Sénégal : répression pré-électorale, Human rights watch, Janvier 2024

Auteur : Human rights watch

Site de publication: HRW

Type de publication: Rapport 

Date de publication: Janvier 2024

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Les autorités devraient garantir les libertés fondamentales, et mettre fin aux détentions et poursuites arbitraires

Les autorités sénégalaises répriment l’opposition, les médias et la société civile à l’approche des élections générales qui doivent se tenir le 25 février 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités devraient enquêter de manière efficace sur toutes les violences commises par les forces de sécurité, libérer les personnes détenues arbitrairement, y compris pour des raisons politiques, et garantir les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, essentiels à des élections véritablement libres et équitables.

Cette répression a commencé en 2021 dans le contexte des procédures judiciaires concernant l’éminent leader de l’opposition Ousmane Sonko et de préoccupations suscitées par l’éventualité d’un troisième mandat du président Macky Sall, mais il y a eu une vague d’arrestations d’opposants politiques et de dissidents au cours des derniers mois.

Des vagues d’arrestations ont commencé en 2021 à la suite de manifestations violentes liées à des procédures judiciaires concernant Ousmane Sonko et à la perspective d’un possible troisième mandat du président Macky Sall. Les forces de sécurité ont ciblé des dirigeants, des membres et des partisans du parti d’Ousmane Sonko.

Sonko a été plus récemment arrêté le 28 juillet pour incitation à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État, provocation de troubles politiques graves et association de malfaiteurs, entre autres. Bassirou Diomaye Faye, Secrétaire général du PASTEF, est en détention depuis le 14 avril, devant répondre de chefs d’accusation similaires à la suite d’un message critiquant les magistrats qu’il avait publié sur son compte Facebook.

Les autorités ont utilisé le système judiciaire pour s’en prendre aux opposants politiques et aux dissidents. Les avocats représentant les personnes arrêtées dans le cadre de manifestations organisées par l’opposition se sont dits préoccupés par le manque de respect des droits de leurs clients à une procédure régulière, notamment les accusations inventées de toutes pièces, le manque de preuves à l’appui des accusations, la détention provisoire prolongée, ainsi que les mauvais traitements et la torture en détention ou lors de l’arrestation.

Cette répression a commencé en 2021 dans le contexte des procédures judiciaires concernant l’éminent leader de l’opposition Ousmane Sonko et de préoccupations suscitées par l’éventualité d’un troisième mandat du président Macky Sall, mais il y a eu une vague d’arrestations d’opposants politiques et de dissidents au cours des derniers mois

Utilisation abusive de la détention provisoire, refus de la libération provisoire

Sauf si un crime est en train d’être commis ou vient juste d’être commis (« délit flagrant » dans le système de droit pénal), la loi sénégalaise exige que les forces de l’ordre disposent d’un mandat d’arrêt délivré par un tribunal pour arrêter un suspect.

Dans la pratique, les forces de sécurité traitent la plupart des cas impliquant des opposants comme des infractions qualifiées de « délit flagrant » et arrêtent des personnes sans mandat. Les personnes ainsi arrêtées ont le droit d’être présentées rapidement à un juge, d’être mises en examen et jugées, avec un maximum de 96 heures de détention avant inculpation autorisées par la loi sénégalaise.

Cependant, le parquet et les tribunaux, en réponse aux demandes du parquet, refusent systématiquement la libération provisoire aux opposants politiques et les maintiennent en détention provisoire prolongée, en violation du droit international relatif aux droits humains.

Conditions de détention

D’après la base de données World Prison Brief qui fournit des informations sur les systèmes pénitentiaires dans le monde entier, la capacité des prisons sénégalaises est d’environ 7 300 personnes, mais le nombre de détenus, qu’ils soient incarcérés avant leur procès ou après leur condamnation, était de plus de 13 000 en septembre 2023.

D’anciens détenus et leurs proches ont décrit à Human Rights Watch des cellules extrêmement surpeuplées avec des conditions inhumaines. Dans le centre de détention de Rebeuss à Dakar, où sont incarcérés les prévenus avant leur procès, les détenus partagent chaque mètre carré d’espace, n’ayant souvent pas la place de s’asseoir ou de s’allonger. Construite en 1929 avec une capacité de 600 détenus, la prison de Rebeuss enferme actuellement plus de 3 000 personnes en détention provisoire, dont plus de 700 ont été arrêtées dans le cadre de manifestations organisées par l’opposition.

Les autorités ont utilisé le système judiciaire pour s’en prendre aux opposants politiques et aux dissidents. Les avocats représentant les personnes arrêtées dans le cadre de manifestations organisées par l’opposition se sont dits préoccupés par le manque de respect des droits de leurs clients à une procédure régulière, notamment les accusations inventées de toutes pièces, le manque de preuves à l’appui des accusations, la détention provisoire prolongée, ainsi que les mauvais traitements et la torture en détention ou lors de l’arrestation

Le droit international interdit les conditions de détention qui constituent un traitement inhumain ou dégradant, un seuil atteint par la surpopulation et le manque de services de base adéquats et de dignité pour les personnes enfermées dans les centres de détention provisoire du Sénégal, a déclaré Human Rights Watch.

Arrestation de journalistes et d’activistes sur les réseaux sociaux

Le 16 mai, les forces de sécurité ont arrêté la journaliste Ndèye Maty Niang, également connue sous le nom de Maty Sarr Niang, à son domicile à Dakar et l’ont accusée de diverses infractions, notamment d’« appel à l’insurrection, à la violence et à la haine », à la suite de ses publications sur Facebook critiquant les autorités sénégalaises.

Elle est toujours incarcérée à Dakar. « Son avocat a déposé deux demandes de mise en liberté provisoire, mais elles ont été rejetées », a expliqué la mère de Ndèye Maty Niang. « Elle souffre en prison ; elle est dans une cellule avec 62 autres détenues. Elle est psychologiquement épuisée et maintenant je m’occupe de ses trois enfants. »

Le 29 juillet, la police a arrêté Pape Alé Niang, le rédacteur en chef du site d’information Dakarmatin, à son domicile à Dakar pour des accusations d’« insurrection », à la suite de propos qu’il avait tenus dans une diffusion en direct sur sa page Facebook au sujet de l’arrestation d’Ousmane Sonko le 28 juillet. Il a bénéficié d’une libération provisoire après une grève de la faim de 10 jours. C’était la troisième fois que les forces de sécurité arrêtaient Pape Alé Niang depuis novembre 2022.

Autocensure
Les journalistes ont confié qu’ils étaient réticents à critiquer le gouvernement pour éviter d’être étiquetés comme des opposants politiques et d’être pris pour cible. « Nous sommes extrêmement prudents, nous savons que nous pouvons finir en prison si nous écrivons quelque chose qui déplaît au gouvernement », a expliqué un journaliste de presse. « Mon patron me demande constamment de faire attention à ce que j’écris dans mes articles. »

« Au cours des deux dernières années, nous avons observé une tendance croissante à l’intimidation et aux attaques ciblées contre les journalistes et les médias indépendants, raison pour laquelle les journalistes pratiquent de plus en plus l’autocensure », a indiqué Ibrahima Lissa Faye, directeur du média en ligne Pressafrik.com. « Lorsque les journalistes censurent leurs propres pensées, la liberté des médias est menacée. »

 

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