution de tous les objectifs de développement durables (ODD), et particulièrement l’ODD 5, sur l’égalité entre les sexes

Le Plan Sénégal Émergent à l’horizon 2035 (PSE) Le Plan Sénégal Émergent (PSE) constitue le référentiel de la politique économique et sociale à l’horizon 2035. Le PSE est une stratégie décennale sur la période 2014-2023, adossée à une vision, celle d’un Sénégal émergeant à l’horizon 2035 à travers trois axes stratégiques qui sont :

• La transformation structurelle de l’économique et de la croissance,

• Le capital humain, protection sociale et développement durable,

• La gouvernance, institutions, paix et sécurité.

La Stratégie Nationale pour l’autonomisation économique des femmes (SNAEF) (2021-2025)

Cette stratégie vise à promouvoir et à renforcer l’entreprenariat féminin et les entreprises dirigées par des femmes au cours des 15 prochaines années. Dans le domaine du travail salarié, les objectifs de la stratégie sont les suivants :

  1. Améliorer la participation des femmes à l’emploi salarié dans les secteurs clés de l’économie, y compris les secteurs à forte valeur ajoutée et les secteurs émergents ;
  2. Améliorer la participation des femmes aux postes de direction dans les entreprises.

Stratégie Nationale de la protection sociale (2015 -2035)

Dans le long terme (horizon 2035), l’objectif est de construire un système de protection sociale accessible à toutes les Sénégalaises et à tous les Sénégalais, fournissant à chacun et à chacune non seulement un revenu minimum garanti et une couverture maladie, mais aussi un filet de sécurité global assurant la résilience à tous ceux et celles qui souffrent des chocs et des crises pouvant les faire basculer dans la pauvreté.

Les objectifs spécifiques sont : Soutenir la protection sociale intégrée pour tous les enfants ; • Mettre en place des programmes et des régimes pour les personnes en âge de travail (y compris l’assurance maternité, la prévention des cancers du sein et du col de l’utérus, la promotion des crèches privées et des garderies, l’assurance-chômage, etc.) ; • Établir un système de revenus minimums et de soins de santé garantis pour toutes les personnes âgées ; • Établir un système intégré de sécurité sociale pour les personnes invalides  et en situation de handicap ; • Renforcer la résilience des communautés aux chocs et aux catastrophes.

Plan de Réponse aux violences faites aux femmes, à l’exploitation, aux abus sexuels et au harcèlement sexuel – Projet d’intervention COVID-19

Ce plan propose un mécanisme pour répondre aux cas de violences sexistes identifiées, ou signalées. Le mécanisme de prévention et de prise en charge des VBG pendant la mise en œuvre du Projet repose sur 6 piliers :

  1. Un Code de conduite ;
  2. La Formation sur les VBG, l’EAS, le HS, le mécanisme de gestion des plaintes, et le traitement des cas ;
  3. Le référencement vers les services de prise en charge (procédure de signalement) ;
  4. La mise à disposition des kits d’urgence pour les violences sexuelles ;
  5. La communication ; 6. Le suivi et l’évaluation.

Le patriarcat et le principe d’infériorité de la femme

Le principe moteur de la société est celui des hommes comme source et détenteur d’autorité. La détermination des statuts comme la répartition des rôles s’ordonnent à partir de ce principe. Les femmes, à quelques nuances près, sont exclues de l’espace public, du champ du pouvoir et de la prise de décision (politique, religieux ou économique). Elles exercent leurs rôles, principalement et majoritairement, dans les espaces privés, domestiques ou communautaires.

Selon l’Institut de Recherche et de Développement27, les femmes sénégalaises vivent dans un environnement socioculturel dont les valeurs et les règles sont fortement orientées par le système patriarcal. Si l’autonomie financière permet aux plus aisées de confier leurs obligations domestiques à du personnel de maison, majoritairement féminin, les hommes restent seuls détenteurs légitimes du statut de chef de famille, quel que soit le milieu social.

Conséquences du système patriarcal

  • Infériorité des femmes
  • Soumission aux règles patriarcales
  • Exclusion de la sphère publique
  • Dépendance économique
  • Exposition aux violences

L’ordre social est avant tout celui de la hiérarchie qui établit la supériorité « naturelle » de l’homme sur la femme29. Ce principe premier est la pièce centrale du socle idéologique du système patriarcal qui légitime la supériorité des hommes, la perpétuation de la position subalterne des femmes, et les discriminations et les violences qu’elles subissent.

Stéréotypes, media et système scolaire

Au Sénégal aujourd’hui, les médias (télés, radios, plateformes web, etc.) sont les principaux vecteurs de messages, y compris ceux de la masculinité. Selon l’étude de l’Université de Saint Louis mentionnée plus haut, les médias exerceraient plus d’influence que les cadres sociaux traditionnels (familles, lieux d’apprentissages, lieux de culte, etc.) qui assuraient habituellement la tâche de « la construction sociale des différences sexuelles ».

