Rapport d’étude sur la redevabilité du secteur de la santé au Sénégal, BudgIT, 2022

Auteur : BudgIT

Site de publication : BudgIT Sénégal

Type de publication : Rapport

Date de publication :  Avril 2022

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Rappel du contexte d’intervention de la mission

Au Sénégal, le premier cas COVID 19 a été diagnostiqué le 02 mars 2020, coïncidant avec la date de la validation par le chef de l’Etat du Sénégal du plan de préparation à la riposte COVID 19. Le Sénégal a l’image des autres pays Africains s’est lancé dans une série de réflexions, d’initiatives, d’interventions, de stratégies et d’actions pour venir à bout cette pandémie.

Cependant, la mise en œuvre des actions identifiées en tant que réponse au COVID-19 a été parfois caractérisée par des cas de mauvaise gestion, d’achats illégaux, de népotisme, d’utilisation politique des aides financières et de détournement de fonds, ayant conduit de nombreuses communautés à faire face aux difficultés de la pandémie dans un isolement économique et social.

Cette situation est défavorable à une bonne relance économique et le renforcement du ‘système de santé et l’amélioration du service.

Dans le guide d’entretien, les thématiques abordées sont relatives à :

  • L’accès aux soins de santé en période de covid 19 ;
  • L’exécution du fonds force covid 19 dans la mise en œuvre des différentes mesures prises par le gouvernement ;
  • La place des organisations citoyennes dans le suivi de la redevabilité du secteur de la santé. Les trames d’entretiens élaborées ont été intégrées en annexe du rapport.

Analyse de la gouvernance des soins de santé au Sénégal

Le financement de la santé provient essentiellement de l’État, des partenaires au développement, des ménages et des collectivités territoriales. L’État est le principal pourvoyeur en ressources financières du secteur de la santé. La part du budget de l’État allouée au secteur de la santé est en hausse régulière ces dernières années. La priorité accordée au secteur de la santé s’est traduite par une augmentation constante du budget du Ministère de la Santé et de l’Action sociale. Les populations apportent leur contribution directement au financement du secteur de la santé à travers le système de contribution dans les prestations de soins (tickets modérateurs, recouvrement des coûts).

 Cependant, la mise en œuvre des actions identifiées en tant que réponse au COVID-19 a été parfois caractérisée par des cas de mauvaise gestion, d’achats illégaux, de népotisme, d’utilisation politique des aides financières et de détournement de fonds, ayant conduit de nombreuses communautés à faire face aux difficultés de la pandémie dans un isolement économique et social

Depuis 2020, le gouvernement a procédé à une intensification de la campagne de vaccination au relèvement des plateaux techniques des structures de santé, à la promotion de l’approche communautaire qui ont permis progressivement un retour à une certaine normalité dans le quotidien des Sénégalais.

Cette stratégie sera poursuivie voire renforcée en 2022 avec notamment l’acquisition de nouvelles doses de vaccins sur financement de l’Etat et de la Banque mondiale pour un montant d’environ 45 milliards FCFA pour assurer la vaccination de l’ensemble de la population et le maillage du territoire national en infrastructures sanitaires avec la mise en service de quatre nouveaux hôpitaux régionaux.

Au Sénégal, la répartition du personnel de la santé selon la région révèle que la région de Dakar concentre plus du tiers (36%) des professionnels de santé. Ainsi, 36% du personnel de soins du pays se trouvent à Dakar suivi de Thiès (11%). La région de Diourbel occupe la troisième position avec 8% du personnel de soins du pays. Cette situation de Dakar s’explique par sa forte démographie (23% de la population totale du pays) et sa position stratégique qui lui confère le statut de pôle lucratif des dépenses de santé abritant le plateau technique le plus relevé du pays.

La part du budget de l’État allouée au secteur de la santé est en hausse régulière ces dernières années. La priorité accordée au secteur de la santé s’est traduite par une augmentation constante du budget du Ministère de la Santé et de l’Action sociale

Les indicateurs de mortalité maternelle et infantile du Sénégal, s’ils se sont améliorés au cours des dernières années, demeurent en deçà des Objectifs du Développement Durable (ODD) pour le Sénégal. Le taux de mortalité lié à la grossesse et à l’accouchement, l’un des plus élevés de la sous-région (390 pour 100 000 naissances vivantes), est dû en grande partie au nombre important de grossesses à risque. La mortalité infantile (47 ‰ naissances vivantes) reste au même niveau depuis quelques années et ce à cause, notamment, du nombre important de décès néonataux (au cours du premier mois de la vie, qui représentent la moitié des décès).

Les données collectées montrent que le soutien au secteur de la santé n’a occupé que moins de 30% du budget total des fonds mobilisés pour la gestion du covid.

