Auteur : Human rights Watch
Site de publication : HRW
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2022
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Arrestations arbitraires de figures de l’opposition, usage excessif de la force par les forces de sécurité, espace civique restreint, viols et d’autres violations graves des droits humains se sont poursuivis toute l’année au Sénégal. Le 25 juin, l’Assemblée nationale sénégalaise a adopté deux projets de loi antiterroristes défectueux et d’une portée trop vaste, qui prévoient la réclusion à perpétuité pour les personnes enfreignant ces lois.
Le viol, l’exploitation sexuelle et les abus d’élèves restent des préoccupations graves dans le milieu scolaire sénégalais. Les filles sénégalaises sont confrontées à des niveaux élevés de violence sexuelle et sexiste, notamment d’exploitation sexuelle, de harcèlement et d’abus, de la part d’enseignants et d’autres responsables scolaires. Certaines élèves ont également été violées et abusées sexuellement par d’autres. La plupart de ces cas ne sont pas signalés et les auteurs restent souvent impunis. Le 29 juin, un élève de 19 ans a été placé en détention par la police après une accusation de viol sur une fille âgée de 15 ans, qui fréquentait la même école.
L’exploitation, la maltraitance et la négligence d’enfants vivant dans les écoles coraniques traditionnelles sénégalaises se sont perpétuées. Ces élèves, appelés talibés, sont des milliers à vivre dans des conditions extrêmement sordides, tout en étant privés d’une nourriture appropriée et de soins médicaux adéquats.
Usage excessif de la force
Le 3 mars, des mouvements de contestation ont éclaté dans tout le pays à la suite de l’arrestation d’Ousmana Sonko, principale figure de l’opposition, à Dakar. Les forces de sécurité ont dispersé les manifestants à coup de gaz lacrymogène et par tirs de balles réelles ; elles ont interpellé 100 personnes et en ont laissé des centaines d’autres blessées. Ousmane Sonko, dirigeant du parti politique Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), a été arrêté après avoir été accusé de viol par une femme, accusation qu’il a niée, affirmant qu’il s’agissait d’une manœuvre politique.
Son arrestation a déclenché des manifestations de masse, avec des milliers de jeunes principalement, mais aussi des membres des partis de l’opposition et de la société civile déferlant dans les rues du pays. Dans une allocution du 5 mars, le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome a déclaré que les manifestations étaient des « actes de terrorisme », d’ «insurrection », de « vandalisme » et de « banditisme », et qu’elles étaient illégales compte tenu de l’état de catastrophe sanitaire instauré en réponse à la pandémie de Covid-19.
Selon ces lois, les «actes terroristes» incluent les actes ayant pour but de troubler gravement l’ordre public», «l’association de malfaiteurs» et «les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication», tous étant passibles de réclusion à perpétuité. De plus, ces lois érigent en infraction pénale le fait «d’inciter à la commission d’un acte terroriste», sans toutefois définir clairement la notion d’incitation, ce qui met en danger la liberté d’expression, notamment celle des médias, en rendant ces formes d’expression passibles de poursuites
Le 25 juin, la population est descendue dans les rues de Dakar, à l’appel du Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D), regroupement de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, pour protester contre l’adoption de deux projets de loi antiterroristes controversés par l’Assemblée nationale. Les médias ont rapporté que la police avait répondu par des tirs de gaz lacrymogène et interpellé au moins 20 manifestants. Toutes les personnes arrêtées ont été libérées, dont un homme qui a accusé la police de l’avoir frappé et brutalisé.
Lois antiterroristes
L’Assemblée nationale a adopté deux projets de loi antiterroristes, par 70 voix contre 11. Ces nouvelles lois bancales portent modification au code pénal et au code de procédure pénale. Le gouvernement a affirmé qu’elles visaient à « renforcer la lutte contre le terrorisme, la piraterie maritime et la criminalité transnationale organisée », mais les organisations de la société civile et les partis d’opposition leur ont reproché d’être trop vagues et de menacer les libertés et les droits fondamentaux.
Selon ces lois, les « actes terroristes » incluent les actes ayant pour but de « troubler gravement l’ordre public », « l’association de malfaiteurs » et « les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication », tous étant passibles de réclusion à perpétuité. De plus, ces lois érigent en infraction pénale le fait « d’inciter à la commission d’un acte terroriste », sans toutefois définir clairement la notion d’incitation, ce qui met en danger la liberté d’expression, notamment celle des médias, en rendant ces formes d’expression passibles de poursuites.
Abus perpétrés contre des enfants talibés dans les écoles coraniques
Chaque année, des milliers d’enfants talibés, sénégalais ou étrangers, migrent vers les grandes villes pour se rendre dans des daaras. Des milliers d’entre eux sont victimes de traite. Selon la loi sénégalaise, la traite des personnes inclut l’exploitation d’enfants pour de l’argent par la mendicité forcée, ainsi que le recrutement ou le transport d’enfants à cette fin.
Malgré des lois nationales strictes interdisant la maltraitance des enfants et la traite des personnes, et les efforts du gouvernement pour remédier à ces problèmes, l’engagement soutenu des autorités sénégalaises pour mettre fin à la mendicité forcée et aux abus des talibés s’est avéré peu concluant. En 2021, il y a eu quelques poursuites et condamnations de maîtres coraniques pour maltraitance sur des talibés, notamment pour avoir frappé et enchaîné des enfants et pour avoir causé la mort d’un garçon à la suite de coups en 2020.
Toutefois, les lois existantes sur l’exploitation par la mendicité forcée restent peu appliquées. Le gouvernement a continué ses programmes de « modernisation » et de soutien des daaras. En 2021, certains gouvernements locaux ont poursuivi leurs efforts pour réduire la mendicité des enfants et « retirer les enfants de la rue », dans le prolongement du déploiement national de la troisième phase du programme prévu à cet effet par le gouvernement en 2020.
Violences sexuelles et sexistes
Les filles sénégalaises sont confrontées à des niveaux élevés de violence sexuelle et sexiste, notamment d’exploitation sexuelle, de harcèlement et d’abus, de la part d’enseignants et d’autres responsables scolaires, mais aussi à des viols et des abus sexuels de la part d’autres élèves.
Le 29 juin, un élève de 19 ans a été placé en détention par la police et accusé d’avoir violé une fille âgée de 15 ans, qui fréquentait la même école. L’accusé aurait diffusé une vidéo du viol, largement relayée sur WhatsApp et d’autres réseaux sociaux. Ceci a entraîné des réactions condamnant le viol et l’accusé, mais aussi des tentatives de calomnie et de discrédit du récit du viol fait par la survivante.
Le gouvernement refuse encore de reconnaître l’ampleur des violences sexuelles à l’école et n’a pas encore pris de mesures concrètes pour remédier à ce problème ni pour protéger les survivantes au moment de la dénonciation des abus et après.
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