Les constructions sociales et culturelles sur les rôles des femmes et des hommes s’accompagnent d’images et de représentations stéréotypées des deux sexes, concernant leurs compétences, leurs sphères d’activités ou leurs rôles respectifs. En général, elles tendent à renforcer le statut d’infériorité et de dépendance des femmes. Toutes ces représentations sont produites, transmises et maintenues à travers des processus d’apprentissage et de socialisation, comme les médias.

L’accès à la terre, à la sécurité du régime foncier et aux crédits

Dans un pays qui dépend de l’agriculture, l’accès à la terre est un élément essentiel des moyens de subsistance, notamment dans les zones rurales. Historiquement, les terres familiales sont gérées par les hommes, grâce à un système complexe de droits d’utilisation qui se chevauchent. Les femmes et les jeunes avaient rarement un accès direct à la terre. Aujourd’hui, à la suite de l’adoption d’une loi de décentralisation de 1996, le foncier au Sénégal est géré par les gouvernements locaux des municipalités et des communautés rurales.

En raison de la complexité des relations entre les différents niveaux de gouvernement et des pratiques coutumières persistantes entourant la distribution des terres, il est difficile de savoir combien de terres sont entre les mains des femmes. Bien que les lois formelles permettent aux femmes d’hériter de la terre, elles ne peuvent généralement pas bénéficier de manière significative de cette législation en raison de leur marginalisation par les pratiques coutumières.

En raison des difficultés à accéder à la terre, dans les zones rurales, les femmes se heurtent à des obstacles quant à l’accès aux microfinancements et aux microcrédits à faible taux d’intérêt, car elles ont moins d’opportunité de garantir le prêt. Par conséquence, ceci limite leur accès à entreprendre une activité génératrice de revenus, et leurs options d’achat de terres.

Les constructions sociales et culturelles sur les rôles des femmes et des hommes s’accompagnent d’images et de représentations stéréotypées des deux sexes, concernant leurs compétences, leurs sphères d’activités ou leurs rôles respectifs. En général, elles tendent à renforcer le statut d’infériorité et de dépendance des femmes. Toutes ces représentations sont produites, transmises et maintenues à travers des processus d’apprentissage et de socialisation, comme les médias

Les veuves peuvent, soit épouser le frère de leur mari pour conserver la garde de leur terre, un processus connu sous le nom de lévirat, soit retourner dans leur famille natale où elles reçoivent des terres de leurs pères ou frères. Les hommes peuvent également exercer un contrôle sur l’accès des femmes à la terre en contrôlant leurs dépenses.

Participation à la vie politique, publique et associative

L’adoption de la loi n° 2010-11 (mai 2010) a institué la parité entre les femmes et les hommes dans les organes entièrement ou partiellement électifs, impulsant la représentation des femmes à l’Assemblée Nationale de passer d’un taux de 43 % à 47.2% lors des élections de 2019. Le gouvernement a aussi mis en place un Observatoire national de la parité.

Les autorités ne garantissent pas la participation des femmes dans d’autres domaines de la vie politique et publique, à des postes de prise de décisions, notamment au sein du Gouvernement et au niveau des collectivités locales (aux fonctions électives de maire et aux postes de responsabilité pourvus par nomination au sein du Gouvernement, de l’appareil judiciaire, de la fonction publique, des forces de sécurité et du corps diplomatique).

Recommandation

Une amélioration de la participation des femmes dans la vie politiques requière la promotion d’une représentation égale des femmes dans la vie politique et publique, aux niveaux national, provincial et local, y compris dans les fonctions électives de maire et aux postes de responsabilité au sein du Gouvernement, de l’appareil judiciaire, de la fonction publique, des forces de sécurité, du corps diplomatique et des associations d’agriculteurs.

Cette promotion devrait s’accompagner de programmes de formation et de mentorat ciblés portant sur les compétences en matière d’encadrement et de négociation à l’intention des candidates potentielles et des femmes qui exercent une fonction publique.

Prise de décision

Les hommes occupant plus de poste de pouvoir (aussi bien dans les sphères publiques que dans les sphères privées), le Directeur du laboratoire de recherches sur le genre (université de Cheikh Anta Diop) souligne l’absence d’équilibre dans les processus de prise de décision, car les femmes continuent d’avoir des rôles secondaires.

Ces mesures contribuent à institutionnaliser la relation de pouvoir en faveur de l’homme et discrimine la femme pour travailler. L’enfant est considéré comme étant à charge de l’homme uniquement. Cela incite l’homme à travailler, mais pas la femme, et contribue à maintenir le stéréotype de la femme n’ayant des responsabilités que dans la sphère domestique.

 

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