Rapport sur le droit de la nationalité Sénégal, European University Institute, Juillet 2021

Auteur: Ibrahima Kane

Site de publication: European University Institute 

Type de publication: Rapport

Date de publication: Juillet  2021

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Introduction

Le conflit sénégalo-mauritanien des années 1990, la crise sécuritaire qui sévit encore en Casamance depuis 1981 et surtout l’état toujours calamiteux de l’état civil  ont révélé au grand jour la question lancinante de la fiabilité de la documentation permettant aux citoyens et aux étrangers vivant dans le pays d’apporter la preuve irréfutable des liens les rattachant légalement au Sénégal.

Le caractère explosif d’une telle situation a poussé le pays à s’associer, en 2015, à l’initiative de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et du Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR) visant à prévenir, réduire et résoudre l’apatridie en Afrique de l’Ouest, dans le cadre de la décennie pour l’éradication de l’apatridie dans le monde.

L’élaboration de la loi sur la nationalité 

Bien que s’étant inspiré, comme la plupart des nouveaux pays francophones indépendants, du Code français de la nationalité de 1945, le législateur sénégalais a dû, lors de la rédaction de la première loi sénégalaise de la nationalité, tenir compte d’un certain nombre de paramètres qui l’ont obligé à faire preuve de réalisme dans l’identification de ceux et celles qui devaient être comptés parmi les Sénégalais :

  1. La position géographique du Sénégal, situé à l’extrême ouest du continent africain, au confluent de l’Europe, de l’Afrique et des Amériques, et donc au carrefour de grandes routes maritimes et aériennes, qui en faisait un pôle d’attraction pour nombre de ressortissants étrangers;
  2. La présence de milliers d’étrangers sur le territoire, notamment à Dakar, ancienne capitale de l’Afrique occidentale française et principal centre administratif et économique de la région;
  3. Un système d’état civil désorganisé et approximatif ne permettant pas à la grande majorité de la population de rapporter une preuve de naissance et/ou de filiation. La loi sur la nationalité sénégalaise de 1961 comportait donc des dispositions spéciales transitoires permettant aux personnes originaires des anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne et des pays voisins d’acquérir la nationalité sénégalaise par option – mais seulement pendant une très courte période de trois mois après l’entrée en vigueur de la loi.

L’attribution de la nationalité à la naissance

La loi fit dépendre l’attribution de la nationalité de la naissance sur le territoire ou de la filiation. Est ainsi sénégalais :

– celui qui est né au Sénégal d’un parent qui y est aussi né, qui y réside habituellement et qui s’est continuellement et publiquement comporte comme un sénégalais;

– l’enfant légitime né d’un père sénégalais ou d’une mère sénégalaise dont l’époux est sans nationalité ou d’une nationalité inconnue;

– l’enfant naturel dont l’un des parents est sénégalais, n’a pas de nationalité ou lorsque celle-ci est inconnue;

– l’enfant trouvé au Sénégal et dont les parents sont inconnus

Le conflit sénégalo-mauritanien des années 1990, la crise sécuritaire qui sévit encore en Casamance depuis 1981 et surtout l’état toujours calamiteux de l’état civil  ont révélé au grand jour la question lancinante de la fiabilité de la documentation permettant aux citoyens et aux étrangers vivant dans le pays d’apporter la preuve irréfutable des liens les rattachant légalement au Sénégal

La perte de la nationalité 

En droit sénégalais, la perte de la nationalité est la conséquence de l’acquisition ou de la possession d’une nationalité étrangère, tandis que la déchéance est la privation de la nationalité en tant que sanction d’un défaut de loyalisme envers l’État sénégalais ou d’une condamnation à une peine sévère.

En principe, tout Sénégalais majeur, qui acquiert « volontairement» une nationalité étrangère, perd sa nationalité sénégalaise. Mais la perte n’est pas automatique puisque la demande de l’intéressé est « subordonnée » à une autorisation expresse du gouvernement, par voie de décret, ce qui finalement amène à se demander si l’on est dans une situation de perte de la nationalité.

La perte de la nationalité s’entend de la perte de plein droit par un individu de sa nationalité. Or, selon le site officiel du ministère de la justice, cette perte est assimilable à une renonciation à la nationalité en ce que la personne concernée doit en faire la demande au ministre de la Justice dans laquelle elle produit le document attestant qu’elle a obtenu une nationalité étrangère ou à une garantie d’acquisition de celle-ci.

Quels place et rôle pour les collectivités locales dans le processus de détermination de la nationalité? 

L’examen de la brûlante question de la gestion de l’état civil nous a montré combien important était le rôle des collectivités locales dans l’enregistrement des faits d’état civil et dans leur conservation.

Paradoxalement, cet acteur clef est royalement ignoré dans la loi sur la nationalité alors qu’il est, en tant que détenteur des éléments de preuve (acte de naissance, certificat de mariage, etc.) devant être fournis à l’appui de toute demande, au cœur du processus d’octroi de la nationalité.

Par exemple, au lieu de concentrer les enquêtes prévues dans le cadre du processus de naturalisation entre les mains d’une administration aux ordres du parti au pouvoir et parfois corrompue, on aurait pu permettre à l’administration locale, plus proche des étrangers et travaillant étroitement avec eux, notamment dans les secteurs de l’économie et du social, d’apporter la preuve irréfutable de leur intégration effective dans la société sénégalaise. Cela aiderait à minimiser les cas de fraude et donc à faciliter la tâche des pouvoirs publics.

La perte de la nationalité s’entend de la perte de plein droit par un individu de sa nationalité. Or, selon le site officiel du ministère de la justice, cette perte est assimilable à une renonciation à la nationalité en ce que la personne concernée doit en faire la demande au ministre de la Justice dans laquelle elle produit le document attestant qu’elle a obtenu une nationalité étrangère ou à une garantie d’acquisition de celle-ci

L’état civil des enfants talibés

Pays musulman et important centre d’études islamiques, le Sénégal attire énormément d’enfants venant étudier dans les écoles coraniques traditionnelles connues sous le nom de « daara » et dont la moitié est originaire des pays de la région.

Un nombre important de ces enfants ne sont souvent pas déclarés à leur naissance par leurs parents ou se déplacent sans documents attestant de leur identité ou nationalité. Sans documents appropriés, il est difficile de tirer les enfants des Fourches caudines de ces groupes mafieux car l’obtention auprès des tribunaux la délivrance d’une ordonnance de garde nécessite la possession par l’enfant d’un extrait de naissance ou d’un document d’identité.

La Stratégie nationale de protection de l’enfant (SNPE), en tant que cadre de référence pour la mise en place d’un système intégré de protection de l’enfant conforme aux standards internationaux et de promotion de changement de comportement favorable au respect des droits de l’enfant au Sénégal, pourrait contribuer, avec l’adoption d’un Code de l’enfant, à l’éradication de l’apatridie dans le pays.

 

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