Le sentiment général qui ressort des entretiens avec les différents acteurs rencontrés est que le secteur de la santé est affecté par des pratiques de corruption et par une relative impunité, et ce point de vue est étayé par des exemples contenus dans le rapport de l’étude sur la Gouvernance et la corruption dans le système de santé au Sénégal. Dans le rapport du forum civil de 2004 sur le secteur de la santé apparaissait déjà une illustration assez détaillée de la situation vécue dans les formations sanitaires où certains responsables et agents de santé se livrent en toute impunité à des pratiques illicites telles que le rançonnement, la vente parallèle de médicaments, l’utilisation à des fins privées du matériel et des locaux publics et la « gratuité informelle »

Certains professionnels de santé utilisent les formations sanitaires publiques et leur matériel dans le cadre de consultations fournies à titre privé, en violation flagrante des textes en vigueur. Cette pratique est très prononcée dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) où certains chefs de service consacrent à leurs activités privées un nombre d’heures largement supérieur à celui autorisé par les textes.

Au Sénégal, la répartition du personnel de la santé selon la région révèle que la région de Dakar concentre plus du tiers (36%) des professionnels de santé. Ainsi, 36% du personnel de soins du pays se trouvent à Dakar suivi de Thiès (11%)

Outre ces pratiques entachant l’efficacité et la transparence des acteurs du secteur de la santé , les faiblesses ci-dessous ont été notées :

  • Au niveau central, le Ministère souffre de la mauvaise coordination des activités des directions techniques et des régions médicales.
  • L’application des réformes de décentralisation n’a pas totalement répondu aux attentes parce que les agents de santé méconnaissent les textes, les comités de gestion des formations sanitaires ne sont pas fonctionnels et certaines collectivités locales n’utilisent pas correctement les fonds de dotation de la décentralisation destinés à la santé.

Analyse de la gestion sanitaire spécifique au contexte du Covid 19

L’intervention des associations locales, mouvements de jeunes, unions de collectivités, organisations communautaires de base aux structures sanitaires a été notée fortement dans le cadre de l’étude. Ces appuis étaient relatifs à :

  • L’appui aux structures de santé dans : (i) la veille dans les postes de santé, la sensibilisation des populations ; (ii) la formation du personnel de l’hôpital en prévention et contrôle des infections et réhabilité des installations essentielles dans un contexte épidémique : des zones de triage à l’entrée des structures sanitaires, des zones à déchets avec incinérateur et des laveries dédiés.
  • La protection des populations vulnérables (femmes, enfants, personnes à mobilité réduite) qui passe par des campagnes de sensibilisation, la distribution de kits sanitaires et la prise en charge des cas positifs.
  • La prise en charge psychologique des victimes de violences. En effet depuis 2020 les statistiques sur les violences commises à l’encontre des femmes et des jeunes filles ont augmenté de manière vertigineuse, pendant que la pandémie liée à la Covid-19 captait toutes les attentions. En effet, selon l’ANSD, les données et les rapports provenant des acteurs de terrain, ont montré que tous les types de violence contre les femmes et les filles, surtout les violences domestiques, ont accru durant cette période

Analyse des politiques et règlementations relatives à la pandémie Covid 19

Une série de décrets a été prise pour fermer les écoles, annuler les fêtes religieuses, fermer les lieux de culte et de nombreuses entreprises et mettre en place des restrictions sur les déplacements internationaux et régionaux. Ces décrets ont abouti à la proclamation de l’état d’urgence, qui a imposé un couvre-feu ainsi que l’obligation de porter un masque en dehors du domicile.

Dans le secteur agricole, même si l’impact sur la production est moindre, il faut noter que les mesures de restriction de déplacement et la fermeture des frontières ont entraîné des pertes économiques importantes du fait de l’impossibilité d’exporter des produits agricoles ou de les acheminer entre les régions; ce qui a entrainé une commercialisation des produits trop restreinte. Même les produits transformés ne trouvaient pas d’acheteurs. Le secteur de la micro finance a été aussi touché par les mesures prises par le gouvernement pour pallier la contamination de masse.

Recommandations

  • Créer un cadre de suivi de la redevabilité du secteur de la santé
  • Promouvoir un changement de mentalité visant à inciter les populations à revendiquer leurs droits à accéder à des services de santé de qualité
  • Faire le plaidoyer pour une transparence dans les informations transmises par l’État et relatives à la gestion des fonds publics, spécialement ceux liés à la gouvernance de la pandémie Covid 19
  • Renforcer et structurer les unités économiques informelles porteuses
  • Vulgariser les règles juridiques ayant un lien spécifique à la gouvernance étatique en période de crise sanitaire
  • Créer des synergies entre parties prenantes du secteur de la santé pour une efficacité et une efficience des mesures et actions correctives.

 

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